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LA CONVERSION DES TAILLIS SOUS FUTAIE
DU DÉPARTEMENT DE LA MOSELLE

EN HAUTE FUTAIE

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La partie des forêts feuillues du département de la Moselle qui est située sur le plateau lorrain, sur un sol plus ou moins profond et frais et argilo-calcaire, a une superficie de 104.000 hectares, c'est-à-dire 2/3 de toute la superficie boisée de l'ancienne Lorraine annexée. Ces forêts ont été traitées en taillis sous futaie de tout temps, depuis les commencements d'un traitement forestier réglé. De ces 104.000 hectares, 32.600 hectares = 31, 4 0/0 sont des forêts domaniales, 41.900 hectares 40, 3 o/o, des forêts comunales et d'établissements publics, et 29.500 hectares 28, 3 0/0, des forêts particulières.

Jusque vers 1830 la révolution du taillis était de 25 à 35 ans,comme c'est encore le cas aujourd'hui dans la plupart des forêts communales, d'établissements publics et particulières.

A partir de 1830 l'administration forestière française commença la conversion en futaie d'une partie des forêts domaniales. Elle choisit pour cette conversion de grandes superficies arrondies, possédant le meilleur sol et les meilleurs peuplements de chêne et de hêtre, les réunit en des séries de futaie, et les traita de la façon suivante.

La révolution du taillis fut diminuée, d'ordinaire à 20 ans. A l'occasion des coupes de taillis, on n'enleva de la réserve que les arbres qui n'auraient plus supporté une révolution du taillis, donc beaucoup moins que dans les coupes de taillis sous futaie, en conservant en même temps du taillis de 20 ans autant de baliveaux que possible, de préférence des brins de semence de chêne. Le reste du taillis fut coupé rez terre comme dans les coupes de T. S. F. L'administration forestière française voua de grands soins à ces coupes de conversion. Tandis que dans les coupes de T. S. F. on marquait les réserves, ici chaque arbre destiné à être coupé fut marqué; les coupes furent vendues sur pied, comme c'était l'usage, mais par unité de produits, et pas en bloc, comme les autres. L'intention était donc de créer peu à peu la futaie par la réserve, en continuant d'enlever le taillis qui n'était pas destiné à la compléter.

60 ANNÉE.

1er FEVRIER 1921.

II. 3

De cette façon on éleva jusqu'en 1870, sur 4.650 hectares des cantonnements de Sarrebourg, Fénétrange, Dieuze, Château-Salins, Puttelange, Sarreguemines, Thionville et Sierck de bien beaux peuplements, richement garnis de beaux chênes, qui contenaient, à côté des vieilles écorces de l'ancien taillis sous futaie, reconnaissables de loin par leurs larges branches couvrant les 23 des troncs, un grand, d'après nos idées modernes, souvent un trop grand nombre de beaux jeunes chênes élancés, dont une grande partie devaient leur existence à la riche glandée de 1811. Partout où il y avait suffisamment de chênes, les autres essences disparurent peu à peu par suite de ces coupes; malheureusement ce fut aussi souvent le sort du hêtre, qu'on aurait dû favoriser et maintenir autant que possible comme sous-bois.

Après l'annexion de 1870 et jusqu'en 1880 l'administration forestière d'Alsace-Lorraine continua à soigner de la même façon les forêts domaniales de Lorraine, c'est-à-dire en grande partie comme taillis sous futaie,et les 4.650 hectares dont nous venons de parler en « haute futaie jardinée» (Plaenterhochwald), mais toutes les coupes furent exploitées en régie. En 1880 on diminua de 20 à 10 ans la révolution du taillis dans les forêts en conversion, mais en réalité ces coupes ne paraissent nulle part avoir été exécutées de cette façon.

