Page images
PDF
EPUB

voir point eu de part; elle ne peut lui donner des successeurs, en reconnaissant des enfants qui ne leur appartiendraient pas; elle n'est donc pas contradicteur légitime pour défendre dans la cause du mari. C'est donc avec la plus grande justice que la loi ne veut pas qu'on fasse peser sur le mari ou ses héritiers un jugement qui aurait été obtenu contre la femme ou ses héritiers, peutêtre par rapport à leur ignorance ou à leur négligence, ou même par collusion et sur des aveux mensongers (a).

(a) L'interprétation que M. Proudhon donne de l'article 325 revient à dire que la chose jugée à l'égard de la femme, au profit de l'enfant qui a réclamé son état, ne sera point chose jugée à l'égard du mari; ce qui est une application pure et simple de l'article 1351. Et telle paraît aussi avoir été la pensée du Tribunat qui a proposé la rédaction actuelle de l'article. Voici en effet les motifs par lesquels le Tribunat justifiait son projet de rédaction:

[ocr errors]

D'après les diverses observations résultant de l'examen de » cet article, la Section a pensé que l'unique objet de sa dispo>>sition était de changer la jurisprudence actuelle, sur un cas

>>

particulier facile à prévoir. On cite un exemple. Un individu, » qui n'a ni possession ni titre, réclame contre une famille à >> laquelle il prétend appartenir. Que fait-il d'abord? Il demande » que sa réclamation soit jugée relativement à la personne qu'il » dit sa mère, et dont il soutient être né durant le mariage. Si » le jugement sur la maternité ne lui est pas favorable, il ne va » pas plus loin; car, dès qu'il n'est point l'enfant de la femme, » il ne peut l'être du mari; il ne serait tout au plus que bâtard » adultérin. S'il parvient, au contraire, à faire juger que cette » femme est sa mère, il lui suffit, d'après la jurisprudence en>> core existante, d'alléguer par rapport au père la maxime » pater is est, etc. Cependant il peut arriver que les parents de la

Examinons actuellement la nature des preuves admissibles à l'appui d'une action en réclamation d'état.

Le fait de l'enfantement, ainsi que celui de l'identité de l'enfant, peuvent être établis par le registre

» femme, soit par négligence, soit par collusion avec le récla» mant, aient laissé accueillir une réclamation très peu fondée, » et que les parents du mari se trouvent lésés au dernier point » par un jugement dont on prétend conclure que le réclamant » était l'enfant du mari, quoiqu'il n'eût été question au procès » que de savoir s'il était l'enfant de la femme. L'article du projet » a pour but de parer à cet inconvénient grave. La Section ne » peut qu'approuver un si juste motif; mais elle pense en même » temps que, pour ne rien laisser à désirer sur la clarté du sens » et la facilité de l'application, la disposition doit être conçue » en ces termes : La preuve contraire pourra se faire par tous les » moyens propres à établir que le réclamant n'est pas l'enfant » de la mère qu'il prétend avoir, ou même, la maternité prou» vée, qu'il n'est pas l'enfant du mari de la mère. »

D'autres explications de notre article 325 ont cependant été présentées par divers interprètes du Code. Nous allons les examiner successivement.

Suivant M. Maleville, les derniers mots de l'article 325 se réfèrent uniquement aux cas exceptionnels dans lesquels l'action en désaveu appartient au mari ou à ses héritiers, aux termes des articles 312 et suivants, et dont il a été parlé plus haut. Mais le texte de l'article 325, aussi bien que les travaux préparatoires du Code, repoussent cette interprétation, qui d'ailleurs rendrait l'article complétement inutile.

Un troisième système consiste à soutenir, au contraire, que, dans l'hypothèse prévue par l'article 325, la paternité peut être contestée par toute espèce de moyens, et même par de simples présomptions morales, quoique d'ailleurs la maternité soit clai

des naissances, par la possession d'état, et par la preuve vocale quand elle est suffisamment adminiculée.

rement établie, même à l'égard du père; et tel nous paraît aussi le vrai sens de notre article. Mais comment justifier cette grave dérogation à la règle pater is est, etc., si formellement consacrée dans l'article 312?

