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mesurés dans plusieurs vallées par le service des grandes forces hydrauliques a déjà fourni de précieuses données.

Le bassin de la Pique, par exemple, boisé à 40 ojo, débite annuellement au pont de Lepadé 1.732.000 mètres cubes par kilomètre carré, tandis que le bassin contigu de l'Onne boisé à 5 0/0 en débite seulement 693.000 et le bassin complètement déboisé du Gave d'Ossoue 630.000. Les deux bassins de la Pique et de l'Onne présentent les éléments d'une comparaison particulièrement intéressante, car ils sont contigus, adossés à la chaîne centrale des Pyrénées, orientés également du sud au nord, ils présentent des conditions orographiques ou géologiques assez semblables pour permettre de supposer qu'ils reçoivent à surface égale la même quantité de pluie, que les eaux courantes s'y comportent de même comme évaporation, et que leur différence de régime provient exclusivement de leur taux de boisement, ainsi que M. le Conservateur de Gorsse l'avait déjà signalé dans le passage cité plus haut relativement aux crues de 1875. Quoiqu'ils ne soient pas munis de pluviomètres, l'inégalité possible de quelques dixièmes sur les chutes de pluie ne saurait expliquer une différence de débits dépassant le rapport du simple au double; et l'on a pu, dans ces conditions, évaluer par un calcul approximatif que la quantité d'eau supplémentaire fournie au déversoir par les condensations occultes sur les parties boisées atteint dans cette région cinq fois celle provenant des pluies 1, estimer aussi qu'en reboisant le tiers d'un bassin on doublerait le débit de ses eaux.

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Le renforcement de la houille blanche. Il est ainsi possible d'accroître considérablement par le reboisement les ressources hydrauliques de la houille blanche 2, dont l'insuffisance pendant la guerre a ralenti la fabrication des munitions, prolongé par suite la durée des hostilités et entrave aujourd'hui le relèvement économique de la France 3, On voit combien il est urgent de remédier aux destructions forestières de la guerre et de reboiser les montagnes auxquelles les forestiers français ont consacré depuis 1860 tant de science et de dévouement. PAUL DESCOMBES,

Ingénieur en Chef honoraire des manufactures de l'Etat.

I. Forces hydrauliques et reboisement, Bois et résineux, 16 janvier 1921. Durègne, Influence du reboisement sur les ressources hydrauliques de la houille

2.

blanche, Journal de la hoaille blanche, mars 1920.

3.- Le Déboisement et la vie chère, Journal des Débats, 6 avril 1920.

VISITES DE FORESTIERS ANGLAIS
DANS LES FORÊTS D'ÉCOUVES

ET DES ANDAINES

Dans son numéro du 1er novembre 1920 la Revue des Eaux et Forêts a rendu compte d'un séjour que des élèves des Universités anglaises d'Oxford et de Cambridge avaient fait dans la forêt du Tronçais. Elle émettait l'espoir que nos amis anglais auraient conservé bon souvenir de ces journées d'études et que d'autres missions leur succéderaient.

Cet espoir paraît en très bonne voie de réalisation aujourd'hui, et cela est tout à l'honneur de nos belles forêts et de notre chère science forestière. A chacune des vacances de leurs universités un certain nombre d'étudiants forestiers anglais viennent par groupes, soit avec leurs professeurs, soit seuls, mais toujours suivant un programme défini d'avance, visiter certaines de nos régions forestières et s'initier à nos

travaux.

Quatre fois depuis 1919 j'ai eu le plaisir de recevoir à Alençon nos camarades les forestiers ou futurs forestiers anglais.

M. Caccia, Directeur des études forestières pour l'Inde, fit un séjour de plusieurs jours à Alençon en 1919 avec une visite rapide de la forêt domaniale d'Ecouves. En septembre 1920, M. Troup, professeur de sciences forestières à Oxford, conduisit un jour dans cette forêt 26 de ses élèves. Mais une journée c'est bien peu pour un forestier, c'est encore moins pour des élèves peu expérimentés, s'il s'agit de faire connaissance, de prendre contact avec un massif forestier de 7.500 hectares en terrain accidenté, avec des conditions de végétation constamment différentes, renfermant les peuplements les plus variés, depuis la lande infertile jusqu'à la vieille futaie, en passant par tous les types de taillis et de perchis feuillus, avec des pineraies et des taches de sapinières. Afin de mettre les jeunes forestiers à même de se familiariser davantage avec ce massif et avec celui très analogue des Andaines, M. Caccia a envoyé 12 élèves faire un séjour dans ces deux forêts du 20 au 30 décembre 1920. 18 autres élèves, sous la conduite de M., Cowley-Brown,

Conservateur des Eaux et Forêts aux Indes, y ont fait un séjour d'égale durée au début d'avril 1921.