La baisse rapide des prix du bois de chauffage, surtout des fagots qui souvent ne trouvaient plus d'acheteurs dans les grandes coupes de taillis sous futaie, fut la cause qu'en 1882 le Ministère d'AlsaceLorraine ordonna en principe la conversion de toutes les forêts domaniales lorraines en futaie. On voulut établir un mode de traitement de ces forêts, qui permettrait d'y élever autant d'arbres et de bois d'œuvre que possible, en diminuant en même temps autant que possi. ble la production du bois de chauffage, surtout du petit bois. On commit une faute que l'on voit encore souvent commettre aujourd'hui : on généralisa! La mesure eut été parfaite, si l'on s'était contenté d'ordonner la conversion en futaie de toutes les forêts, dont le sol se prêtait à cette conversion ! Mais une grande partie de ces forêts possède un sol argileux de peu de profondeur, qui ne convient absolument pas à la conversion, au moins pour les bois feuillus. C'est la même faute que la même administration commit en Haute-Alsace, dans les forêts de la Harth situées entre Mulhouse et le Rhin sur un banc de cailloux du Rhin dépassant par endroits 150 m. d'épaisseur; ces cailloux sont couverts d'une couche de terre dont l'épaisseur varie de o à 80 cm., et la nappe d'eau souterraine, qui dépend du niveau du Rhin, ne trouve d'ordinaire qu'à 15 ou 16, souvent à 18 mètres de profondeur

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Sur les parties où la couche de terre est épaisse, et surtout dans les fonds frais d'alluvion la futaie est à sa place, mais par contre elle est complètement déplacée sur les bancs de cailloux nus ou presque nus. Pour la forêt de la Harth, le dernier aménagement de 1908, auquel nous avons coopéré, tient compte de cette circonstance, et corrige l'erreur commise antérieurement.

Jusqu'à l'entrée en vigueur des nouveaux aménagements à établir pour toutes les forêts domaniales, on observa en Lorraine après 1882 les règles suivantes. La possibilité d'exploitation en gros bois (ayant plus de 0,07 au petit bout) fixée par les aménagements de taillis sous futaie pour la réserve fut maintenue comme possibilité pour toute la forêt, réserve et taillis. La réserve fut traitée comme auparavant, avec faculté d'étendre les coupes de chaque année, selon les besoins, sur plusieurs coupes. Pour le taillis, les coupes à blanc cessèrent, et furent remplacées par des coupes d'amélioration, jardinages, éclaircies par le haut etc., qui pouvaient s'étendre sur toutes les coupes.

Les aménagements refaits partout de 1882 à 1892 ne diminuèrent nulle part la possibilité d'exploitation en gros bois, au contraire, ils l'augmentèrent même considérablement pour quelques cantonnements. Par exemple à Dieuze elle était jusqu'en :

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ce qui représentait, pour l'aménagement de conversion en futaie de 1888, une augmentation de 38 ojo. On avait apparemment l'intention de remplacer le moins rapport de petit bois (fagots) par une augmentation du rapport du gros bois, pour maintenir le rapport total en argent à sa hauteur. La quantité prévue de gros bois devait être coupée dans coupes de régénération de la 1re période, dans des éclaircies, et si ces différentes coupes ne suffisaient pas, dans des coupes d'extraction (Auszugshiebe), jusqu'à ce que les taillis eussent assez grandi pour fournir le gros bois nécessaire. Pour ces coupes d'extraction, les aménagements prescrivaient la grosseur, à partir de laquelle les arbres devaient être coupés, par exemple : « Extraction des chênes à partir de om,40, des hêtres à partir de 0,20 de diamètre. » Ces indications ne devaient servir que de base approximative pour l'estimation (par l'aménagement) du produit de ces coupes, mais on aurait mieux fait de ne pas les donner; car malheureusement dans plusieurs cantonnements elles furent suivies à la lettre, et pas seulement dans les peuplements de taillis sous

futaie, mais aussi dans les anciennes conversions du temps français. Dans ces cas, la forêt offrait souvent un triste aspect après une coupe pareille! Les plus beaux chênes étaient coupés, s'ils avaient le malheur de dépasser om,40, et les plus mauvais étaient restés debout, s'ils n'atteignaient pas cette dimension! Dans plusieurs cantonnement, comme Château-Salins, Dieuze, Sarrebourg, des chefs de cantonnements, Alsaciens, qui commencèrent à entrer dans la carrière forestière d'AlsaceLorraine vers 1890, firent bientôt cesser cet abus; mais les parcelles qui en avaient été frappées étaient abîmées pour le reste de la révolution, et où elles n'ont pas été régénérées, ce qui fut la meilleure solution, on les reconnaît encore aisément aujourd'hui.

A part cela, les forêts en conversion furent en général bien soignées. Les parcelles de la même période ne furent pas réunies sur le terrain dans des affectations, mais chaque parcelle, même chaque partie de parcelle fut affectée à une période d'après la nature et les besoins de ses peuplements. Cette façon d'agir, qui donne aux plans forestiers un aspect bariolé, diffère de celle employée ailleurs, aussi en France, mais ne donna lieu à aucun inconvénient, et fut très avantageuse pour la forêt en permettant aux forestiers de soigner chaque partie de la forêt d'après ses besoins individuels.

