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peuvent exercer la puissance maritale et la puissance paternelle, être tuteurs et membres du conseil de famille, adopter et être adoptés, acquérir par prescription, disposer à titre gratuit par donation entre-vifs et par testament, etc. Sur toutes ces questions la jurisprudence est encore très-vacillante.

CHAPITRE II.

DE LA PRIVATION DES DROITS CIVILS.

SECTION PREMIÈRE.

DE LA PRIVATION DES DROITS CIVILS PAR LA PERTE DE LA QUALITÉ DE FRANÇAIS.

I. DE LA PERTE DE LA QUALITÉ DE FRANÇAIS.

124. La qualité de Français se perd:

1o Par la naturalisation acquise en pays étranger (art. 17, 1o). La simple demande de naturalisation n'a pas cet effet. Cette disposition est fondée sur le principe que l'on ne peut pas être citoyen de deux États à la fois (no 90). L'obtention, en pays étranger, d'une protection spéciale, comme le sont l'autorisation d'y établir son domicile, et la denization en Angleterre, ou le droit de bourgeoisie dans quelques pays, ne change pas la nationalité;

2o Par l'acceptation, non autorisée par le gouvernement, de fonctions publiques conférées par un gouvernement étranger (art. 17, 2o);

3o Par tout établissement fait en pays étranger sans esprit de retour. L'esprit de retour doit toujours être présumé jusqu'à la preuve contraire, résultant ou d'une déclaration expresse ou de circonstances non équivoques. Car, le mode de perdre la nationalité indiqué dans ce numéro est un simple abandon par lequel on n'acquiert pas, comme par la naturalisation, la qualité de regnicole d'un autre pays. Les établissements de commerce ne

peuvent jamais être considérés comme ayant été faits sans esprit de retour (art. 17, 3o).

On peut cependant induire l'absence de l'esprit de retour de circonstances accompagnant un pareil établissement. (Cass. B., 3 juillet 1865, B. J., t. 23, 867; P., 1865, 327.)

4° Par le mariage d'une femme française avec un étranger (art. 19 et 12).

5° Par l'acceptation, sans autorisation du gouvernement, du service militaire chez l'étranger, ou par l'affiliation à une corporation militaire étrangère (art. 21).

La première édition du code portait, sous le no 3 : « Par l'affiliation à toute corporation étrangère qui exigera des distinctions de naissance. >> Cette disposition, qui faisait allusion à des chapitres ou autres corporations étrangères, religieuses ou civiles, qui exigeaient de leurs affiliés des preuves de noblesse, a été supprimée dans l'édition de 1807.

6o Par la réunion d'une partie du territoire français à un autre État, soit par des traités, soit par la conquête (n° 106).

En Belgique, les nos 2 et 5 ont été abolis par la loi du 21 juin 1865.

125. De même que la naturalisation confère un droit purement individuel à celui qui l'a obtenue (no 91), la perte de la qualité de Français par une des causes énoncées au n° 124 est purement individuelle et n'atteint pas la femme ni les enfants de celui qui a perdu sa qualité.

La perte de la qualité de Français n'entraîne pas la perte de tous les droits civils, mais seulement la perte des droits spécialement attachés à cette qualité.

II. DU RECOUVREMENT DE LA QUALITÉ DE FRANÇAIS.

126. Les Français qui ont perdu la qualité de Français pour une des quatre causes mentionnées au no 124 1o, 2o, 3o, 4o, peuvent toujours la recouvrer, pourvu qu'ils résident en France ou qu'ils y rentrent avec l'autorisation du chef de l'État, et qu'ils déclarent qu'ils veulent s'y fixer (art. 18 et 19).

La femme française qui a perdu sa qualité de Française par son mariage avec un étranger recouvre de plein droit, à partir du

décès de son mari, sa qualité de Française si elle réside en France. (Cass. fr., 13 janvier 1873, D., 1873, 1, 297; Cass. B., 28 mars 1876, P., 1876, 220, et les notes.)

Le Français qui a perdu sa qualité de Français par l'acceptation du service militaire chez l'étranger, sans l'autorisation du gouvernement, ne peut recouvrer cette qualité qu'en rentrant en France avec la permission du gouvernement et en remplissant les conditions imposées à l'étranger en général pour devenir regnicole; donc, en obtenant la naturalisation (art. 21.)

127. En Belgique, la loi du 21 juin 1865 (voy. n° 124) porte : << que les Belges qui avaient perdu leur nationalité en vertu des articles 17, nos 2, et 21, alinéa 1 (suprà, no 124, nos 2 et 5), l'ont recouvrée de plein droit depuis la publication de cette loi, mais seulement avec effet pour l'avenir. Cette loi a été déclarée obligatoire le lendemain de sa publication.

De même, les individus qui avaient perdu leur qualité de Belges, parce qu'ils avaient été, sans autorisation du gouvernement, au service militaire chez l'étranger, ont recouvré leur qualité de Belges, si, étant rentrés en Belgique avant le 1er janvier 1833, ils avaient combattu pour la cause de la révolution, ou ont pris du service dans l'armée nationale, ou ont été admis à un emploi civil, et ont depuis lors continué de résider en Belgique, pourvu que, dans les six mois de la publication de la loi du 22 septembre 1835, ils aient déclaré, dans la forme prescrite par l'article 133 de la Constitution, qu'ils voulaient jouir du bénéfice de cette loi. (L. du 22 septembre 1835, art. 1, no 1; art. 2.)

