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doivent pas s'estimer eu égard au prix qu'ils valent depuis le contrat, ni dans un tems auquel la guerre est devenue certaine, mais seulement eu égard au prix que ces risques valaient au tems du contrat, dans le tems auquel la guerre était un événement incertain et inattendu. En conséquence de ces principes, les assureurs Anglais, qui, avant les hostilités, avaient assuré pour une prime modique plusieurs de nos navires et plusieurs effets de nos commerçans, ne firent aucune difficulté de payer le prix de leur assurance pour les navires et effets qui, depuis les hostilités, furent pris par les corsaires de leur nation; et ils ne demandèrent aucune augmentation de prime: c'est ce qui m'a été certifié par un commerçant du Havre. Nonobstant ces raisons, l'Amirauté du Palais s'est déterminée à accorder aux assureurs une augmentation de prime proportionnée à l'augmentation des risques causés par la guerre, quoique les polices faites en tems de paix fussent pures et simples; et les sentences de ce siége ont été sur ce point conArmées par arrêt toutes les fois qu'il y en a eu appel. Les raisons sur lesquelles on s'est fondé, sont évidentes. Il était d'une nécessité absolue et indispensable, pour l'intérêt du commerce maritime, de prévenir et d'empêcher la ruine des assureurs et des Chambres d'assurance, qui aurait été infaillible si on ne leur eût pas accordé cette augmentation de prime.

Ces assureurs, dans la sécurité que leur donnait la paix, ayant assuré purement et simplement, et pour des primes très-modiques, un grand nombre de navires et d'effets, les prises que la guerre ne pouvait manquer de rendre très-fréquentes, les aurait infailliblement ruinés, si on ne leur eût accordé, par une augmentation de prime, un dédommagement qu'ils ne pouvaient pas trouver dans la modicité des primes portées par leurs polices d'assurance. Ce cas est un de ceux dans lesquels on doit s'écarter de la rigueur des principes. Equitas Juris scrupulositati præponderare debet..

Je ne crois pas que la jurisprudence de l'Amirauté du Palais et du Parlement de Paris ait jamais été telle que Pothier le suppose, elle serait contraire aux principes du contrat d'assurance, à la jurisprudence de tous les autres Tribunaux et à ce qui se pratique dans toutes les places de Commerce. Voyez Valin Ordon. 1681, ass. art. 7; Emerigon, ass. ch. 3, sect. 4.

L'assurance est un contrat aléatoire, qui se fait dans la vue des risques auxquels une chose est exposée, les événemens de la guerre ou de la paix sont au nombre de ces risques; c'est aux contractans à en calculer la probabilité, à convenir une moindre ou plus forte prime, relativement à la possibilité de ces événemens; mais l'assurance une fois souscrite, la prime ne peut souffrir d'augmentation ni 'de diminution par la survenance d'un des événemens dont on a couru le risque.

Néanmoins deux arrêts du Conseil des 12 juillet 1748 et 18 janvier 1749, rendus à l'occasion de la paix qui sur

vint alors, ordonnèrent que les primes convenues en tems de guerre seraient pour les navires partis de France ou d'autres pays, après l'époque de la cessation de toutes hostilités, réduites au taux des primes convenues en tems de paix, et prononcèrent, même à l'égard de certains voyages, la réduction de la prime pour des navires partis avant la cessation des hostilités et non arrivés.

Une raison politique dicta sans doute ces arrêts du Conseil, qui ne furent rendus que pour cette circonstance 7 et qui au fond ne durent pas porter un grand tort aux assureurs; les préliminaires de paix avaient fixé un délai jusqu'auquel les prises étaient censées bonnes ; ce délai dut être suffisant pour qu'on en fut averti dans les différentes mers avant son expiration ou à-peu-près ; les navires partis alors ne profitèrent pas de la réduction de la prime, parce qu'ils étaient partis avant la cessation des hostilités, ceux qui n'étaient pas partis à cette époque, étaient maîtres de renoncer au voyage et par conséquent d'annuller l'assurance les assureurs n'y gagnaient rien et le commerce pouvait y perdre beaucoup par l'abandon des expéditions que le paiement d'une forte prime aurait rendu ruineuses.