La futaie ne fut pas créée uniquement par la régénération des parcelles de la 1re période, par une nouvelle génération, mais en même temps dans toutes les autres parcelles de la forêt en se servant des peuplements existants, de la réserve et du taillis, donc de la génération existante, en dégageant les beaux sujets, surtout les chênes et frênes, par des éclaircies par le haut, qui ménageaient en même temps le sous-bois d'essences d'ombre, surtout le hêtre, mais aussi le tilleul, et le charme, où le hêtre faisait défaut. Des soins voués à la première éclaircie dépend beaucoup l'avenir de la forêt. Après chaque éclaircie, le bois grossissait rapidement, de sorte que déjà les secondes éclaircies fournirent de grandes quantités de gros bois de chauffage et d'étais de mine. Aussi les trembles fournirent de grandes masses de gros rondins, partout où l'on avait eu soin de ne pas les enlever tous dans les premières éclaircies, mais d'en laisser au contraire autant que la forêt pouvait en contenir sans danger pour les essences principales (chêne, frêne et hêtre). On se rendra compte du travail exécuté les dix premières années en apprenant qu'au commencement de la conversion, toute la forêt possédait, sous le taillis jamais jardiné, un fourré impénétrable d'épines, qu'il fallut enlever avant de pouvoir commencer la première éclaircie ; qu'aucune éclaircie n'ayant été faite, aucun des baliveaux destinés et

aptes à former, avec les bons exemplaires de la réserve, l'étage supérieur de la futaie, n'avait jamais été dégagé.

Pendant la guerre, les éclaircies furent forcément négligées, mais depuis l'armistice l'administration forestière s'efforce de réparer le temps perdu.

Dans ces éclaircies, le ménagement du sous-bois ne consiste pas à ne pas y toucher; au contraire, le sous-bois doit être soigné tout comme les essences dominantes de la futaie, il faut le jardiner, l'éclaircir quand 'il est trop serré, en enlever les essences de lumière (chêne, tremble) en faveur des essences d'ombre, et le charme en faveur du hêtre. Où il ne paraît pas suffisant, le sous-bois est complété après une éclaircie, surtout par des plantations de bêtre sous les chênes ou frênes, partout où, les semenciers de hêtre manquant, sa régénération naturelle et sans frais n'est pas possible. Dans plusieurs cantonnements on a presque trop fait dans ce sens, on a comblé la moindre petite lacune, et planté les hêtres beaucoup trop serrés, tandis que des plantations par groupes, sous et autour des plus beaux groupes de chêne, avec 1,50 de distance d'un plant à l'autre auraient suffi et diminué les frais. Cà et là on commit la faute de créer sous une futaie de chêne un sous-étage d'épicéa, par exemple dans le cantonnement de Sarrebourg (forêt domaniale du Cappenot). Ces plantations ont bien réussi, et tant que l'épicéa restait dominé par le chêne, ces peuplements avaient très bonne mine. Sur ces sols calcaires et humides, l'effet pernicieux de l'épicéa avec ses racines qui s'étendent à plat dans la couche supérieure du sol et ne laissent pas passer l'eau de pluie et de neige aux couches inférieures, qui contiennent les racines du chêne, ne se fit pas remarquer, comme c'est nécessairement le cas dans les terrains sablonneux. Mais en grandissant les cimes des épicéas ne s'arrêtèrent pas aux branches inférieures des chênes, elles pénétrèrent au contraire avec vigueur dans leurs couronnes les dépassant où la hache du bûcheron ne les en empêchait pas, de sorte qu'on se vit forcé d'enlever complètement soit l'épicéa dont la plantation n'était donc pas à sa place soit le chêne, en cédant aux résineux des terrains très aptes pour le chêne Ces deux essences ne se supportent pas ; qu'on évite donc à l'avenir de les mêler.

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De nombreux peuplements de tremble qui se trouvaient surtout dans les parties basses et humides furent complétés par des plantations de frêne à grand espacement (4 mètres). Ces plantations ont bien réussi partout où l'on avait soin de planter les frênes dans les vieux taillis, et de ne couper les trembles que quelques années après l'exécution des plantations, quand les frênes avaient bien repris. De cette façon nous

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