M. le Conservateur Lescuyer a tenu chaque fois à honorer ces tournées de sa présence et à consacrer les efforts faits pour l'instruction et le plaisir de nos hôtes en assistant à l'un des martelages les plus intéressants.

Ni en Ecouves ni en Andaines il ne pouvait être question de faire étudier par les élèves un projet d'aménagement. C'est un travail à rẻserver actuellement pour des forêts classiques, où l'on peut suivre à la lettre et pour ainsi dire pas à pas toutes les opérations de la méthode du Réensemencement naturel et des Eclaircies. Telles sont les belles forêts du bassin de la Loire.

Au contraire, à leur arrivée dans les forêts des Collines Normandes, les élèves se trouvent fortement désorientés par la variété des peuplements qu'ils ont sous les yeux et la complication apparente des opérations auxquelles ils participent. L'œuvre d'enseignement, ici, est autre. C'est surtout la formation du sylviculteur, l'appréciation et le choix des opérations à faire en chaque peuplement.

Je me suis efforcé d'abord de placer en quelques mots ces forêts devant ces jeunes gens dans le cadre du climat, du sol et des antécédents historiques qui en conditionnent la végétation. Le climat est celui de la région des Collines Normandes, intermédiaire entre le climat du bassin de la Loire et le climat breton; très tempéré, doux et humide, il est très favorable au chêne qui y manifeste une vitalité particulière par l'abondance des semis et la longévité des rejets de souche; il est également favorable au hêtre. Le sol provient de terrains primaires; superficiel, siliceux ou argileux, dépourvu de calcaire, il détermine un tapis végétal dense, composé de plaates sociales, fougères, bruyères, myrtils, plantes envahissantes tendant facilement à la lande. Ces deux conditions, sol et climat, excluent des peuplements le charme qui, sur la limite de son aire botanique, se cantonne dans les terrains calcaires ou argilo-calcaires. L'histoire ensuite nous apprend à voir dans ces massifs deux vieilles forêts royales traitées depuis fort longtemps en taillis sous futaie, souvent à trop courtes révolutions, sauf quelques cantons soumis depuis Colbert au régime du tire et aire avec révolution de 100 ans. Les coupes trop répétées de taillis, les abus des anciennes industries forestières, les incendies fréquents ont, sur bien des points, entraîné la dégradation du sol et la disparition du hêtre, essence d'ombre indispensable au maintien de la fraîcheur et de la fertilité de ces sols pauvres. Par contre, depuis 80 ans, d'importants peuplements de pin sylvestre

ont été créés sans limites de parcelles dans les plus mauvaises parties des forêts et, plus récemment, on a employé avec succès le sapin pectiné à Ecouves et l'épicéa dans les parties mouillées de deux massifs. Quelques notions d'aménagement sont ensuite nécessaires, car le jeu des opérations culturales ne peut être bien apprécié que dans l'ordonnancement harmonieux des coupes réglées et la vue claire et précise du but à atteindre. Sous leur apparente complexité les deux aménagements sont très simples. Dans chacune des deux forêts: une section de taillis et une section de futaie feuillue, ou plutôt de conversion de futaie. En Ecouves cette section est complète en séries constituées suivant la méthode classique des affectations de contenances sensiblement égales et réglées à la révolution de 180 ans, en 6 périodes de 30 ans. Les plus vieux bois sont formés de taillis vieillis, de vieux perchis et vieilles futaies sur souches; les plus jeunes de semis, fourrés, gaulis et perchis de belle venue obtenus depuis trois quarts de siècle par voie de régénération naturelle, avec application d'une possibilité par volume dans l'affectation en tour de régénération, d'une possibilité par contenance sous forme d'éclaircie ou coupe d'amélioration décennale dans les cinq autres affectations. En Andaines, faute de vieux peuplements propres à la régénération, cette section ne comprend encore qu'une affectation parcourue par des éclaircies décennales.

