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si, dans sa gestion, le tuteur sera autorisé à s'aider d'un ou de plusieurs administrateurs salariés et gérant sous sa responsabilité personnelle (454).

Un des devoirs principaux du tuteur est de placer utilement pour le mineur les fonds qui ne seraient pas absorbés par les dépenses de son éducation et les frais d'administration de ses biens; et, comme il peut être plus ou moins avantageux de faire ce remploi promptement, ou d'attendre que le montant des épargnes accumulées fournisse un capital plus considérable, tout tuteur, sans exception, est obligé de faire déterminer par le conseil de famille la somme à laquelle commencera pour lui l'obligation d'employer l'excédant des revenus sur la dépense. Lorsqu'il a entre les mains cette somme, la loi lui accorde le délai de six mois pour en procurer le placement, passé lequel il en doit l'intérêt pour le temps qu'il l'aura conservée de plus (455); et si le tuteur n'a pas eu soin de faire déterminer ce capital par le conseil de famille, il devra, après le délai de six móis expirés, les intérêts de toutes sommes qu'il aura touchées et gardées plus longtemps sans les employer, quelque modiques qu'elles soient ( 456 ).

Enfin, non-seulement la tutelle doit être suivie d'un compte définitif (469), mais même, durant l'administration, le subrogé tuteur qui en est surveillant, peut, en cette qualité, requérir qu'il lui soit remis de la part de tout tuteur direct, autre que les père et mère, des états de situation de sa gestion, aux époques que le conseil aura jugé à propos de

fixer, sans néanmoins qu'il puisse être astreint à en fournir plus d'un chaque année ces états doivent être fournis sans frais ni formalité de justice (470).

OBSERVATIONS.

I. Les articles 455 et 456 imposent au tuteur le devoir de placer dans le délai de six mois (comp. art. 1065) l'excédant des revenus sur les dépenses. Il en doit être de même, à plus forte raison, des capitaux trouvés dans la succession, et de ceux qui proviennent de la vente des meubles. Quant aux capitaux remboursés au tuteur pendant le cours de son administration, quelques personnes ont proposé d'appliquer, par voie d'analogie, l'article 1066, c'est-à-dire d'imposer au tuteur la nécessité d'effectuer le remploi dans le délai de trois mois. En effet, en s'occupant des substitutions permises, la loi fait une distinction entre les sommes trouvées au jour de la mort de l'auteur de la substitution, ou provenant soit de la vente des meubles, soit des premiers recouvrements, d'une part, et les sommes provenant de remboursements ultérieurs, d'autre part (Comp. art. 1065 et 1066). Cette distinction est fondée sur ce que le grevé a pu, dans la prévision de ces remboursements ultérieurs, prendre des mesures pour en effectuer promptement le remploi, tandis qu'il lui a fallu plus de temps pour les premiers placements à faire. Mais nous ne pensons pas qu'on puisse transporter à la matière de la tutelle ces règles écrites pour la matière tout exceptionnelle des substitutions. Et comment concevrait-on que le tuteur, à qui on accorde six mois pour placer une somme provenant des revenus du pupille, fût réduit à trois mois pour placer de nouveau un capital remboursé? On comprendrait peut-être mieux la règle tout à fait inverse; car il est assez facile de prévoir à l'avance quel sera l'excédant des revenus sur les dépenses; tandis que souvent on ne pourra prévoir certaines rentrées des capitaux, par exemple des remboursements de rentes.

par

D'autres ont prétendu que le placement des capitaux recouvrés le tuteur devait être effectué dans les six mois, quelque minime que fût la somme, et que le conseil de famille ne pouvait autoriser le tuteur à conserver ces capitaux, jusqu'à ce qu'il eût entre les mains une somme déterminée. Nous pensons, au contraire, qu'il faut laisser au conseil de famille, quelle que soit l'origine des sommes touchées par le tuteur, le même pouvoir discrétionnaire, à l'effet de déterminer pour quelle somme l'obligation de l'emploi sera imposée au tuteur. Il y a, dans tous les cas, identité de motifs.

