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SECTION II.

PRIVILEGES SUR CERTAINS MEUBLES.

Plusieurs remarques sur la différence et de disposition et de rédaction entre les deux lois française et piémontaise. Différence essentielle à l'égard des ventes faites à terme. Ancienne et nouvelle jurisprudence du Piémont à ce sujet non concordante avec l'édit. - Dispo sitions omises par l'édit, et prévues par la lói française. — Privilége pour réparations locatives, sur les fruits, ou sur le prix d'une récolte, mal à propos établi,-Ainsi que celui en faveur des femmes mariées, des personnes ou des corporations administrées sur les meubles achetés, ou les créances formées de leurs deniers. - Privilége inutile et embarrassant que l'édit a établi en faveur du fisć, pour droits d'insinuation et de gabelles.

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La loi française, à l'art. 2102 du code civil, en énumère sept.

Il est ainsi conçu:

Les créances privilégiées sur certains meubles sont :

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1o Les loyers et fermages des immeubles, sur les fruits de la récolte de l'année, et sur le prix de tout ce qui garnit la maison louée ou la ferme, et de tout ce qui sert à l'exploitation de la ferme; savoir, pour tout ce qui est échu et pour tout ce qui est à échoir, si les baux sont authentiques, ou si, étant sous signature privée, ils ont une date certaine; et, dans ces deux cas, les autres créanciers ont le droit de relouer la maison ou la ferme pour le restant du bail, et de faire leur profit des baux et fermages, à la charge toutefois de payer au propriétaire tout ce qui lui serait encore dû ;

Et à défaut de baux authentiques, ou lorsqu'étant sous

signature privée ils n'ont pas une date certaine, pour une année, à partir de l'expiration de l'année courante.

Le même privilége a lieu pour les réparations locatives, et pour tout ce qui concerne l'exécution du bail.

Néanmoins, les sommes dues pour les semences ou pour les frais de la récolte de l'année, sont payées sur le prix de la récolte, et celles dues pour ustensiles sur le prix de ces ustensiles, par préférence au propriétaire, dans l'un et l'autre

cas:

Le propriétaire peut saisir les meubles qui garnissent sa maison ou sa ferme, lorsqu'ils ont été déplacés sans son consentement, et il conserve sur eux son privilége, pourvu qu'il ait fait la revendication; savoir, lorsqu'il s'agit du mobilier qui garnissait une ferme, dans le délai de quarante jours, et dans celui de quinzaine, s'il s'agit des meubles garnissant une maison.

LOI PIEMONTAISE.

L'édit du Piémont en porte douze. Il est vrai que l'un des numéros (le onzième) est un renvoi à des lois particulières sur les cautionnements, et que l'édit distingue en deux numéros le privilége du bailleur, suivant qu'il est bailleur d'une maison, ou d'un fonds rustique, ce qui ne fait qu'un seul numéro dans l'art. 2102 du code civil.

La rédaction cependant ne me paraît pas y avoir gagné; il y a plus, quelques-unes de ces dispositions présentent bien des doutes sur leur nécessité et sur leur concordance avec d'autres qui existent dans l'édit.

Voici les propres termes de l'art. 3.

Seront préférés sur certains meubles et créances:

1° Sur les meubles et marchandises qui se trouveront

existants dans les maisons et magasins loués, le bailleur, pour le loyer de l'année courante, et pour les dommages causés aux bâtiments mêmes, si le bail n'a pas de date certaine; et aussi pour les loyers des deux ans précédents, si l'acte a une date certaine, antérieure à cette époque.

2° Sur les fruits de la récolte de l'année, et sur les meubles et denrées existants dans les maisons d'habitation et dans les bâtiments dépendants des fonds rustiques, comme encore sur les bestiaux, ustensiles, et effets servant et destinés à l'exploitation des fonds affermés, le bailleur, pour les loyers et prix de ferme de l'année courante, et pour les dommages causés auxdits fonds, si le bail n'a pas de date certaine; et aussi pour les deux ans précédents, comme encore pour la restitution du cheptel et autres effets par lui fournis à ce titre, si le contrat de bail a une date certaine, antérieure à ladite époque.

