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se pourvoir, et comme la demande avait été faite après ce tems depuis la nouvelle de la perte, ils concluaient que l'assuré était non recevable.

Le Tribunal considéra que dans l'hypothèse, il était prouvé que la prise avait eu lieu dans les mers qui baignent les côtes de Provence, que la loi ne distingue pas l'évé nement de prise de tout autre, qu'elle rapporte l'événement aux côtes des divers lieux où la perte est arrivée, ce qui ne peut s'entendre que des côtes des lieux le plus proche, la plus ou moins grande distance à laquelle puisse s'étendre la puissance du Souverain n'influant. et pouvant jetter dans des discussions Quand la loi a parlé des pertes arrivées » aux côtes, elle a entendu, est-il dit dans le jugement, » parler des pertes arrivées près ou vis-à-vis de ces côtes, >> et n'a pu entendre les fixer à l'une plutôt qu'à l'autre » qu'autant qu'elie était plus près; on ne peut laisser cette > fixation au choix et à l'avantage de l'assuré, qu'autant » que le lieu de la prise est incertain et qu'aucun fait ne » le fixe plus près d'une côte que de l'autre. »

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point en parel cas

trop compliquées. »

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D'après ces motifs, le jugement prononça la fin de non

recevoir contre l'assuré.

Il y eût appel; les assureurs ayant été à conseil, il leur fut dit que l'application faite de la loi était trop rigoureuse pour qu'ils dussent espérer de la faire adopter par la Cour.

L'affaire présentait divers autres points de discussion. Les parties se concilièrent avant qu'il eût été statué sur l'appel de l'assuré.

Mon avis eût été conforme à celui des conseils des assureurs; s'agissant d'une prescription rigoureuse et dont le délai est extrêmement court, on ne doit en faire l'appli

cation qu'autant que tout y concourt et la rend indispensable dans la lettre et l'esprit de la loi. La loi parle d'un événement qui a lieu sur les côtes de la même province; mais peut-on entendre par ces mots, un événement dont il n'y a pas de traces sur les côtes, qui a lieu en mer hors de la vue de l'homme, hors de l'administration de la province, hors du domaine du Souverain; le motif de la loi, en donnant un délai très-court, lorsque la perte est arrivée aux côtes de la même province, n'a-t-il pas été que l'assuré pouvait de suite après la nouvelle, s'informer de l'événement, en connaître toutes les circonstances, se procurer toutes les pièces et les documens nécessaires, se déterminer enfin en connaissance de cause, à faire ou non le délaissement? Ce motif de la loi cesse pour une prise arrivée, au large, dont les traces n'existent que dans le lieu où elle est conduite

sance sur les côtes.

Emerigon, ass. Tom. 2

et dont on n'a pas même connais

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ch. 19, sect. 12 et 13, pense comme nous, qu'en pareil cas, il faut adopter l'interprétation la plus favorable à l'assuré; il cite deux préjugés à l'appui de son opinion, le premier est dans un cas absolument semblable à celui sur lequel est intervenu le jugement du 21 ventôse an 13 que nous venons de citer.

Une tartane avait été prise près les côtes d'Hières, elle fut conduite à Gênes, l'assuré ne fit la demande qu'après les six semaines de la nouvelle, une sentence du 19 novembre 1748 le déclara non recevable; cette sentence fur réformée par un arrêt du 1.er mars 1751, qui considéra, pour déterminer le cours de la prescription, les côtes du lieu où le navire avait été conduit et non celles près ou vis-àvis desquelles il avait été pris.

Dans une autre circonstance où le navire avait été pris

dans le Golfe de Gascogne, c'est-à-dire, entre les côtes de France et d'Espagne, et conduit en Angleterre, l'événement pouvait se rapporter,

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Ou aux côtes de France, ce qui donnait un délai de six semaines ou de trois mois,

Ou aux côtes d'Espagne, ce qui donnait un délai d'un

an,

Ou aux côtes d'Angleterre, ce qui donnait un délai de quatre mois.

Sentence de l'Amirauté du 26 mars 1781, qui jugea l'assuré recevable, quoique sa demande eut été formée après les délais de trois et de quatre mois.

» L'ignorance où l'on était de l'endroit précis du sinis» tre, dit Emerigon, devait le faire placer vers les côtes » de Galice, plutôt que vers celles de France.