Les uns répondent que dans les cas où la maternité, n'étant pas certaine et avouée, n'est établie que par la présomption légale qui découle d'une décision judiciaire, cette maternité ne peut plus servir elle-même de point de départ pour arriver à la preuve légale de la paternité. C'est ainsi, dit-on, que le Code de procédure ne permet pas d'employer comme pièce de comparaison, pour une vérification d'écriture, une autre pièce vérifiée elle-même judiciairement et non reconnue par la partie à laquelle on l'attribue (V. C. de pr., art. 200).

sance,

Cette explication ne nous paraît pas suffisante; car elle conduirait logiquement à décider, ce qui est tout à fait inadmissible, que dans le cas même où l'enfant aurait un acte de naisil suffirait de soulever contre lui une contestation, par exemple, de nier son identité, pour anéantir, ou du moins pour énerver notablement la puissance de la règle contenue dans l'article 312. Nous aimons bien mieux justifier le système proposé en disant que dans l'hypothèse prévue par l'article 325, c'està-dire lorsqu'il n'y a ni titre ni possession d'état, la paternité du mari de la mère est devenue des plus incertaines, à raison de l'absence des moyens de preuve servant habituellement à constater la filiation de l'enfant. Tout alors porte à croire que l'enfant, s'il appartient à la femme mariée, est le fruit de l'adultère et non du mariage; en sorte que le mari pourra faire valoir contre lui tous les moyens, toutes les preuves qui seront de nature à prouver qu'il n'en est pas le père; de même qu'il le pourrait dans le cas

Chacun de ces trois genres de preuves mérite des observations particulières.

1° Sur le registre des naissances.

L'acte de naissance consigné sur le registre de l'état civil contient la preuve directe et authentique de l'accouchement de la mère (319), si elle a été inscrite sous son véritable nom (57); mais lorsqu'il n'y a point de possession d'état à l'appui de ce titre, il ne prouve pas également l'identité de l'enfant, parce que le porteur d'un extrait de naissance pourrait emprunter un faux nom, en se substituant à la place d'un enfant qui serait mort loin de sa famille; on pourrait donc, suivant les circonstances, être fondé à exiger encore de lui d'autres preuves pour constater que cet acte est réellement celui de sa naissance propre.

Ainsi, quoiqu'un extrait du registre des naissances doive être regardé comme véritable en lui-même; quoique ce titre occupe le premier rang des preuves légales de la filiation, il peut être indirectement contredit, parce qu'il est permis d'en contester l'application à l'individu qui, sans aucune possession d'état, voudrait se l'approprier, et que la seule circonstance de ce qu'il en serait nanti ne suffirait pas pour le dégager de toute autre preuve sur son identité, attendu

prévu à l'article 313, c'est-à-dire lorsque l'acte de naissance étant d'ailleurs produit, la circonstance du recel de la naissance de l'enfant se trouve jointe à celle de l'adultère de la femme. (V. cidessus, p. 30.) ·

surtout que sa qualité de demandeur lui imposerait l'obligation de dissiper tous les doutes qui accompagnent nécessairement le défaut absolu de possession.

OBSERVATIONS.

M. Proudhon fait remarquer avec raison que l'acte de naissance ne prouve en aucune façon l'identité du réclamant qui s'en fait un titre ; mais il ne nous dit point comment cette identité pourra être établie.

D'abord il ne s'élèvera aucune difficulté à cet égard si l'enfant, sans avoir d'ailleurs la possession d'état définie dans l'article 321 (V. ci-dessous, dans le texte, le 2°), est en possession d'être le même que l'enfant désigné dans l'acte de naissance, Ainsi il a été élevé loin de ses parents, dans le lieu où a été dressé son acte de naissance, aux termes duquel une femme mariée est désignée comme étant sa mère; et, en outre, cet enfant est connu publiquement pour être l'individu dénommé dans l'acte. La filiation de cet enfant sera prouvée, aux termes de l'article 319, sauf preuve contraire, et sauf aussi le désaveu que le mari de la mère pourra exercer conformément aux principes qui ont été exposés plus haut, notamment dans le cas prévu par l'article 313.

Mais que doit-on décider dans le cas le plus ordinaire, c'està-dire lorsque le réclamant n'est point en possession d'être le même que l'enfant désigné dans l'acte comme né de telle femme mariée? Sans doute, ce réclamant doit prouver son identité. Mais peut-il faire cette preuve uniquement par témoins, ou estil assujetti à remplir les conditions préliminaires qu'exige l'article 323? Pour soutenir que l'article 323 est applicable, et que le réclamant, avant de passer à la preuve testimoniale, doit faire les justifications exigées au préalable par cet article (c'est-à-dire s'appuyer sur un commencement de preuve par écrit, ou sur des présomptions graves résultant de faits déjà constans), on

« PreviousContinue »