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excepté au cas de débit envers l'État ou dans les cas prévus par les articles 203, 205 et 214 du code civil. Pour cause d'aliments, les pensions sont passibles de retenue jusqu'à concurrence du tiers. (Loi du 24 mai 1838, art. 25.) Ce droit de saisie est personnel et inaliénable en faveur des personnes mentionnées dans l'article 25, et le tiers qui a fourni des aliments à une de ces personnes ne peut pas s'en prévaloir. (Brux., trib. civ., 4 nov. 1865, B. J., t. 23, 1579.)

En France, la pension ou solde de retraite de tout militaire, qui ne remplit pas ses obligations alimentaires à l'égard de sa femme ou de ses enfants, peut être saisie jusqu'à concurrence du tiers, et la pension de réforme accordée après vingt ans de service, jusqu'à concurrence du cinquième. (Avis du cons. d'État du 11 janvier 1808; Loi du 19 mai 1834, sur l'état des officiers, art. 20)

L'objet de la dette alimentaire est variable suivant la position et les besoins du créancier et les moyens du débiteur (art. 209). Les aliments doivent, en règle générale, être fournis en argent. Toutefois, si la personne qui doit les aliments justifie qu'elle ne peut payer la pension alimentaire, le tribunal peut, en connaissance de cause, ordonner qu'elle recevra dans sa demeure, qu'elle nourrira et entretiendra celui auquel elle doit les aliments (art. 210). Si c'est le père ou la mère qui doit des aliments à son enfant, le tribunal peut ordonner ce mode d'exécution de l'obligation, alors même que le père ou la mère ne serait pas dans l'impossibilité de payer une pension (art. 211).

376. L'obligation alimentaire est-elle solidaire ou est-elle indivisible entre les différentes personnes qui la doivent? Question très-controversée.

L'obligation alimentaire n'est ni solidaire ni indivisible. (Zachariæ, § 552, note 14; Bruxelles, 10 août 1852, B. J., t. 11, 18; J. P. B., 1852, p. 308 et la note; P. 1853, 30; Gand, 26 mars 1874, P., 1874, 260 et la note.) Elle n'est pas solidaire, car la solidarité ne se présume pas; il faut qu'elle soit expressément stipulée ou ordonnée par la loi (art. 1202). Aucune loi ne la déclare solidaire. Elle n'est pas indivisible, parce que l'objet de la prestation est divisible sous tous les rapports (art. 1217) (Laurent, t. III, nos 66-68.) On peut diviser la chose qui est due; on peut

diviser la prestation par périodes. Quelques auteurs admettent l'indivisibilité de la dette et la divisibilité de la condamnation (art. 1221, no 5, 1225). Mais, en admettant cette opinion, on se demande Comment la division se fera-t-elle? Quelle sera la part de chacun? On ne peut pas la diviser simplement par le nombre des débiteurs obligés; car la part incombant à chacun peut n'être pas la même, les fortunes des débiteurs pouvant être différentes (art. 208). Il peut même arriver qu'une des personnes obligées à l'alimentation, en thèse générale (in thesi), n'y soit pas obligée dans l'espèce particulière (in hypothesi), par exemple, si elle est encore plus pauvre que le créancier des aliments. Aussi, les auteurs qui admettent soit la solidarité, soit l'indivisibilité de l'obligation alimentaire n'admettent-ils pas toutes les conséquences de l'un ou de l'autre principe. Le principal argument qu'on invoque pour l'indivisibilité, c'est que l'on ne peut pas vivre ou être alimenté en partie, et que refuser des aliments ou ne les fournir qu'en partie, c'est la même chose. Dumoulin a déjà réfuté cet argument, en disant : « Quamvis quis pro parte vivere non possit, tamen alimenta dividua sunt, id est res quibus alimur, pro parte sive ab uno, sive a pluribus præstari possunt, ut natura et experientia docent. » (Extric. labyr., t. II, no 238.)

Il ne faut pas, comme on le fait souvent, considérer la dette alimentaire comme une même obligation due par plusieurs personnes à une ou plusieurs autres. L'obligation d'aliments a un objet tout à fait indéterminé; mais la loi indique les éléments d'après lesquels cet objet peut et doit être déterminé. Un des éléments qui servent à déterminer l'objet de la dette, c'est la pluralité des personnes qui y sont tenues. C'est pourquoi l'assigné peut mettre les autres débiteurs en cause. Mais la dette de tous n'est pas la même; elle n'a pas le même objet pour tous les débiteurs. Chacun des débiteurs est grevé d'une dette particulière; les éléments d'après lesquels l'objet de la dette doit être déterminé peuvent donner un tout autre résultat pour l'un que pour l'autre. Chacun ne doit donc pas une partie de la même dette, mais chacun doit une dette séparée que ne doivent pas les autres. Ce qui le prouve, c'est que la dette de chacun peut varier, si les autres ne payent pas la leur ou ne peuvent pas la payer. Dans ce cas, la dette des uns n'augmente pas de toute la somme que les autres ne payent

plus; mais, si les aliments sont devenus insuffisants, la dette de ceux qui continuent de payer doit de nouveau être déterminée d'après les éléments individuels indiqués par la loi.

La question de divisibilité ne peut pas naître. Car, entre le créancier et le débiteur, la dette est toujours indivisible (article 1220), et la dette d'aliments ne se transmet pas aux héritiers (n° 374). Si les héritiers y sont tenus de leur propre chef, par exemple, les petits-fils à la place de leur père, ils ne doivent pas ensemble la part que payait leur père, mais chacun d'eux contracte une nouvelle dette d'aliments dans la proportion de sa propre fortune et non pas de celle de son père. Ainsi, la pension à payer par l'un des petits-enfants seuls peut être plus considérable que celle que payait son père et, par conséquent, que devraient payer tous. les héritiers, s'ils y étaient tenus en cette qualité.

