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l'article 202 n'est pas une raison suffisante pour faire admettre que le législateur ait voulu restreindre ce principe. Souvent des personnes qui ont vécu en concubinage ne contractent mariage que pour légitimer leurs enfants. Refuser cet effet au mariage putatif, ce serait le priver d'un des principaux effets civils. (Laurent, t. II, n° 509.)

Les effets du mariage putatif consistent en ce que les enfants ont, tant à l'égard de leurs père et mère qu'à l'égard des parents de ceux-ci, et même des parents de celui des époux qui n'était pas de bonne foi, tous les droits d'enfants légitimes.

368. b. A l'égard des époux entre eux. Il faut distinguer :

1o Les deux époux ont été de bonne foi. Les effets sont en tout ceux d'un mariage valablement contracté, et les effets de l'annulation ne sont pas rétroactifs; c'est comme si la dissolution en avait eu lieu au jour du jugement (art. 201).

2o L'un des époux seulement a été de bonne foi. Le mariage ne produit les effets civils qu'en faveur de cet époux (art. 202). Il peut faire liquider ses droits matrimoniaux, soit d'après son contrat de mariage formel ou tacite, soit d'après les règles ordinaires des sociétés. Mais le choix d'une classe de ces règles exclut l'application des autres. L'époux de bonne foi conserve tous les avantages du contrat de mariage (Paris, 9 fév. 1860, suprà, n° 365); l'autre les perd, quand même il y aurait eu réciprocité dans la stipulation; il conserve ses droits sur la personne et les biens des enfants, l'autre en est déchu. Il en est de même du droit de succession dans les biens des enfants. Mais le droit réciproque de succession continue entre les enfants et les parents de l'époux de mauvaise foi.

L'époux même de mauvaise foi conserve les avantages faits dans le contrat de mariage par un tiers pour le cas où il y aurait des enfants (art. 1082). Ces donations sont faites aussi au profit des enfants. La femme qui a été de bonne foi continue, même après l'annulation du mariage, d'avoir le droit de porter le nom de son mari. (Jugement du tribunal civil de Bruxelles, du 21 mai 1856, B. J., t. 14, 1457.)

369. c. A l'égard des tiers, les effets sont les mêmes que dans le cas précédent. Ainsi la femme de bonne foi peut exciper du défaut d'autorisation de son mari et elle peut avoir hypothèque

légale sur ses biens. Le mari de bonne foi peut opposer aux créanciers de sa femme l'exception résultant de l'art. 1410.

CHAPITRE V.

DES OBLIGATIONS QUI NAISSENT DU MARIAGE.

I. INTRODUCTION. DES EFFETS DU MARIAGE EN GÉNÉRAL.

370. L'intitulé de ce chapitre est général, mais il n'y est traité que des obligations respectives entre les époux, d'une part, et les enfants, de l'autre, et spécialement de l'obligation de fournir des aliments.

Les effets du mariage sont: 1° la légitimité des enfants conçus pendant le mariage (art. 312); 2o la légitimation des enfants nés et reconnus avant le mariage (art. 331); 3° la puissance paternelle des époux sur leurs enfants (art. 371 et suiv.); 4o la tutelle légale (art. 390 et suiv.); 5o les droits de succession réciproque entre les époux (art. 767 et suiv.); 6° les obligations respectives entre les époux dont il sera question au chapitre VI (art. 212226); 7° les obligations alimentaires dont il sera traité aux nos 372-378; 8° les effets relatifs aux biens qui font l'objet du titre V du IIIe livre, Du contrat de mariage et des droits respectifs des époux.

371. Par le fait seul du mariage, les époux contractent ensemble l'obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants (art. 203, 1409, no 5, 1530, 1537, 1575). L'obligation de nourrir et d'élever les enfants est naturelle et civile. Ce n'est pas le mariage, mais la procréation qui en est la cause efficiente; elle existe aussi en faveur des enfants naturels, même des enfants adultérins et incestueux (art. 762). L'obligation de nourrir et d'entretenir les enfants peut durer pendant toute leur vie; celle de les élever ne dure que jusqu'à un certain âge. (Bruxelles, 6 déc. 1859, B. J., t. 20, 51; P., 1860, 412.)

Un des effets du mariage à l'égard des enfants est de restrein

dre le droit des époux de faire des libéralités par acte entre-vifs ou par testament (art. 913 et suiv.).

Mais l'enfant n'a pas d'action contre ses père et mère pour un établissement par mariage ou autrement (art. 204). Anciennement, dans les pays de droit écrit, le père était obligé, conformément au droit romain, de doter sa fille pour lui procurer un établissement; dans les pays de coutume, au contraire, on suivait la maxime: « Ne dote qui ne veut. » Le code a adopté le principe du droit coutumier, parce qu'il régissait autrefois la majorité des Français; que, dans le droit nouveau, les attributs de la puissance paternelle qui permettaient de corriger les inconvénients de la règle du droit écrit ont été restreints; enfin, parce qu'on n'a pas voulu exposer le père à la nécessité de dévoiler l'état de sa fortune à l'effet de faire fixer le montant de la dot de sa fille. (Locré, IV, p. 519, 539-541.)

II. DES OBLIGATIONS ALIMENTAIRES (art. 205-211).

A. Des personnes qui se doivent des aliments.

372. 1° Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère et autres ascendants qui sont dans le besoin; les ascendants doivent des aliments à leurs descendants qui sont dans le besoin (art. 205, 207). Cette obligation existe à tous les degrés.

