Page images
PDF
EPUB

clôture du compte (art. 474). Par application de l'article 1153, il les doit du jour de la demande, si le pupille a antérieurement demandé reddition de compte. Mais il n'est pas juste de dire que le tuteur soit en demeure de plein droit par la seule arrivée de la majorité, s'il ne procède pas immédiatement à la reddition de compte. (Haute cour des Pays-Bas, 26 novembre 1858, B. J., t. 17, 310.)

Si, dans le cas où le compte est rendu en justice, l'oyant compte fait défaut, le tuteur ne doit pas les intérêts (code de proc., art. 542).

La disposition de l'article 126, no 2 du code de procédure, portant que le tuteur reliquataire peut être condamné à la restitution par la voie de la contrainte par corps a été abolie en France par la loi du 22 juillet 1867 et en Belgique par la loi du 27 juillet 1871, qui suppriment la contrainte par corps, sauf quelques exceptions. Le tuteur ne peut donc être condamné par corps que si le reliquat est le résultat d'un fait prévu par le code pénal.

Les intérêts de ce qui est dû au tuteur par le mineur ne courent que du jour de la sommation de payer qui a suivi la clôture du compte (art. 474). C'est aussi une dérogation à l'article 1153, qui exige une demande en justice pour faire courir les intérêts.

III. DE LA PRESCRIPTION DES ACTIONS ENTRE LE PUPILLE ET LE TUTEUR.

759. 1o Les actions du pupille contre son tuteur, relativement aux faits de la tutelle, se prescrivent par dix ans, à compter de la majorité (art. 475). Anciennement ces actions duraient trente ans. Le motif de cette innovation, c'est que la tutelle est une charge onéreuse, dont il ne faut pas immodérément prolonger les embarras en obligeant le tuteur à conserver longtemps les pièces justificatives et les souvenirs de sa gestion. Les dix années commencent à courir à la majorité du pupille, ou à sa mort, si le compte doit être rendu à ses successeurs majeurs.

La prescription de dix ans ne s'applique qu'aux droits résultant pour le mineur des actes de gestion de la tutelle; elle ne s'applique pas aux autres droits que le pupille peut avoir contre le tuteur, abstraction faite de la tutelle. Elle n'a pas lieu à l'égard

des créances reconnues par le tuteur postérieurement à la tutelle, ni au reliquat, converti en obligation nouvelle par suite d'une novation (art. 2274, alin. 2).

L'action ne dure que dix ans, quand même elle aurait pour objet la rectification d'erreurs, omissions, faux ou doubles emplois dans le compte de tutelle; car ces erreurs dans le compte sont des faits de la tutelle.

760. 2o Les actions du tuteur contre le pupille sont soumises à la prescription ordinaire de trente ans. Suivant quelques jurisconsultes, elles sont soumises à la prescription de dix ans lorsqu'elles sont relatives à la gestion de la tutelle, par exemple si le pupille est débiteur du tuteur. Cette exception à la règle générale de l'article 2262 n'est pas fondée, et la raison de la loi qui fait prescrire par dix ans les actions contre le tuteur ne s'applique pas aux actions du tuteur contre le pupille.

IV. DES TRAITÉS ENTRE LE TUTEUR ET LE MINEUR DEVENŲ

MAJEUR.

761. Tout traité qui pourra intervenir entre le tuteur et le mineur devenu majeur sera nul s'il n'a été précédé de la reddition d'un compte détaillé et de la remise des pièces justificatives; le tout constaté par un récépissé de l'oyant compte, dix jours au moins avant le traité (art. 472). La loi veut empêcher que le mineur, devenu majeur, dans le désir de jouir immédiatement de sa fortune, n'accepte trop légèrement et sans examen suffisant le compte de tutelle.

On entend ici par traité toute convention par laquelle le mineur, devenu majeur, tient le tuteur quitte de son compte de tutelle, soit moyennant une somme d'argent, soit par une aliénation ou promesse quelconque, quand même ce ne serait pas une transaction proprement dite. Mais il ne s'agit que de traités relatifs au compte de tutelle, et non pas de tout traité quelconque qui n'aurait aucun rapport à la gestion. (Cass. fr., 1er juin 1847, D. 1847, 1, 204.) Cela résulte de l'article 2045, alinéa 2, portant que le tuteur ne peut transiger avec le mineur, sur le compte de tutelle, que conformément à l'article 472, ainsi que de la disposition de l'article 472, qu'il faut interpréter pro subjecta materia (arg. de l'art. 907). Quelques auteurs l'entendent de tout contrat

quelconque entre le tuteur et le mineur. Mais il ne faut pas, sans une disposition formelle de la loi, étendre les dérogations aux principes généraux.

Le récépissé ne doit pas contenir une énumération complète de toutes les pièces justificatives. Il suffit qu'il constate que le compte a été rendu et que les pièces justificatives ont été remises. Il ne doit pas nécessairement avoir date certaine (1322); mais il est prudent de la lui donner.

La nullité du traité ne peut être opposée que par l'oyant compte, dans le délai de dix ans (art. 1125, 1304).

[ocr errors]

762. A partir de quel moment court la prescription de dix ans? Suivant quelques jurisconsultes, elle court à partir du moment où le traité a été conclu, et non à partir de la majorité du pupille, parce qu'autrement la prescription aurait commencé avant que l'action qui en était l'objet fût née (art. 1304). Suivant d'autres, la prescription commence à partir du jour de la majorité; puisque, en la faisant commencer plus tard, on arriverait à ce résultat, que la durée de l'action relative aux faits de la tutelle dépasserait le délai de dix ans (art. 475). Mais si, indépendamment de la nullité résultant de l'inobservation de l'article 472, le traité était attaqué pour cause de dol, erreur ou violence, l'action durerait dix ans à partir de la découverte de ces vices (art. 1304, alin. 2).

