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SECTION PREMIÈRE.

De l'incapacité plus ou moins absolue du mineur, dans les différentes périodes de l'âge qui précède la majoritė.

Dans le droit romain, la minorité s'étendait jusqu'à vingt-cinq ans, et on la divisait en deux périodes principales, qui sont la pupillarité et la puberté.

La pupillarité s'étendait depuis la naissance jusqu'à douze ans révolus pour les femmes, et jusqu'à quatorze ans accomplis pour les mâles; et la puberté comprenait le surplus de la minorité jusqu'à vingt-cinq ans, pour l'un et l'autre sexe (a).

(a) I. Dans l'ancien droit romain, les jurisconsultes étaient partagés relativement à l'âge de puberté des mâles. Suivant les Proculéiens, la puberté des mâles était fixée uniformément à l'âge de quatorze ans. Les Sabiniens, au contraire, voulaient qu'elle résultât du développement physique de chaque individu (inspectione habitudinis corporis). Enfin d'autres exigeaient à la fois et l'âge et le développement physique (habitus corporis et numerus annorum). Justinien, consacrant l'opinion des Proculéiens, plus conforme aux mœurs de son temps, déclara que l'âge de quatorze ans serait toujours l'époque légale de la puberté (V. Inst. Just., tit. quib. mod. tut. finit., pr.; comp. Gaii Inst., Comm. I, § 196, et Ulp. Fragm. XI, 28).

II. C'est le droit prétorien qui, développant une loi de protection créée par un plébiscite nommé loi Plætoria, au profit des mineurs de vingt-cinq ans (minores viginti quinque annis), souvent appelés, par abréviation, mineurs (minores), leur a créé une position tout à fait particulière, en leur accordant la resti

Tout pupille devait avoir un tuteur, dont les fonctions expiraient dès que le pupille avait atteint l'âge de puberté.

Le mineur pubère administrait lui-même son patrimoine on ne pouvait lui donner de tuteur, puisqu'il était sorti de tutelle. Lorsqu'il voulait paraître en jugement, et encore en certains autres cas, comme lorsqu'il s'agissait de recevoir le remboursement de ses capitaux, il devait être assisté d'un curateur; mais, en thèse générale, et hors des cas exceptés, il n'était point obligé d'en recevoir un malgré lui (a).

tution in integrum lorsqu'ils avaient été lésés dans quelqu'un de leurs actes (V. au Digeste, le titre de minoribus viginti quinque annis, lib. IV, tit. 4).

(a) Néanmoins, il ne faudrait pas croire qu'il y eût entre l'impubère et le pubère mineur de vingt-cinq ans, la même différence que chez nous entre le mineur non émancipé et le mineur émancipé. L'impubère, aussi bien que le pubère, intervenait dans l'administration de sa fortune. L'impubère faisait des actes sous la direction de son tuteur (tutore auctore), comme le mineur de vingt-cinq ans en faisait avec le consentement du curateur (consensu curatoris). Une des différences les plus importantes qu'on puisse signaler entre ces deux classes de personnes, c'est que l'auctoritas tutoris était nécessaire pour que l'impubère pût s'obliger par des contrats ou des quasi-contrats ; tandis que le pubère mineur de vingt-cinq ans pouvait s'obliger seul, sauf la restitution que lui accordait le préteur, causâ cognita, pour cause de lésion. Cette dernière proposition est incontestable quant au mineur de vingt-cinq ans auquel il n'avait pas été nommé de curateur (ce qui arrivait souvent, puisque en principe les mineurs ne recevaient pas de curateurs malgré eux);

Le Code civil n'admet point cette distinction entre la pupillarité et la puberté : tout mineur en France est comme le pupille était chez les Romains, puisque tous les mineurs sont soumis à la tutelle, sauf ceux qui auraient été émancipés à l'âge déterminé par la loi (a).

