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n'a pu réellement faire passer le niveau de la règle que sur la pure hypothèque conventionelle, c'est-à-dire sur celle qui n'a d'autre origine que la convention des parties.

Mais si c'est seulement à l'égard de celle-ci que le système conserve toute sa pureté, il ne s'ensuit pas de là qu'on ne l'ait point du tout appliqué aux droits plus particulièrement favorisés que nous avons ci-dessus énoncés.

Seulement on l'a fait avec plus de mesure, et autant que le sujet le pouvait comporter. On a cherché à concilier et à tempérer l'équité particulière avec l'équité générale, les principes particuliers à ces droits avec les principes du système.

Toutes les fois qu'on a pu, après avoir établi l'exception, ramener, plus tôt ou plus tard, le cas excepté à la règle, on n'a pas manqué de le faire.

C'est ainsi qu'après avoir établi que certains priviléges ou hypothèques subsisteraient indépendamment de l'inscription, le législateur a cru néanmoins devoir faire tout son possible pour que le jour pénétrât aussi dans ces droits favorisés, tantôt en donnant la faculté, tantôt en faisant une obligation particulière à certains individus et même à des fonctionnaires publics, de prendre inscription, et en établissant des peines contre ceux qui ne satisferaient pas à cette obligation.

C'est ainsi de même qu'après avoir rendu générales les hypothèques légales et l'hypothèque judiciaire, on a ouvert la voie à ceux qui en sont ou qui doivent en devenir grevés, d'en obtenir la réduction à certains biensfonds.

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Telle est en général l'économie de la loi française sur les hypothèques.

De ces développements nous pouvons tirer, à l'égard d'une nouvelle loi sur cette matière, les conséquences suivantes:

Plus la publicité et plus la spécialité des hypothèques se trouvent assurées et établies;

Plus on aura été avare d'exceptions à ces deux principes, sans blesser, pour les droits les plus importants de la société, l'équité particulière propre à chacun d'eux ;

Plus on aura cherché à rattacher de quelque manière les cas exceptés aux principes, en les faisant rentrer au plus tôt dans la règle ;

Plus aussi la nouvelle loi sera parfaite.

Plus elle se sera éloignée de ces principes dirigeants, plus elle sera imparfaite, non conforme au but proposé, et dès lors nuisible.

Il sera facile maintenant d'apprécier la nouvelle loi du Piémont, en la rapprochant de son type, qui est la loi française, et en comparant les dispositions les plus essentielles des deux lois.

CHAPITRE IV.

PARALLÈLE DES DISPOSITIONS LES PLUS ESSENTIELLES DES DEUX LOIS FRANÇAISE ET PIÉMONTAISE.

SECTION Iere.

PRIVILEGES Généraux.

-

Les

Frais de justice plus considérables dans la loi piémontaise. aliments et habits de deuil de la femme ne devaient pas être compris dans ces priviléges, ou ils devaient l'être avec des restrictions. - Priviléges trop étendus du fisc.

LOI FRANÇAISE.

L'art. 2101 du code civil en énonce six : les frais de justice, les frais funéraires, les frais de dernière maladie, les salaires des gens de service, et les fournitures de subsistances faites au débiteur et à sa famille pendant les six derniers mois ou la dernière année, selon la qualité des fournisseurs.

Tous sont renfermés dans de justes limites; et si l'on excepte les frais de justice, qui quelquefois peuvent être considérables (lorsqu'il y a scellés, inventaires a et

a. Le savant avocat français M. Dupin, dans la préface de son recueil de lois sur la procédure, a prouvé qu'il serait facile de réduire encore les frais de saisie immobilière, de scellés et d'inventaire pour les cas de minorité, et de porter ainsi en France le système hypothécaire à un degré de perfection qu'il n'a encore atteint dans aucun pays. (Note de l'éditeur français.)

vente), et dont on ne peut se dispenser pour la conservation et la liquidation du gage commun à tous les créanciers; les autres créances ci-dessus énoncées ne sont que des dettes d'humanité, ordinairement modiques.

LOI PIEMONTAISE.

La loi piémontaise fait ici des additions et des extensions considérables

D'abord les frais de justice, surtout dans l'instance générale de discussion (qui n'existe pas dans la loi française), sont énormes, ainsi que nous aurons lieu de l'observer encore lorsqu'il sera question de cette instance.

En second lieu, on met au rang des frais funéraires les aliments et habits de l'an de deuil de la femme.

La jurisprudence du Piémont était vague et arbitraire sur ce point. L'article 26 du titre 33, liv. 3, des Constitutions royales dit : S'il paraît dans l'instance de discussion des créanciers pour frais de dernière maladie et de funérailles, ou pour loyers de maison, ou pour le prix de la vente d'immeubles, ou pour argent prêté et employé tant pour l'acquisition de quelques biens de la même espèce que pour la conservation des biens du débiteur, les premiers sont préférés à tous les autres; les seconds le seront sur les meubles et les marchandises. qui se trouvent existants dans les maisons et magasins, mais seulement pour le loyer d'une année; les autres auront respectivement la préférence sur les biens vendus, acquis ou conservés. Pas un mot ici sur une préférencé à donner aux aliments et aux habits de l'an

de deuil de la femme; et c'était bien le cas de l'énoncer si on lui en donnait une, et même de marquer son rang.

Il n'est parlé de cette sorte de créance dans les Constitutions qu'au titre de l'inventaire légal, c'est-à-dire à l'art. 16, tit. 8 du liv. 5, qui est ainsi conçu :

On fournira à la veuve du défunt les aliments et des habits aux frais de l'hérédité pendant son année de deuil, et même encore après jusqu'à la restitution de sa dot s'il ne conste pas qu'il y a des créanciers antérieurs qui l'en excluent. On ne peut pas arguer de cette disposi

tion.

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La jurisprudence pratique le donnait aux veuves, mais d'une manière vague et arbitraire, soit pour le rang, soit pour la fixation du montant. Tantôt on lui a donné le premier rang, tantôt le second; tantôt on l'a associé aux frais de dernière maladie et aux salaires des domestiques, tantôt non; tantôt on a compris dans la somme allouée pour aliments et habits de l'an de deuil les intérêts de la dot et des droits dotaux, tantôt on a exclu ces intérêts. Aux femmes du commun on donnait seulement de quoi s'acheter la veste lugubre (la robe de deuil); aux dames de haut parage on allouait une somme qui pût suffire non seulement aux habits personnels, qui se distinguaient en habits de grand deuil, de moyen deuil et de petit deuil, d'après un petit code de la matière, mais aussi aux tentures d'une voiture ou d'une chaise à porteurs, aux habits des domestiques, etc. Quelquefois on a porté cette somme jusqu'à trois mille livres de Piémont (3600 fr.).

Pour les exemples de toutes ces variations, je renvoie

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