377. Lorsque plusieurs personnes sont tenues conjointement de la dette d'aliments, d'après quelle règle faut-il fixer la somme pour laquelle chacune doit contribuer? Suivant quelques auteurs, on doit d'abord fixer la somme que chacun devrait payer s'il était seul; puis diviser chacune de ces sommes par le chiffre représentant le nombre des personnes obligées, et chacun doit payer le résultat de cette division. Cette manière de procéder est erronée et peut conduire à des résultats iniques. Car il peut en résulter que lorsque quelqu'un a plusieurs débiteurs d'aliments, il reçoit moins que s'il n'en avait qu'un. Par exemple: Pierre est dans le besoin. Il a trois fils. A est riche, il peut donner à son père 3,000 francs; B est peu dans l'aisance, il peut donner 600 francs; C est pauvre lui-même, il ne peut donner que 150 francs. D'après le calcul qui précède, si A était seul, il devrait 3,000 francs. A présent on divise chacune de ces sommes par le nombre des débiteurs. Pierre aura donc, de A 1,000 francs, de B 200 francs, et de C 50 francs; en tout 1,250 francs. Cette manière de voir est une conséquence de l'opinion qui considère l'obligation alimentaire comme une seule et même dette pour tous.

Il est plus rationnel de suivre cette règle-ci : Le créancier des aliments doit recevoir la somme intégrale que pourrait et que devrait payer celui des débiteurs qui peut payer le plus s'il était seul. Si cette somme est suffisante, chacun des débiteurs doit y contribuer dans la proportion de ses moyens (art. 208). Ce que

peuvent payer ceux dont les moyens sont plus faibles vient alors diminuer la charge de celui qui peut payer le plus. Si cette somme seule n'est pas suffisante, les différentes pensions, fixées d'après la fortune de chacun des débiteurs, doivent être réunies.

C. Quand cesse l'obligation alimentaire.

378. Cette obligation cesse :

1o Quand le besoin du créancier a cessé, donc aussi par sa mort (art. 205, 209).

2o Par l'impossibilité du débiteur de fournir les aliments (art. 209).

Une offense grave des enfants envers leurs ascendants (père, mère ou autre) ne les prive pas du droit aux aliments. (Liége, 11 juin 1861, B. J., t. 24, 126.) L'enfant existe; il faut qu'il soit nourri. Necare videtur qui alimenta detrahit. L'enfant qui se trouve dans un des cas prévus par l'article 727 est indigne de succéder. Mais on ne lui enlève pas les aliments. Toutefois les aliments peuvent se réduire à des secours temporaires, si l'enfant est majeur et que ses père et mère lui aient donné une éducation suffisante pour l'exercice d'une profession utile. (Brux., 17 avril 1867, B. J., t. 26, 1477 et la note; P., 1868, 145.)

3o L'obligation des gendres et belles-filles de fournir des aliments à leurs beau-père et belle-mère, cesse : a. lorsque la bellemère a convolé en secondes noces, parce qu'alors elle est entrée dans une nouvelle famille, et que son nouveau mari est chargé de lui fournir des aliments (art. 212). Mais la belle-mère reste obligée de fournir des aliments à son gendre et à sa belle-fille nonobstant l'article 207 qui proclame la réciprocité des dispositions relatives aux aliments. Car le second mariage, qui fait perdre à la belle-mère un droit, ne la décharge pas de son obligation; b. lorsque celui des époux qui produisait l'affinité, et les enfants issus de son union avec l'autre époux, sont décédés (art. 206).

CHAPITRE VI.

DES DROITS ET des devoirs RESPECTIFS DES ÉPOUX. (ART. 212-226.)

I. DES DROITS ET DES DEVOIRS DES ÉPOUX EN GÉNÉRAL
(ART. 212-214).

379. Les époux se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance (art. 212). La sanction de l'obligation de fidélité se trouve aux articles 229, 230, 306 du code civil et 336-339 du code pénal. (C. pén. b., art. 387-390.) L'adultère est puni de peines correctionnelles et peut donner lieu à la demande en divorce ou en séparation de corps. Toutefois, l'obligation de fidélité est plus rigoureuse pour la femme que pour le mari. (Voy. infrà, tit. VI, Du divorce.)

En vertu de l'obligation de se prêter secours et assistance, la femme, séparée de biens, peut être tenue à contribuer aux charges du mariage et notamment à l'entretien du mari, pour une somme plus forte que celle stipulée au contrat de mariage ou le tiers de ses revenus (art. 1537, 1575), dans le cas où les moyens du mari sont insuffisants.

<< Le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari» (art. 213).

380. La femme est obligée d'habiter avec le mari et de le suivre partout où il juge à propos de résider; le mari est obligé de la recevoir et de lui fournir tout ce qui est nécessaire pour les besoins de la vie, selon ses facultés et son état (art. 214). (Voy. sur la saisie des rentes dues par la caisse de retraite et des pensions militaires no 375.) Cette disposition est une conséquence de la règle de l'article 213. Si le mari veut s'établir dans un pays étranger, la femme doit le suivre, excepté si l'émigration est défendue. Car le mari ne peut pas exiger de sa femme une illégalité, ni une immoralité. (Locré, IV, 396.)

L'obligation de la femme d'habiter avec le mari et de le suivre souffre exception : 1° si le mari n'a pas de demeure; s'il est vagabond; 2° si son domicile n'est pas décent et convenable, eu égard

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