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6. Le contrat d'assurance, comme le contrat de vente, est synallagmatique; car il produit des obligations réciproques. L'assureur s'oblige envers l'assuré de le garantir et indemniser des fortunes de mer; et l'assuré s'oblige réciproquement envers l'assureur de lui payer la prime convenue.

Le contrat n'est pas moins synallàgmatique, quoique l'assuré puisse le rendre inutile en ne pas mettant en risque la chose qui n'y est pas encore; le contrat manque alors moins par défaut d'engagement de la part de l'assuré, que par défaut de matière pour le contrat. La stipulation n'est point que l'assuré mettra la chose en risque, mais que s'il l'y met, il en sera garanti et paiera le prix de la garantie; l'assuré est toujours lié en ce qu'il ne peut faire assurer le même risque par un autre, et qu'il ne peut renoncer au pacte d'assurance sans renoncer à sa spéculation, c'est-à-dire, au voyage que le contrat avait pour objet.

7. Le contrat d'assurance est de la classe des contrats intéressés de part et d'autre, et non de celle des contrats bienfaisans; car dans ce contrat chacun des contractans se propose son intérêt propre; l'assureur se propose de profiter de la prime, et l'assuré de se décharger des risques.

8. Il est évident que ce contrat est de la classe des contrats aléatoires, et non de celle des contrats commutatifs; car la prime que l'assureur reçoit comme dans les contrats commutatifs, l'équivalent d'une autre chose qu'il donne ou s'obli

n'est pas,

ge de donner à la place, puisqu'il n'aura rien à donner si le vaisseau arrive à bon port et n'essuye aucun accident; et au contraire, si le vaisseau périt, l'indemnité qu'il sera tenu de donner à l'assuré, étant une chose beaucoup plus considérable que la prime qu'il a reçue de lui, n'en peut être regardée comme l'équivalent. La prime que l'assureur reçoit n'est donc pas le prix d'une autre chose qu'il donne, mais le prix du risque dont il se charge par le contrat, ce qui est le vrai caractère des contrats aléatoires. Vice versû, l'indemnité que reçoit la partie qui a fait assurer ses effets, lorsqu'ils sont péris, étant beaucoup plus considérable que la prime qu'il a donnée, n'en peut être regardée comme l'équivalent; mais elle est l'équivalent et le prix du risque qu'il a couru, de donner en pure perte la prime qu'il a donnée, et de ne rien recevoir à la place, dans le cas auquel les effets assurés seraient arrivés à bon port et n'auraient essuyé aucun accident.

9. Enfin le contrat d'assurance est un contrat du droit des gens dans son origine. L'Ordonnance de la Marine, en l'autorisant spécialement, tit. des Assurances, a développé dans ce titre les règles par lesquelles ce contrat est régi, qui sont tirées du droit naturel. Il est vrai qu'elle a ajouté quelques dispositions qu'on peut regarder comme arbitraires, au moyen desquelles on peut dire que ce

contrat, quoique principalement du droit des gens, tient aussi parmi nous quelque chose du Droit civil.

10. L'usage de ce contrat est de la plus grande utilité. Le commerce de mer, qui sans ce contrat, ne se ferait que par un petit nombre de personnes qui auraient assez de fortune pour oser courir les risques auxquels il expose, peut, par le secours de ce contrat, être fait par toutes sortes de permême par celles qui ont le moins de

sonnes, fortune.

L

SECTION II.

Quelles sont les choses qui sont de l'essence du Contrat d'Assurance.

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Cinq choses me paraissent être de l'essence du contrat d'assurance. Il faut, 1.° qu'il y ait une ou plusieurs choses qui soient la matière du contrat, et que l'une des parties fasse assurer par l'autre. 2. Il faut qu'il y ait des risques auxquels cette chose soit ou doive être exposée, desquels l'assureur se charge par ce contrat. 3. Il faut qu'il y ait une somme ou déterminée ou indéterminée, que l'assureur promette de payer à l'assuré pour son indemnité, en cas de perte des effets assurés, arrivée par quelqu'un des cas fortuits dont l'assureur s'est chargé. 4. Il faut une somme convenue par ce contrat, que l'assuré donne ou s'oblige de donner à l'assureur, pour le prix de

l'assurance. 5. Enfin il faut le consentement des

parties contractantes qui intervienne sur toutes ces

choses.

ARTICLE

PREMIER.

Des choses qu'on a fait assurer.

§. I.

Il faut une chose qu'on fasse assurer.

II. Il est de l'essence du contrat d'assurance, qu'il y ait une ou plusieurs choses qui en soient la matière, et qu'on fasse assurer par le contrat. (a)

En effet, le contrat d'assurance étant un contrat par lequel l'une des parties fait assurer par l'autre certaines choses, et la charge, pour une certaine somme qu'il lui donne, du risque des cas fortuits auxquels elles sont exposées, il s'ensuit qu'il ne peut y avoir et qu'on ne peut concevoir un contrat d'assura ce sans une chose qu'on fasse assurer par le contrat, et qui en soit la matière.

C'est pourquoi, à s'en tenir aux seules règles du droit naturel, lorsque les choses que quelqu'un a fait assurer n'existaient plus lors du contrat et étaient déjà pérics; quoique la partie fut de bonne foi, et qu'elle en ignorât la perte, le contrat devrait être nul, faute d'une chose qui en ait été la matière; de même que le contrat de vente est

nul lorsque la chose vendue n'existait plus au tems du contrat, quoique les parties l'ignorassent. L. 15 ff. de contr. empt.

et L. 57,

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(a) L'auteur suppose avec raison qu'il faut avoir une chose en risque pour pouvoir la faire assurer; néanmoins on admet à Livourne, à Naples, etc. des assurances sur tel navire, telle marchandise auxquels on n'a aucune espèce d'intérêts ni pour soi ni pour autrui; mais ce ne sont pas là de véritables assurances, ce sont des gageures aussi dans les lieux où elles sont admises, on les distingue par des caractères et des règles particulières et on les qualifie d'assurances improprement dites. Les Italiens appellent cela assurer voto per pieno, per via di scommessa. Mais lorsque l'assuré n'a pas expressément déclaré dans la police, qu'il entendait faire une assurance sur une chose qu'il n'avait pas en risque, c'est-à-dire > une véritable gageure, il ne peut se prévaloir des règles de cette espèce de contrat ; c'est ainsi que le Tribunal de Pise annulla une assurance souscrite comme assurance proprement dite, et dans laquelle néanmoins il était convenu que l'assuré serait dispensé de justifier le chargé. L'assurance n'étant point faite par forme de gageure, il fallait, malgré la dispense de justification, que l'assuré pût affirmer avoir réellement chargé l'aliment du risque, et la clause de la police n'excluait point la preuve positive du non chargement. Ce non chargement étant effectivement prouvé et convenu, l'assureur fut dispensé du paiement de la perte. V. Baldasseroni, T. 2, pag. 187, 188.

Les assurances par voie de gageure s'étaient autrefois introduites et étaient tolérées dans la plupart des places de commerce.

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