II. Quant à la nature du placement à effectuer, la loi ne prescrit rien au tuteur. En matière de substitutions, il est dit que le grevé doit faire l'emploi conformément à ce qui aura été ordonné par l'auteur de la disposition, sinon, en meubles ou en prêts avec privilége sur des immeubles (V. art. 1067). Cette règle n'a pas d'application en matière de tutelle. Le tuteur pourra donc placer l'argent du pupille de toute autre manière offrant une sûreté suffisante, comme en rentes sur l'Etat, ou, si les sommes sont modiques, en dépôt à la caisse d'épargne.

III. Il est bien entendu que si le tuteur avait placé une somme inférieure à la fixation faite par le conseil de famille, il devrait compte des intérêts perçus. Il serait encore tenu de servir des intérêts, s'il avait appliqué les fonds à son usage personnel. C'est là une règle applicable à tout mandataire (V. art. 1996).

IV. Enfin le tuteur est responsable, s'il n'a pas contraint au remboursement les débiteurs solvables dont les dettes ne portaient pas intérêt, ou portaient un intérêt inférieur au taux ordinaire de l'argent; comme enfin, s'il était lui-même débiteur envers son pupille, il devrait les intérêts à partir du jour de l'exigibilité de la dette: Et generaliter, quod adversus alium præstare debuit pupillo suo, id adversus se quoque præstare debet; fortassis et plus; adversus alios enim experiri sine actione non potuit, adversus se potuit (L. 9, § 3, ff. de adm. et per. tut., lib. XXVI, tit. 7).

SECTION II.

Des pouvoirs du tuteur.

La loi qui retient en état d'interdiction le mineur non émancipé, dans la crainte qu'il ne dissipe sa fortune (a), loin de le protéger, opérerait infailliblement sa ruine, si, le privant de l'exercice de ses actions, elle l'abandonnait dans l'état de nullité civile où elle le constitue; elle lui donne en conséquence un tuteur pour le défendre et protéger sa personne, ainsi que pour administrer ses biens et le représenter dans tous les actes civils (450); mais l'administrateur des intérêts d'autrui abuse plus facilement, parce qu'il craint moins

(a) L'auteur dit que la loi retient en état d'interdiction le mineur non émancipé. On trouve aussi le même rapprochement établi, mais à un point de vue inverse, entre la minorité et l'interdiction, dans l'article 509, où il est dit que l'interdit est assimilé au mineur pour sa personne et ses biens. Cependant il faut observer que le mineur parvenu à l'âge de seize ans a dans certaines limites la capacité de tester (V. art. 904); tandis que cette capacité est entièrement refusée à l'interdit par les articles 502 et 901. De même le mariage du mineur qui a atteint un certain âge est autorisé, en termes exprès, par l'article 144; tandis que, suivant l'opinion commune, l'interdit ne peut valablement contracter mariage (Comp. t. I, p. 374 et 375. V. aussi M. Duranton, t. II, nos 27 et suiv. V. cependant MM. Aubry et Rau, t. III, p. 282 et 283). Enfin l'article 502 paraît exclure, quant à l'interdit, l'application de l'article 1305.

la perte que quand il s'agit de sa fortune propre : d'ailleurs, la faculté de régir en maître, ne peut appartenir qu'au propriétaire de la chose; la loi a donc dû mettre obstacle à la dissipation des biens du mineur, soit en resserrant dans de justes limites les pouvoirs du tuteur, soit en soumettant l'exécution de son mandat à la ratification du conseil de famille, ou même quelquefois de la justice, suivant le degré d'importance plus ou moins grande que peuvent avoir les actes de son administration.

Il est donc des actes dans la gestion des biens du mineur, que la loi permet au tuteur, et pour lesquels elle s'en rapporte à lui seul; d'autres pour lesquels il doit consulter le conseil de famille et obtenir son consentement; d'autres pour lesquels il faut en outre l'homologation des tribunaux, et d'autres enfin qui sont généralement prohibés au tuteur: c'est en suivant cette série que nous allons en indiquer les espèces. § 1er.

Des actes permis au tuteur.

Comme administrateur des biens, le tuteur peut et doit donner à ferme les propriétés du mineur, en toucher les revenus et donner valable décharge; il est, sur cet objet, soumis aux règles établies à l'égard du mari administrant les propres de son épouse (1718): en conséquence, les baux de neuf ans et au-dessous qu'il aurait passés doivent être exécutés pendant leur cours entier, lors même que la tutelle viendrait à finir avant

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