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pour enfant légitime de deux époux, et qu'à l'ombre de cette possession d'état, il a recueilli leurs successions, il est hors de doute que leurs véritables héritiers sont en droit d'agir en restitution des biens contre lui, et que, pour parvenir à leur but, ils peuvent critiquer son état : alors ils sont obligés d'ouvrir leur action dans le délai de trente ans depuis son entrée en jouissance, parce que la pétition d'hérédité est une action personnelle qui se prescrit par ce laps de temps (a); mais si cet enfant est décédé en paisible possession de son état, avant que les héritiers de ses père et mère aient dirigé aucune action contre lui, quel sera le terme de cette prescription?

Le droit romain avait fixé ce terme à cinq ans depuis le jour de la mort : il voulait que l'état en possession duquel l'homme était décédé, fût considéré, après cinq ans de son décès, comme lui ayant été irrévocablement acquis, et que tous les droits y attachés fussent réglés en conséquence; et cette prescription avait

(a) L'action en pétition d'hérédité a toujours été considérée comme une action réelle; car celui qui l'exerce prétend être propriétaire de la succession qu'un autre possède. Tout au plus pourrait-on lui donner la qualification de mixte, à raison des prestations personnelles dont le possesseur peut être tenu (V.1. 7, Cod. Just. de petit. her., lib. III, tit. 31). Au reste, comme l'auteur n'envisage ici l'action qu'au point de vue de la prescription qui peut l'éteindre, le langage qu'il emploie n'offre pas d'inconvénients, et il est tout à fait indifférent de déterminer le véritable caractère de l'action, comme réelle ou personnelle (V. art. 2262). Quant à la question de compétence des tribunaux, que nous n'avons pas à examiner ici, elle demeure tout à fait intacte.

tant de faveur, qu'il n'était plus permis d'attaquer l'état d'un citoyen mort depuis moins de temps, ou même encore vivant, si, pour décider de sa légitimité, il fallait remonter à celle d'une autre personne décédée depuis plus de cinq ans, et la remettre en problème.

Mais le Code civil ne porte aucune disposition semblable à celle de la loi romaine sur cet objet; d'où il faut conclure que cette prescription est renvoyée aux principes du droit commun, parce que la règle générale doit obtenir son empire partout où il n'y a point d'exception prononcée.

Ainsi, même après la mort de l'enfant dont il est question dans l'hypothèse que nous avons faite, les héritiers des époux qui lui avaient accordé la possession d'état, auraient trente ans pour agir en restitution d'hérédité, à dater du moment de l'entrée en jouissance de cet enfant.

CHAPITRE II.

Des Enfants naturels.

L'enfant est légitime lorsqu'il est conçu durant le mariage de ses père et mère, parce qu'il est issu d'une union approuvée par la loi.

L'enfant naturel est donc celui qui est conçu hors le mariage, parce qu'il est le fruit d'une conjonction illicite.

Ce n'est pas l'instant de la naissance arrivé ou non dans le mariage, qui peut servir à déterminer son état,

puisque l'enfant né moins de cent quatre-vingts jours depuis l'union des époux, peut être désavoué comme illégitime, quoique sa naissance soit arrivée dans le mariage, tandis que celui qui est né moins de trois cents jours depuis la mort du mari, est légitime, quoique né hors le mariage (a).

On distingue trois espèces d'enfants naturels, qui sont les bâtards simples, les enfants adultérins, et les enfants incestueux (b).

Le bâtard simple est celui qui est né de deux personnes qui ne sont mariées ni l'une ni l'autre, et qui ne sont pas parentes ou alliées au degré prohibé.

L'enfant adultérin est celui dont les père et mère, où l'un d'eux, étaient, au temps de sa conception, engagés dans les liens du mariage, non entre eux, mais avec d'autres personnes.

L'enfant incestueux est celui dont les père et mère sont parents (c) à un degré qui emporte prohibition du mariage entre eux.

Comme c'est au temps de la conception qu'on doit se reporter pour savoir si un enfant est légitime ou illégitime, de même c'est à cet instant qu'il faut remonter aussi pour savoir s'il doit être réputé inces

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26.

(a) V. la note a de la (b) Nous ferons remarquer que le mot bâtard ne se rencontre jamais dans le texte du Code civil. On a évité de l'employer comme emportant une idée de mépris et de flétrissure, ainsi que de certaines incapacités qui sont aujourd'hui singulièrement adoucies.

(c) Ajoutez ou alliés. V. art. 161 et 162.

tueux ou adultérin, parce que cette double qualification dérive du crime dont se sont rendus coupables les père et mère, et que c'est par la conjonction illicite qui a eu lieu entre eux, lors de la conception de l'enfant, que l'adultère ou l'inceste a été commis.

Nous diviserons ce chapitre en trois sections, parce que les enfants naturels peuvent se trouver dans trois positions différentes.

Dans la première, nous traiterons des enfants naturels non reconnus.

Dans la seconde, nous traiterons de ceux qui sont simplement reconnus.

Dans la troisième, nous parlerons de la légitimation qui a lieu par le mariage des père et mère, lorsque l'enfant a été reconnu.

SECTION PREMIERE.

Des enfants naturels non reconnus.

Tout homme appartenant, par sa naissance, à la patrie qui le reçut venant au monde, le droit naturel des sociétés veut que la grande famille dont il est né membre lui fournisse les secours nécessaires à son existence, lorsqu'il ne peut les espérer de parents assez dénaturés pour le repousser de leur sein. C'est pour satisfaire à cette obligation de la société que le gouvernement a établi des hospices ou dépôts de charité, pour y recevoir les enfants trouvés ou abandonnés, lesquels y sont nourris et élevés aux frais du trésor public.

Leur patrie n'est point incertaine comme leur famille; considérés sous les rapports civils et politiques, ils sont membres du corps social comme tous les autres citoyens, et capables de tous les emplois civils et militaires : la loi ne voit en eux que des enfants égaux aux autres membres de la grande famille, avec cette seule différence que leur position plus malheureuse leur mérite des secours et une protection plus particulière.

Il en serait de même des droits de famille, si nous vivions dans l'ordre simple de la nature, parce que la loi naturelle veut qu'on remplisse indistinctement, à l'égard de tous les enfants, les devoirs qu'elle attache à la paternité (a).

Mais, dans l'ordre civil, cette théorie n'est plus admissible le mariage, qui est le fondement des familles, est aussi celui de la société civile: c'est par

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(a) On ne saurait trop, à notre avis, se prémunir contre ces distinctions établies à priori entre le droit de la nature et le droit civil. Ces formules métaphysiques, dont l'appréciation exacte nous jetterait dans des développements interminables, ont été trop souvent la base de théories déclamatoires et même dangereuses. Quant au sujet particulier dont il est question dans le texte, remarquons que, dans l'ordre purement physique, il doit être impossible de constater le fait de la paternité, et que, par conséquent, il est inutile de rechercher quels ont pu être, dans un tel état de choses, les devoirs du père envers son enfant, V. dans le texte même, le premier alinéa du § Ier de la section II de ce chapitre, p. 136, où l'auteur s'exprime ainsi : La paternilė est absolument incertaine à l'égard des enfants illégitimes, etc. V. aussi la note a de la page suivante. ¿

TOME H.

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