» Le lieu où le navire pris est conduit , peut fixer » l'esprit du Juge pour allonger la durée de l'action, » mais non pas pour la restreindre. Il n'est permis d'ar>gumenter que quand il s'agit de se rapprocher du droit

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Le Code de commerce à prévenu en partie les difficultés qui peuvent naître dans l'application des fins de non recevoir en supprimant les courts délais et cette inutile progression de six semaines, trois, quatre mois, et en fixant à six mois le moindre délai.

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Il a ensuite donné un terme fixe dans le cas de prise, en présentant le lieu où le navire pris a été conduit, comme celui où le sinistre est censé avoir eu lieu.

» Art. 373. Le délaissement doit être fait aux assu» reurs dans le terme de six mois, à partir du jour de » la réception de la nouvelle de la perte arrivée aux »ports ou côtes de l'Europe, ou sur celles d'Asie et

» d'Afrique, dans la Méditerranée, ou bien, en cas de »prise, de la réception de celle de la conduite du navire » dans l'un des ports ou lieux situés aux côtes ci-dessus » mentionnées ;

» Dans le délai d'un an après la réception de la nou» velle ou de la perte arrivée, ou de la prise conduite » aux colonies des Indes occidentales, aux îles Açores, » Canaries, Madère et autres îles et côtes occidentales » d'Afrique et orientales d'Amérique ;

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» Dans le délai de deux ans après la nouvelle des » pertes arrivées ou des prises conduites dans toutes les » autres parties du monde.

» Et ces délais passés, les assurés ne seront plus rece»vables à faire le délaissement. >>

(b) Dans le cas de défaut de nouvelles, je pense que pour la prescription de l'action, on doit, après le délai nécessaire pour la présomption légale de la perte, compter le délai le plus long que puisse présenter soit le lieu du départ, soit celui d'arrivée, soit ceux que le navire peut cotoyer dans sa route.

(c) L'arrêt dont parle Pothier juge la fin de non recevoir acquise, malgré que la police donnât à l'assureur un délai pour le paiement. Emerigon, ass. ch. 19, sect. 11, rapporte le même arrêt et un autre pareil ; il les désaprouve sous le rapport que la police ou la loi donnant à l'assureur un terme pour le paiement, il n'y a pas, avant l'expiration de ce terme, d'action ouverte pour la demande en paiement. » Je crois, dit-il, que cette jurisprudence » n'est pas légale : car si dans le cas d'arrêt de Prince, » la fin de non recevoir ne court contre les assurés que » du jour qu'ils auront pû agir (art. 49, H. T. ) il doit » en être de même dans le cas présent, où les assurés

" ne peuvent agir qu'après l'échéance des trois mois dé» terminés par la police. Cependant, par arrêt du 20 juillet » 1782, au rapport de M. de Perier, le Parlement d'Aix >> confirma la sentence rendue contre les sieurs Samatan.

» M. Guieu écrivait pour les assureurs, M. Estrivier

» écrivait au contraire.

» Je dois observer, à l'honneur de notre Place, qu'en » pareilles circonstances, il est peu d'assureurs qui osent » opposer la prescription. Il est juste qu'ils profitent du » délai de trois mois stipulé dans leur contrat. Ils trou» veraient très-mauvais qu'on les actionnât avant le terme; » mais auraient honte d'abuser de ce même délai con»ventionnel, pour se dispenser de payer les pertes qu'on >> est en droit de leur demander.

» Vous apprenez que votre navire a fait naufrage sur » les côtes du Languedoc. Vous vous présentez chez moi, >> tenant. à la main votre police d'assurance. Je vous » réponds: lisez votre contrat; il m'accorde un délai de >> trois mois; mon obligation n'est pas encore échue; » cessit dies sed nondùm venit.

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» le lendemain de l'échéance vous paraissez de nouveau. » Je vous dis : je ne vous dois rien; le même délai qui » avait suspendu l'exercice de votre action, l'a éteinte. » Elle est prescrite; je gagne cependant la prime, la» quelle n'est soumise ni à répétition ni à prescription! » Il n'est pas possible que le Législateur ait autorisé pa» reilles idées. La loi est sage: Ratio est anima legis ; » Lex autem sine ratione sine animâ, et corpus fæ

»tidum. »

est

Ces reflexions d'Emerigon paraissent d'abord justes; néanmoins la jurisprudence contraire peut être regardée comme ayant un juste fondement dans la loi.

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