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La gageure n'est pas un contrat illicite par lui-même ; il est néanmoins peu favorable, puisque, comme toutes les espèces de jeu, il ne tend qu'à occuper le tems et l'imagination de l'homme, à des choses inutiles à la société, capables de renverser sa fortune lorsqu'il y met de l'excès et susceptibles par là même de l'entraîner aux plus grands désordres.

Ce contrat est surtout pernicieux, dans le commerce qu'il détourne de son vrai but.

Il est immoral et susceptible d'une infinité d'abus dans son application aux risques maritimes; puisque son alinient et l'espérance de l'assuré, c'est-à-dire, de celui qui parie pour la perte, sont uniquement dans la ruine d'autrui, dans la perte du navire ou de la marchandise qui est l'objet de la gageure.

C'est donc sagement que la majeure partie des nations commerçantes ont interdit cette espèce d'assurance ou de gageure. V. Casaregis, disc. 4, 7, 13, 15. Em. Ass. ch. I sect. 1. Baldasseroni, part. I tit. 2; Part. 3, tit. 5, n.o 45; Azuni. V. Assicuranza. Q

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Notre Code civil art. 1965, 1966, 1967 interdit même toute espèce de gageure, en refusant toute action en justice pour les paris ou pour les dettes du jeu, à moins que le pari ne soit modéré et n'ait pour objet un jeu d'exercice.

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Le Code de commerce ne pouvait pas être plus indulgent que le Code civil, il a confirmé en cette partie toutes les dispositions de l'ordon. de 1681. » Ce n'est » point en France a dit à ce sujet un des orateurs du » Conseil d'état et dans une nation de tant d'importance » que la législation naturalisera l'immoralité des paris ».

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12. Mais le droit civil a ajouté sur ce point au

droit naturel. Quoique les effets n'existassent plus et fussent déjà péris lors du contrat par lequel on les a assurés, si la partie n'en a su ni pu savoir la perte lors du contrat, ces effets, par une fiction de droit, en considération de la bonne foi de la partie qui a fait assurer, sont supposés avoir été encore existans au tems du contrat et avoir pu lui servir de matière, et n'être péris que lors de la nouvelle qu'on a eue de leur perte.

C'est ce qui résulte de l'art. 38 du titre des Assurances de l'ordonnance de 1681, (Cod. de com. a. 365, 367). Cet article, en déclarant nulles les assurances faites après la perte des choses assurées, si l'assuré en savait ou pouvait savoir la perte, laisse à tirer la conséquence, que s'il ne l'a su ni pu savoir, le contrat d'assurance est valable.

13. Le contrat d'assurance des choses qui n'existaient plus et étaient déjà péries lors du contrat, est donc nul en deux cas seulement. Le premier cas est lorsque la partie qui a fait assurer, avait déjà, lors du contrat, la connaissance de la perte des effets qu'il a fait assurer.

L'assureur qui oppose à la demande contre lui, que l'assuré avait cette connaissance, est chargé d'en faire preuve, suivant cette maxime de droit, Incumbit onus probandi ei qui dicit; et celle-ci, Reus excipiendo fit actor.

Le fait de cette connaissance étant le fait d'un dol et d'une fraude de l'assuré, dont il n'a pas été au pouvoir de l'assureur de se procurer une preuve par écrit, il peut, suivant le principe que nous avons établi en notre traité des obligations,

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775 et suivans, être admis à la preuve testimoniale de cette connaissance et il peut faire entendre en témoignage, même les gens de l'équipage du vaisseau.

Quand même l'assureur aurait déjà exécuté le contrat, et payé en tout ou en partie la somme assurée, s'il vient à découvrir que l'assuré avait, lors du contrat, la connaissance de la perte des effets assurés, il ne laisse pas d'être reçu à se plaindre du dol de l'assuré, et à faire la preuve de la connaissance qu'a eue l'assuré : l'article 41 de l'ordonnance (Cod. de com., art. 368) le suppose ainsi. La raison en est évidente. L'action qui naît du dol n'est ouverte que du jour que la partie qui a été trompée l'a découvert : Currit à die detecta fraudis. La partie ne peut pas perdre, par une fin de non-recevoir, son action avant qu'elle ait été ouverte: Adversùs non valentem agere nulla currit præscriptio. D'ailleurs l'assuré en recevant la somme assurée, commet un nouveau dol qui ne doit pas lui profiter et lui donner une fin de non recevoir.

14. L'assureur a non-seulement la voie civile,

qui

qui est l'action de dolo, contre celui qui a fait assurer des effets, de la perte desquels il avait connaissance : M. Valin , procureur du roi en l'amirauté de la Rochelle, auteur d'un commentaire sur l'ordonnance de la marine, observe à l'article 41, (Cod. de com., art. 368) que l'assureur peut aussi à son choix prendre la voie criminelle, cette espèce de dol de l'assuré étant atrocior dolus et crimen stellionatûs. L'ordonnance de Roterdam sur les assurances, article 20, le regarde comme une branche du crime de faux, les fourberies qui se commettent dans les contrats, étant une branche de ce crime. Arg. L. 21, ff. Ad. L. Com. de fals.

Je ne connais pas d'exemple qu'on ait pris la voie criminelle dans un pareil cas, et je ne pense pas qu'on y eût été autorisé dans le système des lois anciennes. L'ordonnance s'étant bornée à établir pour ce fait, une peine civile (voyez n.° suivant) on devait s'y tenir ; on pouvait encore moins recourir à la voie criminelle dans le système de nos lois pénales, établi depuis 1791, système d'après lequel on n'admet de peines que celles littéralement ordonnées par la loi.

Néanmoins cette peine civile, qui se borne à la valeur d'une double prime, est bien légère et bien disproportionnée avec la qualité du délit, qui est une escroquerie des plus caractérisées, des plus dignes d'une correction sévère. Le nouveau code de commerce y a pourvu, en ordonnant, Art. 368, que l'assuré qui a fait assurer après la connaissance de la perte, ou l'assureur qui a pris le

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risque après la connaissance de l'arrivée, seront poursuivis correctionnellement.

Voyez numéros suivans et n.°

47 et 48.

15. La peine que l'ordonnance prononce contre l'assuré qui est convaincu d'avoir eu connaissance, lors du contrat, de la perte des effets qu'il a fair assurer, est qu'outre la restitution qu'il doit faire à l'assureur de la somme assurée qu'il aurait reçue de lui, il doit lui payer le double de la prime portée au contrat. Art. 41. (Cod. de c. 368).

Il doit être condamné par corps à cette restitution, et au paiement de la prime. Outre la raison générale tirée de ce que le contrat d'assurance est une matière de commerce il y en a une particulière tirée de ce que la cause de cette condamnation est un stellionat de la part de l'assuré, lequel emporte la contrainte par corps. Ordonnance de 1667, tit. 34, art. 8 et 9.

Il n'y a pas stellionat dans la signification littérale donnée à ce mot par le Code Napoléon, art. 2059; mais il y a délit et par cette raison nous pensons que l'assuré condamné dans un pareil cas, ne pourrait pas se soustraire à la contrainte par corps, par l'abandon de ses biens ou par un concordat avec ses créanciers, ni par la qualité de septuagénaire.

16. Lorsqu'à défaut de preuve, l'assureur a déféré à l'assuré, le serment sur le fait de la connaissance qu'il prétend qu'avait l'assuré, lors du

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