Il n'y eut de perte réelle pour les assureurs que quant aux voyages commencés et non terminés avant la cessation des hostilités; mais la faveur accordée aux assurés, limitée quant à ce, à quelques espèces de voyage, ne put pas beaucoup nuire aux assureurs.

Cette mesure n'en était pas moins contraire au droit

Commun.

Il ne faut prendre pour règle ni ces arrêts du Conseil qui ont diminué à la paix de 1748 la prime convenue en tems de guerre, ni les jugemens qui, suivant ce que dit Pothier, ont augmenté la prime convenue en tems de paix,

Les uns n'ont eu lieu que pour cette circonstance particulière, les autres sont vraisemblablement une erreur de Pothier, qui aura été mal instruit, et s'il en était autrement, nous ne pourrions les regarder que comme une erreur des Tribunaux qui auraient rendu de pareils juge

mens.

Au surplus je regarderais comme une loi sage et équitable celle qui, par un principe général, augmenterait les primes dans le cas de survenance de guerre et les diminuerait dans celui de survenance de paix; mais la loi doit être réciproque, et je ne serais ni de l'avis de Valin, qui approuve que les primes soient diminuées par la survenance de la paix, mais non qu'elles soient augmentées par l'événement de la guerre, ni de l'avis de Pothier qui veut qu'elles soient augmentées par la survenance de la guerre et ne trouve pas les mêmes raisons de les diminuer au retour de la paix (V. hîc n. 86), ou tous les deux ou ni l'un ni l'autre ; et c'est à cette dernière

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alternative qu'il faut se fixer, tant qu'une loi ne l'ordonnera pas autrement. Voyez Valin Ordon. 168 1 ass. art. 73 Emerigon ass. ch. 3, sect. 4.

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Il est libre aux parties de suppléer à l'insuffisance de la loi, et tous les jours nous voyons des polices où l'on stipule l'augmentation ou la diminution de la prime en cas de survenance de la guerre ou de la paix.

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Cette clause d'augmentation de prime en cas de surve→ nance de guerre a été stipulée dans presque toutes les polices pendant la courte paix de l'an 10, ou 1802. Elle l'a été de diverses manières dans les différentes places ce qui a donné lieu à plusieurs questions et décisions sur cette matière, nous reviendrons sur ce point dans les additions ou supplément.

avant la

84. Les hostilités que commirent les Anglais avant la déclaration de la dernière guerre, donnèrent lieu à une autre question. On sait que ces hostilités commencèrent le 8 juin 1755, par la prise des vaisseaux du Roi le Lys et l'Alcide; qu'elles continuèrent depuis, et que la guerre ne fut déclarée qu'au mois de juin 1756. La question était de savoir si ces hostilités avaient pu, déclaration de guerre, donner lieu à l'augmentation de prime qui était stipulée par les polices en ces termes, en cas de guerre, ou même en ces termes, en cas de déclaration de guerre. La raison de douter était qu'il n'y a proprement de guerre, ni même d'hostilités proprement dites, que lorsqu'elles ont été précédées d'une déclaration solemnelle de guerre: sans cela ce sont pures violences et voies de fait; ce sont pirateries, dont les assu

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reurs sont toujours garants: Hostes sunt quibus bellum publicè populus Romanus décrevit, vel ipsi populo Romano. L. 24, ff. de capt. et postlim.

La raison de décider que le cas de ces hostilités devait être censé renfermé dans ces clauses, est que la déclaration de guerre est requise à la vérité pour rendre les hostilités légitimes selon le droit des gens; mais qu'elles aient été légitimes ou non, précédées ou non d'une déclaration de guerre, elles n'en étaient pas moins dans le fait des hostilités. Or le cas qu'ont eu en vue les contractans

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