Seront toutefois préférés au bailleur, sur les fruits, les frais pour ensemencement, culture et récolte, ainsi que les ouvriers pour les frais de réparations locatives faites pendant l'année; et de même sur la valeur des bestiaux et ustensiles, le créancier, pour le prix d'iceux, s'ils ont été vendus sans ferme.

Le privilége accordé au bailleur par le présent numéro et par le précédent aura aussi lieu pour les années suivantes du bail, à moins que la masse des créanciers, pour se prévaloir des meubles, marchandises, denrées, bestiaux, ustensiles et effets, ne préfère donner des sûretés au bailleur pour la totalité des fruits à échoir, et pour la restitution des cheptels et autres effets fournis audit titre.

n'a

Si le bail, soit des maisons, soit des biens ruraux, pas une date certaine, la loi piémontaise paraît au

1

premier abord restreindre le privilége à la seule année

courante.

à

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La loi française attribue le privilége pour une année, partir de l'expiration de l'année courante.

Cette dernière disposition est juste, attendu que plusieurs fois il arrive que le bail doit nécessairement continuer, parce que, n'ayant pu y avoir de congé signifié en temps utile, il y a lieu à une tacite réconduc

tion.

J'ai dit que la loi piémontaise semble au premier abord avoir borné le privilége à l'année courante; cependant, au dernier alinéa du n° 2, comme revenant sur ses pas, elle l'étend indéfiniment à toutes les années suivantes, ainsi que nous le verrons.

D'après la loi française, dans les deux sortes de baux, ainsi que dans les deux cas de date certaine ou incertaine, le privilége a toujours lieu non-seulement pour le prix de bail, mais pour les réparations locatives et pour tout ce qui concerne l'exécution du bail. Cela dit tout, et clairement.

La loi piémontaise, au no 1, où il s'agit des baux des maisons, n'énonce, outre les loyers, que les dommages causés aux bâtiments mêmes, ce qui ne suffit pas.

Le défaut d'entretien, l'omission de quelque réparation locative sont-ils des dommages positifs, des dommages causés?

Ne peut-il pas y avoir aussi d'autres obligations provenant du contrat de bail, à raison desquelles la dette du locataire excède le montant des loyers?

Le locataire ne peut-il pas, par exemple, s'être chargé

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de faire quelque construction ou quelque autre amélioration à ses frais, etc.?

Au no 2, où il est question des biens ruraux affermés, il paraît qu'on fait une distinction entre les baux de date certaine et de date incertaine, non-seulement pour les années de fermage, mais aussi pour les diverses créances que peut avoir un bailleur. « Pour les loyers » et prix de ferme (y est-il dit) de l'année courante, et » pour les dommages causés auxdits fonds, si le bail n'a >> pas de date certaine; et aussi pour les deux ans pré>> cédents, comme encore pour la restitution du cheptel » et autres effets par lui fournis à ce titre (c'est-à-dire >> des accessoires dudit cheptel), si le contrat de bail a >> une date certaine antérieure à ladite époque. »

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De la contexture de ce paragraphe, il semble qu'on peut induire que le privilége pour la restitution du cheptel et de ses accessoires soit accordé si les baux ont une date certaine, et non pas s'ils ont une date incertaine. Et, en vérité, si un cheptel a été donné, même dans des baux de cette dernière espèce, on ne voit pas

Le mot loyer est impropre ici, où l'on ne parle que des fonds rustiques et de leurs dépendances, lors même que parmi ces dépendances il y aurait des bâtiments, à moins que pour ceux-ci il n'y ait un prix à part. Ce n'est là qu'un petit défaut de traduction. L'original italien dit seulement sitti.

Le cheptel n'est qu'un bail de bestiaux, et ne se rapporte qu'aux bestiaux.

Le mot scorte de l'original italien a plus de latitude; car il comprend non-seulement les bestiaux, mais les ustensiles aratoires, les semences et autres choses, que le bailleur eût fournis au fermier pour servir à l'exploitation.

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