La première opinion est juste. Car il serait contraire aux principes de laisser courir la prescription d'une action qui n'est pas encore née. Mais il ne faut pas confondre les effets de la nullité du traité avec les effets de la prescription de l'action résultant de la tutelle. Ces deux idées doivent être séparées. Si la nullité du traité était demandée postérieurement à la prescription de l'action de la tutelle, les parties seraient dans la même position que si le traité n'eût pas été conclu. De là découlent les conséquences sui

vantes :

1° Si le traité libère le tuteur, il restera libéré; l'action résultant de la tutelle étant prescrite, aucune réclamation ne pourra plus être intentée contre lui;

2o Si le tuteur se reconnaissait reliquataire, mais d'une somme inférieure à celle qu'il devrait réellement, le pupille n'aurait aucun intérêt à demander la nullité; au contraire, son intérêt serait

de maintenir le traité, puisque, en le faisant annuler, il ne pourrait plus rien exiger;

3o Si le mineur s'était indûment reconnu débiteur envers le tuteur, il aurait un intérêt à demander la nullité du traité. L'effet du traité serait détruit, et si alors le tuteur voulait faire valoir des prétentions contre le pupille, il devrait les prouver, et le pupille pourrait lui opposer toutes les exceptions résultant de la gestion. Quæ temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum.

CHAPITRE III.

DE L'ÉMANCIPATION. (Art. 476-487.)

I. NOTION. ESPÈCES. CONDITIONS REQUISES.

763. L'émancipation est un acte juridique par lequel le mineur est affranchi de la puissance paternelle, ou de l'autorité tutélaire. Elle n'offre pas d'analogie avec l'émancipation romaine. Le législateur a suivi, en cette matière, plutôt le droit coutumier et l'édit des tutelles de 1732, publié pour la Bretagne. La considération qui l'a guidé, c'est la capacité suffisante pour administrer ses biens et toucher ses revenus, que le mineur peut avoir avant l'âge de vingt et un ans. (Exposé de motifs, n° 20, Locré, VII, 241.) 764. L'émancipation est tacite ou expresse.

765. L'émancipation tacite est celle qui s'opère de plein droit par le mariage du mineur (art. 476). « Enfants mariés sont tenus. pour hors de pain et pot, » c'est-à-dire émancipés; ou «< feu et lieu font mancipation », disait l'adage coutumier. (Loysel, Inst. cout., no 56, 109.) Cet effet du mariage ne peut pas être modifié par des conventions particulières; il subsiste après la dissolution du mariage; mais il cesse si le mariage est déclaré nul. L'émancipation a lieu à quelque âge que le mariage ait été contracté.

766. Le mineur, même non marié, peut être émancipé d'une manière expresse par son père, ou, à défaut de père, par sa mère, lorsqu'il a atteint l'âge de quinze ans révolus. Cette émancipation

s'opère par la seule déclaration du père ou de la mère, reçue par le juge de paix assisté de son greffier. Le mineur resté sans père ni mère peut aussi être émancipé expressément, si le conseil de famille l'en juge capable. En ce cas, l'émancipation résulte de la délibération qui l'autorise, et de la déclaration que le juge de paix, comme président du conseil de famille, a faite dans le même acte, que le mineur est émancipé (art. 477-478). Cette dernière émancipation peut avoir lieu seulement lorsque le mineur a l'âge de dix-huit ans accomplis, parce qu'autrement il y aurait à craindre qu'un tuteur, pour se décharger du poids de la tutelle, ne persuade au conseil de famille que son pupille possède une capacité précoce, et que l'émancipation ne tourne à son préjudice.

Lorsque le tuteur n'a fait aucune diligence pour l'émancipation du mineur âgé de plus de dix-huit ans et resté sans père ni mère, et qu'un ou plusieurs parents ou alliés de ce mineur, au degré de cousin germain ou à des degrés plus proches, le jugent capable d'être émancipé, ils peuvent requérir le juge de paix de convoquer le conseil de famille pour délibérer à ce sujet. Le juge de paix doit déférer à cette réquisition (art. 479). Cette disposition ne s'applique pas au mineur qui a encore ses père ou mère, à moins que tous deux ou le survivant d'eux ne soient dans l'impossibilité de manifester leur volonté.

Dans aucun cas, il n'est nécessaire que le mineur consente à l'émancipation.

L'émancipation ne peut avoir lieu par testament.

767. Le droit d'émanciper dérive de la puissance paternelle; il appartient donc à ceux qui exercent cette puissance. De là les conséquences suivantes :

1° Du vivant des père et mère, le père a le droit d'émanciper. La mère peut émanciper, dans le cas où le père est déchu de la puissance paternelle (no 651). Il en est de même si le père est absent ou interdit. Car, dans ce cas, la mère peut consentir au mariage, donc à l'émancipation tacite; elle doit donc aussi pouvoir, à plus forte raison, consentir à l'émancipation expresse. De plus, l'intérêt de l'enfant demande que la mère ait cette faculté (Valette, Explicat. somm., p. 305-308);

2o Si le père ou la mère est décédé, le survivant des époux a le droit d'émanciper, quand même il n'aurait pas la tutelle, soit

« PreviousContinue »