Dans le droit romain, on divisait la pupillarité en trois périodes: la première s'étendait depuis la naissance jusqu'à sept ans révolus; c'est l'âge de l'enfance. Le temps qui sépare l'enfance de la puberté,

mais elle est contestée en ce qui concerne le mineur qui avait un curateur. Quant aux aliénations faites par les mineurs de vingtcinq ans sans l'assistance de leurs curateurs lorsqu'ils en étaient pourvus, il paraît qu'on était arrivé à les regarder comme nulles de plein droit, et sans qu'il fût besoin de prouver la lésion (Comp., à ce sujet, la loi 101, ff., de verb. oblig., lib. XIV, tit. 1, et la loi 3, C., de in int. rest., lib. II, tit. 22. V., sur cette matière difficile, les explications de M. Du Caurroy et de M. Ortolan sur le tit. XXIII du liv. 1er des Institutes. V. aussi, dans la Revue étrangère et française de législation, etc, mai 1843, p. 345, une dissertation remarquable de M. Frédéric Duranton). (a) Il est difficile d'admettre cette assimilation proposée par M. Proudhon entre le mineur français et le pupille romain. A Rome, la tutelle était organisée tout autrement qu'en France; car le tuteur romain, de droit commun, ne représentait pas son pupille dans toute espèce d'actes, mais devait l'autoriser chaque fois qu'il s'agissait d'un acte qui ne pouvait être fait par mandataire, comme lorsqu'il s'agissait d'acquérir des créances ou de contracter des obligations, ou enfin d'acquérir la propriété autrement que par tradition; tandis que chez nous le tuteur représente le inineur dans tout ce qui a rapport aux intérêts purement pécuniaires de celui-ci (Comp. art. 450).

se partageait en deux portions on appelait pupille près de l'enfance celui qui était dans la première de ces deux périodes, et pupille près de la puberté celui qui était dans la seconde. Le pupille, dans les années, et même près des années de l'enfance, était déclaré incapable de participer à aucune espèce de négociations civiles, par rapport à son défaut absolu de discernement; mais celui qui était parvenu près de sa puberté, pouvait déjà, en traitant, rendre sa condition meilleure (a).

Nous ne trouvons pas toutes ces distinctions sur l'âge du pupille dans le Code civil; mais il consacre aussi en principe que nulle convention ne peut exister sans consentement (1108); et quoiqu'il laisse dans le domaine du juge la question de savoir à quelle époque un individu peut avoir acquis assez de discernement

(a) I. Les Institutes de Justinien contredisent positivement notre auteur en ce qui concerne le pupille proximus infantiæ. Voici, en effet, ce que nous lisons dans le tit. 19 du liv. 3, de inut. stip., § 10: « Sed in proximis infantiæ, propter utilitatem eorum, benignior juris interpretatio facta est, ut idem juris habeant quod pubertati proximi. »

II. L'auteur, divisant la pupillarité du droit romain en trois périodes, considère comme infans celui qui n'a pas sept ans révolus; comme infantiæ proximus celui dont l'âge est plus rapproché de l'enfance que de la puberté ; et enfin comme pubertati proximus celui qui, au contraire, est plus rapproché de la puberté que de l'enfance.

Sur la fixation de l'âge où l'impubère était infantiæ ou pubertati proximus, les interprètes ont été partagés; car aucun

pour consentir à une négociation, le principe qu'il pose ne nous conduit pas moins au même résultat que celui qui était déterminé d'une manière plus fixe dans la loi romaine.

Le pupille, dans les années de l'enfance, ne peut donc encore avoir d'autres droits à exercer que ceux qui lui ont été transmis, ou qui dérivent de la nature et de ses besoins, parce qu'il n'a, en quelque sorte, que le physique de l'existence, et qu'étant encore absolument nul pour la vie civile, il est comparable à l'insensé qui ne peut consentir que par instinct, ni avoir de volonté morale, déterminée par aucun discernement; d'où il résulte :

1° Que seul et par lui-même il est incapable nonseulement de s'engager ou aliéner son bien, mais même d'en acquérir, ni de recevoir des libéralités ou

texte du droit romain ne s'en explique d'une manière formelle ( V., à cet égard, Vinnius, Comm. sur le § 10 du tit. des Inst., de inut. stipul., cité plus haut ( lib. III, tit. 19)).

Quant à la détermination de l'âge où le pupille était réputé infans, il ne peut y avoir de doute quand on s'attache au dernier état du droit romain; car une constitution de Théodose déclare positivement que l'infans est celui qui a moins de sept ans (V. 1. 18, Cod., de jure delib, lib. VI, tit. 30).

Mais cette constitution de Théodose contient-elle à cet égard une innovation, ou ne fait-elle que reproduire la règle du droit antérieur? C'est là un point d'histoire qui est vivement débattu. La nature et les limites de ce travail ne nous permettent pas d'en faire l'objet d'un examen approfondi.

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