Sont exceptés de cette disposition les Belges restés après le 1er août 1831 au service d'une puissance en guerre avec la Belgique. (Même loi, art. 4.)

128. Les personnes qui ont recouvré leur qualité de Français ou de Belges en vertu des dispositions indiquées aux nos 126 et 127 ne peuvent s'en prévaloir qu'après avoir rempli toutes les conditions prescrites à cet effet, et seulement pour les droits ouverts à leur profit depuis cette époque (art. 20).

La reprise de la qualité de Français n'a donc d'effet rétroactif, ni pour celui qui la recouvre, ni à l'égard des tiers. Ainsi, les actes par eux faits avant l'accomplissement de ces conditions, et qui exigeaient la qualité de regnicole, seraient nuls.

SECTION II.

DE LA PRIVATION DES DROITS CIVILS PAR SUITE DE CONDAMNATIONS JUDICIAIRES.

129. En Belgique, la mort civile, ou la perte de l'état civil d'une manière générale et absolue a été abolie par l'article 13 de la Constitution de 1831, et jusqu'à la révision du code pénal, les articles 28, 29, 30 et 31 de ce code ont dû être appliqués aux individus condamnés à l'une des peines emportant autrefois la mort civile. (Décret du 11 février 1831.) Les articles 22-33 du code civil sont donc abrogés.

Le code pénal de 1810 a été remplacé par le code pénal belge du 8 juin 1867 (Moniteur du 9 juin), mis à exécution à partir du 15 octobre suivant. Ce code a aboli les peines du banissement et de dégradation civique. Aucune peine n'est infamante.

Voici l'influence que les condamnations criminelles peuvent exercer sur la jouissance des droits civils et politiques, d'après le code pénal belge de 1867.

Il faut distinguer :

1° La condamnation à la peine de mort emporte l'interdiction légale du condamné (art. 20).

2o Seront en état d'interdiction légale, pendant la durée de leur peine :

a. Les condamnés contradictoirement aux travaux forcés, à la reclusion, à la détention perpétuelle ou extraordinaire;

b. Les condamnés contradictoirement à la détention ordinaire soit dans le cas de récidive, soit dans le cas de concours de plusieurs crimes. Il doit leur être nommé un curateur (ou plutôt un tuteur) pour gérer leurs biens, conformément aux règles relatives à la tutelle des interdits.

L'interdiction est encourue du jour où la condamnation est devenue irrévocable (art. 21-23).

Toutefois les effets de l'interdiction légale diffèrent en plusieurs points des effets de l'interdiction judiciaire. (Voy., infrà, no 809.)

3o Tous arrêts de condamnation à la peine de mort ou aux travaux forcés prononceront, contre les condamnés, l'interdiction à perpétuité du droit de remplir un emploi public, de vote, d'élection, d'éligibilité; de porter aucune décoration, aucun titre de

noblesse; d'être juré, expert, témoin instrumentaire ou certificateur dans les actes; de déposer en justice autrement que pour y donner de simples renseignements; de faire partie d'aucun conseil de famille, d'être tuteur, subrogé tuteur ou curateur, si ce n'est de leurs enfants, et sur l'avis du conseil de famille; d'être conseil judiciaire ou administrateur provisoire; de port d'armes, de faire partie de la garde civique ou de servir dans l'armée (art. 31).

4° En cas de condamnation à la reclusion ou à la détention, les cours d'assises pourront interdire, en tout ou en partie, à perpétuité ou pour dix ou vingt ans, l'exercice des droits énumérés au no 3 (art. 32).

5o Dans les cas prévus par la loi, les cours et tribunaux pourront interdire, en tout ou en partie, aux condamnés correctionnels, l'exercice des droits énumérés en l'article 31 (suprà, no 3), pour un terme de cinq à dix ans (art. 33).

Les incapacités prononcées par les juges ou attachées par la loi à certaines condamnations cessent par la remise que le roi peut en faire, en vertu du droit de grâce (C. pén., art. 87; Const. belge, art. 73). Les articles 619 à 634 du code d'instruction criminelle sur la réhabilitation sont abolis.

130. En France, la mort civile a été abolie et les articles 22, 33 du code civil ont été abrogés par la loi des 31 mai3 juin 1854, et les effets de la mort civile cessent pour l'avenir même à l'égard de ceux qui, par suite d'une condamnation, étaient morts civilement, sauf les droits acquis au tiers. L'état de ces condamnés est régi par les articles 28, 29 et 31 du code pénal de 1810, modifiés par les lois des 28 avril 1832 et 8 juin 1850. Les condamnations judiciaires ne peuvent entraîner qu'une privation partielle des droits civils.

1o La condamnation à une peine afflictive perpétuelle, c'est-àdire aux travaux forcés perpétuels ou à la déportation, emporte la dégradation civique et l'interdiction légale établies par les articles 28, 29 et 31 du code pénal. Le condamné ne peut disposer de ses biens, en tout ou en partie, soit par donation entre-vifs, soit par testament, ni recevoir à ce titre, si ce n'est pour cause d'aliments. Tout testament par lui fait antérieurement à sa condamnation contradictoire, devenue définitive, est nul. Toutefois le gouvernement peut relever le condamné de tout ou partie des

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