Dans chacune des deux forêts, une section comprenant les séries de taillis sous futaie est réglée à révolution trentenaire avec balivage aussi serré que possible et éclaircies. Ces éclaircies sont septennales en Andaines, décennales en Ecouves, et permettent la pratique normale des coupes d'amélioration dans les parties de parcelles constituées en résineux ou amorcées en futaie feuillue. Au passage de la coupe principale trentenaire, le chef de service a la faculté de proposer l'exécution d'une simple éclaircie au lieu de la coupe de taillis lorsque la constitution de la futaie paraît assez avancée à la suite du balivage antérieur. Ainsi, à chaque révision d'aménagement, de nouvelles parcelles peuvent être ajoutées aux sections de futaie et la forêt s'enrichit sans que l'on ait à se préoccuper d'avance de la révolution qui conviendra à ces parcelles, ni de l'époque de la régénération naturelle que l'on sait, par l'expérience des peuplements déjà acquis, ne pas devoir présenter de difficultés spéciales.

En résumé une possibilité par volume dans les affectations en tour de regénération; une possibilité par contenance avec coupes décennales ou trentenaires dans le surplus de la forêt ; système très simple et très clair assurant l'ordre dans la gestion, très souple aussi, permet(60° ANNÉE). 1er MAI 1921

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tant à l'Agent d'exécution de se vouer à l'amélioration de la forêt et de faire librement sur chaque parcelle ou partie de parcelle l'opération que réclame le peuplement.

Trois chiffres permettent bien d'apprécier cette amélioration progressive dans la forêt des Andaines. De 1889 à 1898 le revenu moyen de la forêt en coupes principales et d'amélioration était de 73.000 francs. Pendant la guerre, il a été exploité par les bûcherons canadiens en éclaircies ou réalisations anticipées de peuplements de pin sylvestre pour 1.246.000 fr. de bois en vue des besoins des armées. Malgré cette consommation exceptionnelle le revenu des coupes de la forêt a atteint 190.000 fr. en 1920.

Munis de ces données générales, les élèves ont pris part aux diverses opérations que comporte le traitement de forêts, aussi variées. Que ce soit sous les neiges glacées de décembre ou bien aux premiers sourires d'avril, le programme comportait chaque jour une opération culturale à laquelle nos amis anglais participaient souvent, le marteau à la main, puis à l'aller ou au retour, la visite de parcelles analogues parcourues peu auparavant par une coupe de même nature afin de permettre aux jeunes forestiers de se faire l'œil et de juger de l'opération qu'ils venaient d'effectuer. Dans les coupes de taillis sous futaie avec balivage intense, lorsque les éléments le permettaient, j'ai insisté sur la bonne répartition des réserves, de manière à obtenir autant que possible un couvert complet au bout de 7 à 10 ans, sur la végétation très bonne et prolongée des rejets de souche sous ce climat et en bon sol, sur le petit nombre de baliveaux d'essences secondaires, sur l'intérêt de sacrifier en vue de la conversion rapide la plupart des anciens peu aptes à suivre la croissance du peuplement en hauteur, sur la nécessité de protéger le hêtre trop peu abordant dans nos taillis. Dans d'autres coupes plus riches en beaux anciens j'ai montré qu'il était préférable de garder ces arbres par bouquets formant de suite des taches de vieux arbres habitués à vivre ensemble et à s'étayer les uns les autres plutôt que de les isoler parmi de jeunes baliveaux avides de lumière et de hauteur. C'est, en somme, l'application du traitement varié préconisé par M. le Conservateur de Gail. Dans les perchis de pin que l'on rencontre au milieu des taillis, notre éclaircie française par le haut s'attache à déterminer l'arbre ou le groupe d'arbres d'élite et à les dégager largement. Un bel arbre a plus d'avenir et vaut mieux que sept ou huit petits, ce que certains élèves avaient encore quelque peine à comprendre. Il en est de même dans les vieux perchis sur souche, qu'il faut desserrer d'autant plus largement que l'on approche davantage de la

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