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une clause particulière de la police d'assurance, déroger à la disposition de l'article 39 de l'ordonnance (cod. de c. 366), qui établit une présomption que l'assuré a eu, lors du contrat, connaissance de la perte du navire, résultante du laps de tems qui s'est écoulé depuis la perte du vaisseau jusqu'au en comptant une lieue et demie pour

contrat,

heure.

Cette clause est celle par laquelle les parties déclarent que le contrat est fait sur bonnes ou mauvaises nouvelles. On y ajoute souvent, pour plus grande explication, ces termes, renoncent à la lieue et demie pour heure.

Ces clauses sont très fréquentes dans les polices. d'assurance: l'ordonnance en fait mention dans l'article 40 (cod. de c. 367), où il est dit : » Si tou» tefois l'assurance est faite sur bonnes ou mau>> vaises nouvelles, elle subsistera, s'il n'est vérifié >> par autres preuves que celle de la lieue et demie » pour heure, que l'assuré savait la perte, ou » l'assureur l'arrivée du vaisseau avant la signature » de la police ».

Il résulte de cet article, que tout l'effet de cette clause est que, dans le cas de cette clause, le laps de tems à raison d'une lieue et demie pour heure, qui s'est écoulé depuis le tems de la perte du vaisseau jusqu'au contrat, n'est pas seul suffisant pour faire présumer que l'assuré avait, lors

du contrat, connaissance de la perte du vaisseau, ni pour faire en conséquence déclarer nul le contrat: mais lorsqu'il est justifié d'ailleurs que l'assuré, lors du contrat, avait cette connaissance, cette clause ni aucune autre ne peut empêcher que le contrat ne soit déclaré nul; car l'assuré, en dissimulant lors du contrat cette connaissance, a commis un dol envers les assureurs or on ne peut pas valablement convenir ne dolus præstetur. L. 27, §. 3 ff. de pact. (b)

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(a) L'opinion de Valin n'est pas soutenable, je n'admets pas non plus la modification de Pothier; quelque tems qui se soit écoulé depuis la perte, l'assuré pouvait l'ignorer; l'ignorance de l'assureur qui signe la police en est une présomption; car les nouvelles des pertes sont bientôt publiques dans les places de commerce et sues des assureurs comme des assurés. Le long-tems depuis lequel la perte a eu lieu ne peut donc être qu'une présomption; mais non une preuve que l'assuré l'ait connue.

(b) L'assuré à qui on oppose la présomption de la lieue et demie ou mýriamètre pour heure (dans le cas où il n'y a pas été dérogé par la police) n'est pas recevable à fournir contre cette présomption, aucune preuve tendant à établir qu'il ignorait l'événement. Emerigon, Ass., ch. II, sect. 4, rapporte des arrêts qui l'ont ainsi jugé dans des cas où l'assuré prétendait prouver par la difficulté des chemins, par le défaut de courriers et autres faits et circonstances, qu'il lui avait été impossible de connaître la perte lorsque l'assurance avait été faite.

25. On a demandé dans l'espèce suivante si

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la connaissance qu'avait l'assuré lors du contrat, de la perte du vaisseau, était suffisamment justifiée. Un nommé Woulf avait, le 21 novembre 1752, fait assurer à la première chambre des assurances de Paris, pour le compte de deux négocians de Gand, une somme de dix-neuf mille livres, et une autre de vingt-huit mille livres, pour chargement de marchandises sur le vaisseau le Prince Charles, chargé à Gothenbourg pour Ostende.

Les polices d'assurance contenaient la clause sur bonnes ou mauvaises nouvelles.

Le vaisseau était péri avec sa cargaison dès le 4

du mois.