2o Les gendres et belles-filles doivent, dans les mêmes circonstances, des aliments à leurs beau-père et belle-mère. Il faut étendre cette obligation à l'égard des autres ascendants par alliance d'un degré supérieur.

Les enfants d'un premier lit ne doivent pas des aliments au second époux de leur père ou mère (au parâtre ou à la marâtre).

373. Les personnes que la loi oblige à fournir des aliments ne sont pas toutes tenues simultanément et concurremment. La loi ne détermine pas l'ordre dans lequel elles sont tenues. Par analogie, il faut autant que possible adopter l'ordre des successions ubi est successionis emolumentum, ibi et onus alimentorum esse debet; et pour les alliés, bien qu'ils ne succèdent pas, il faut admettre la même analogie. Si la personne appelée en premier ordre à remplir l'obligation alimentaire est hors d'état d'y satis

:

faire, ou s'il était trop difficile de la poursuivre ou de discuter ses biens, il faudrait appeler l'ordre suivant. Ainsi, l'obligation alimentaire doit être exécutée dans l'ordre suivant :

1° Par les enfants; 2° par les descendants du degré suivant. Toutefois, il faut classer au même rang, à cause de l'ordre des successions, les descendants qui viennent par représentation de leur parent décédé (controversé); 3° par le père; 4o par les ascendants dans l'ordre de la proximité du degré; 5o par le gendre ou la belle-fille; 6o par les conjoints des autres descendants dans l'ordre de la proximité du degré; 7° par le beau-père et la bellemère; 8o par le père et les autres ascendants du beau-père suivant la proximité du degré.

374. L'obligation de fournir des aliments passe-t-elle aux héritiers ou aux autres successeurs à titre universel ? Question très-controversée. Voici les principales opinions qui ont été émises :

1° L'obligation alimentaire passe toujours aux héritiers. Par exemple: A est dans le besoin; il a un petit-fils qui meurt après avoir institué X son légataire universel. X est étranger à la famille. Néanmoins il est tenu de l'obligation alimentaire comme son auteur l'était lui-même. Cette obligation grève la succession du petit-fis de A.

2° Il faut distinguer: Si A était dans le besoin déjà avant la mort de son petit-fils, il peut réclamer des aliments contre X; il ne le peut pas si le besoin n'a pris naissance qu'après la mort du petit-fils. Quelques partisans de cette opinion exigent, de plus, pour la transmissibilité, que la pension alimentaire ait été fixée du vivant du petit-fils par un jugement ou par une convention. 3 L'obligation alimentaire ne se transmet pas aux héritiers. Les auteurs et la jurisprudence se divisent entre les deux premières opinions; mais la troisième, bien qu'elle trouve peu de partisans, est juste. Car la cause de l'obligation alimentaire n'est ni une convention, ni un délit, mais l'existence d'un fait auquel la loi attache cet effet. Elle est due ex officio pietatis (fr. 5, § 17, D. De liberis agnoscendis, 25, 3). Ce fait, c'est le lien de parenté. Ce lien venant à se rompre, l'obligation alimentaire à laquelle il servait de fondement tombe aussi (arg., art. 206, 301). De plus, l'objet de la dette alimentaire ne se détermine que d'après les

conditions purement individuelles du débiteur et du créancier. Pour pouvoir le déterminer, la loi suppose la continuité de ces deux existences (art. 208, 209). L'opinion contraire conduit à des difficultés insolubles. Ainsi, si après la transmission de la succession le besoin du créancier des aliments a cessé, le débiteur peut être déchargé de son obligation (art. 209). Si le créancier retombe dans le besoin, pourra-t-il de nouveau réclamer des aliments? Et, en cas d'affirmative, quelle sera alors la base de la fixation des aliments? Sera-ce l'importance de la succession ou la fortune personnelle de l'héritier? Enfin, il résulterait de cette transmission une obligation alimentaire entre frères et sœurs, que la loi n'admet pas. L'obligation alimentaire n'est pas même transmissible dans le cas où les aliments sont dus en exécution d'un jugement passé en force de chose jugée. (Cass. fr., 8 juillet 1857, D. P., 1857, 1, 351; Demolombe, t. IV, 40.)

Il est évident que les arrérages échus sont dus par les héritiers du débiteur des aliments.

B. De la nature et de l'étendue de la dette alimentaire.

375. L'objet de la dette alimentaire est tout à fait indéterminé ; il doit être fixé d'après le besoin de celui qui la réclame et la fortune de celui qui la doit (art. 208).

En Belgique, d'après l'article 12 de la loi du 8 mai 1850 sur la caisse générale de retraite, les rentes dues par cette caisse sont incessibles et insaisissables. Mais dans les cas de dette d'aliments, prévus par les articles 203, 205 et 214 du code civil, elles peuvent être saisies jusqu'à concurrence d'un tiers, si les rentes accumulées dépassent la somme de 360 francs, et sans que la partie réservée et insaisissable puisse être inférieure à 360 francs.

La loi du 6 mars 1866, sur la mendicité et le vagabondage (art. 13), subroge la commune qui a payé les frais d'entretien d'un reclus renfermé dans un dépôt de mendicité, dans une école de réforme ou dans une maison pénitentiaire, dans les droits qu'aurait eus le reclus, à l'époque de sa détention, contre ses père et mère, en vertu des articles 203 et 208 du code.

Les pensions militaires sont incessibles et insaisissables,

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