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§. II I.

Quelles sont les pertes et dommages dont les Assureurs ne sont pas tenus.

64. PREMIÈRE RÈGLE. Les assureurs ne sont pas tenus des pertes et des dommages arrivés par la faute des maîtres et mariniers.

C'est la disposition de l'article 28 (C. de c. 353). Les risques des pertes et dommages dont les assureurs se chargent par la nature du contrat d'assurance, sont les risques des pertes et dommages qui peuvent arriver par fortunes de mer, c'est-àdire, par quelque cas de force majeure à laquelle on ne peut résister, vis divina. Il est évident que l'impéritie ou le défaut de soin et d'attention, du maître et des mariniers, ne peuvent être compris sous le nom de force majeure, et qu'au contraire ce sont choses opposées à la force majeure. Les assureurs ne sont donc pas tenus par la nature du contrat d'assurance, des pertes et dommages qui arrivent par la faute de ces personnes. Les marchands dont les marchandises ont été endom. magées, ne peuvent donc en ce cas se pourvoir. contre les assureurs; mais ils ont l'action ex conducto contre le maître ou patron avec qui ils ont contracté pour le transport de leurs marchandises, et l'action exercitoria contre l'armateur qui l'a pré

posé cet armateur a de son côté une pareille action contre le maître qui s'est chargé de la conduite de son vaisseau. ( Voyez n.o 49 not.)

L'article 4 du titre des Avaries (C. de c. 403, 405), rapporte des exemples de dommages causés par la faute du maître; savoir, lorsque les marchandises ont été endommagées pour n'avoir pas bien fermé les écoutilles, amarré le vaisseau, fourni de bons guindages et cordages. On peut en apporter une infinité d'autres exemples.

La responsabilité envers l'armateur affecte la chose et non la personne, il est déchargé par l'abandon du navire et du fret. Voyez Ordon. de 1681, tit. des propriétaires, art. 2; Cod. de comm. art. 216, et hîc note sur n.o 5o. Celle envers le maître est personnelle et sur tous ses biens.

65. Quoique les assureurs ne soient pas, par la nature du contrat d'assurance, tenus de ces pertes et dommages, ils peuvent en être tenus par une clause particulière ; c'est pourquoi l'article 28 (C. de c. 353 ), après avoir dit que les assureurs ne sont pas tenus des pertes et dommages arrivés..... par faute des maîtres et mariniers, ajoute, si par la police, ils ne sont chargés de la baratterie du patron.

Ces termes de baratterie du patron comprennent toutes les espèces tant de dol que de simple imprudence, défaut de soin et impéritie, tant du

patron que des gens de l'équipage. Voyez l'arrêt du 26 mars 1762, rapporté au troisième tome du Journal des audiences.

L'assureur qui s'est chargé envers les marchands de ces pertes et dommages, et qui en conséquence les en a indemnisés, est de plein droit subrogé aux actions desdits marchands, tant contre le maître que contre l'armateur.

L'assureur peut faire cette convention non-seulement avec les marchands, mais même avec l'armateur, pourvu néanmoins que ce ne soit pas lui-même qui monte son vaisseau; car il est évident que je ne peux pas valablement convenir avec quelqu'un qu'il se chargera des fautes que je commettrai; ce serait une convention qui inviterait ad delinquendum: mais quand même le patron serait le fils de l'armateur, l'armateur peut valablement convenir que l'assureur sera chargé de la baratterie du patron, de même que si le patron était un étranger.

66. SECONDE RÈGLE. » Les déchets, diminu» tions et pertes qui arrivent par le vice propre » de la chose, ne tombent point sur les assureurs. >> .. C'est la disposition de l'article 29 (C. de c. 352): la raison est qu'on entend par cas fortuits et force majeure (qui sont les choses dont les assureurs se chargent), des accidents extraordinaires, er non ce qui arrive naturellement.

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Suivant cette règle les assureurs ne sont pas tenus de la diminution qui arrive dans les marchandises par le coulage auquel elles sont naturellement sujettes.

Mais si une tempête avait occasionné un coulage beaucoup plus considérable que le coulage ordinaire, les assureurs seraient tenus de faire raison de ce coulage, sous la déduction de ce à quoi on arbitrera que peut monter le coulage ordinaire, pourvu néanmoins que les assureurs aient fait par la police une déclaration de leurs marchandises sujettes à coulage, comme nous le verrons infrà.

Suivant cette règle, si le navire dont les assureurs ont assuré à l'armateur le voyage et le retour, se trouve hors d'état de revenir par vétusté et pourriture, les assureurs ne seront pas tenus de cette perte: il en serait autrement si c'était par des coups de mer ou par quelque autre accident qu'il eût été mis hors d'état de servir. (a)

Suivant la même règle, si des voiles ou des cables sout usés de vétusté, l'assureur n'en est pas tenu, au lieu qu'il en serait tenu si c'était la violence des coups de vent qui en eût causé la rupture.

Suivant la même règle, lorsque des animaux ou des nègres sont morts de leur mort naturelle, ou même lorsque des nègres, par désespoir, se sont donné la mort, l'assureur n'en est pas tenu; car ce sont pertes arrivées par la nature ou le

vice de la chose, ou quelquefois par la négligence du maître, qui ne peut être imputée à l'assureur s'il ne s'en est chargé expressément. Autre chose serait s'ils étaient noyés dans une tempête ou tués dans un combat. (Voy. n.o 29 not. ) (b)

(a) On appelle cas d'innavigabilité celui où le navire est hors d'état de continuer sa navigation; ce cas a toujours donné lieu à beaucoup de difficultés, nous en traiterons aux additions ou supplément.

(b) Je pense, comme Pothier , que l'assureur n'est pas tenu si les nègres se sont tués par désespoir. Valin, Ordon. 1681, Ass. art. 11 et 1s; et Emerigon, Ass. ch. 12, sect. 10, sont du même avis. Néanmoins ils tiennent que la révolte des nègres est à la charge des assureurs. Emerigon donne pour motif que ce sont des ennemis desquels on a pu prévoir qu'ils se révolteraient et que cet événement ayant lieu en mer est à la charge des assureurs. On pourrait dire de même que les assureurs ont su qu'on embarquait des hommes susceptibles de se livrer au désespoir et de se tuer pour se soustraire à l'esclavage et au traitement qu'ils éprouvent à bord.

Il me parait que la révolte et le désespoir des nègres, tenant au vice ou au caractère de la chose, doivent demeurer à la charge de l'assuré, à moins que les circonstances ne les fassent rapporter à quelque événement particulier. Ainsi Emerigon, à l'endroit cité et ch. 8, sect. S. 5, rapporte un jugement qui dans un cas de révolte des nègres, mit l'événement à la charge des assureurs ; mais il y avait cette circonstance que l'équipage affaibli par des maladies contagieuses et réduit à peu de monde,

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