Les assureurs ayant été assignés à l'amirauté du palais, en paiement de ces assurances, pour s'en défendre, soutinrent que les négocians de Gand avaient connaissance de la perte du vaisseau, lorsqu'ils avaient donné l'ordre à Woulf de faire assurer; et pour le justifier ils mirent en fait que le 22, qui était le jour auquel ils avaient écrit à Woulf pour lui donner l'ordre, la gazette d'Amsterdam, qui annonçait la perte du vaisseau, avait été publique à Gand dès le matin. La preuve de ce fait ayant été permise, et ayant été faite, par sentence de l'amirauté du 20 septembre 1758, les polices d'assurance furent déclarées nulles, et les assurés condamnés au paiement de la double prime; et cette sentence fut confirmée par arrêr

du 29 août 1759, en la première chambre des enquêtes. C'est un des principaux juges de l'amirauté qui m'a fait part de cette décision. La mauvaise, foi des deux négocians parut manifeste; il était visible qu'ils avaient écrit pour donner l'ordre d'assurer, en sortant de lire la- gazette qui leur avait appris la perte du vaisseau (a).

Sur les formes qui doivent être observées dans les polices d'assurance, pour que les clauses sur bonnes et mauvaises nouvelles, et autres semblables, soient valables, voyez infrà.

(a) Ce jugement est encore rapporté par Em., Ass., ch. 15, sect. 3, et dans le Répertoire de jurisprudence, au mot police d'assurance, il est rigoureux et les circonstances étaient sans doute de nature à ne pas laisser de doute sur la mauvaise foi de l'assuré. En principe, l'assuré est censé connaître la perte si elle était publique, c'est-à-dire, connue parmi les négocians, et notamment à la Bourse, au moment où l'assurance a été faite ou à celui auquel l'ordre a été donné, néanmoins cette présomption seule ne doit pas suffire pour faire condamner l'assuré au paiement de la double prime, il faut que d'autres circonstances concourent à établir la mauvaise foi; l'assuré ne doit pas être présumé ignorer ce que tout le monde sait; mais une connaissance qui n'est fondée que sur une présomption n'est pas une chose positive, ce n'est pas même légèrement qu'il faut admettre cette présomption pour annuller l'assurance, lorsque surtout l'assureur et l'assuré ont été également à portée de connaître l'événement. S'il est à desirer que la fraude

soit

soit punie, si celle du négociant qui fait assurer un objet déjà perdu, est une des plus punissables, il faut aussi se méfier de l'allégation de cette fraude et ne pas l'admettre légérement. Emerigon, à l'endroit cité, rapporte plusieurs arrêts qui ont les uns admis, les autres rejeté la supposition de la perte connue de l'assuré, ou publique. lors de l'assurance, ou qui, en l'admettant, l'ont fait avec ou sans la peine de la double prime.

Il parle même d'une assurance faite sur un navire déjà entré dans le port du lieu où se faisait l'assurance et qui fut estimée valable; néanmoins Emerigón se déclare raison, pour l'opinion contraire.

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J'ai vu, en l'an sept, une assurance querellée sur le fondement que l'ordre avait été donné par un courrier extraordinaire parti après la connaissance de l'événement. On ne put pas justifier que la perte était publique au moment du départ du courrier; néanmoins, par jugement du 19 vendémiaire an sept le Tribunal de commerce prononça la nullité de l'assurance, sur le fondement que les commissionnaires des assurés n'avaient point donné aux assureurs connaissance de cette circonstance, qu'ils avaient reçu l'ordre par un courrier extraordinaire. Il y eut appel, et par jugement du 2 frimaire an sept, le Tribunal des Bouches-du-Rhône réforma celui du Tribunal de commerce; il considéra que l'envoi d'un courrier n'était ni une présomption de connaissance de la perte, ni une circonstance qu'il fût nécessaire d'insérer dans la police; d'ailleurs les assurés recevaient dans ce tems, assez fréquemment, de pareils courriers pour leurs affaires ordinaires.

J'ai été depuis consulté sur une assurance faite à Bordeaux, ensuite d'une lettre écrite de Marseille, qu'on supposait antidatée, parce qu'elle était arrivée le même

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