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de l'assurance excédait la valeur de l'objet assuré ; les sieurs Michel et Chaussebeau donnèrent un compte du coût et frais des marchandises, d'après lequel s'étant en effet trouvé un excédent, il y eut un ristourni convenu et réglé entre les assureurs et les assurés.

Mais la bonne règle exigeait que les sieurs Michel et Chaussebeau ajoutassent à la valeur de la marchandise partant de Livourne, le nolis payé pour cette même marchandise de Trapani à Livourne, c'est ce qu'ils ne firent

pas.

Après ce premier règlement, ils poursuivirent contre les assureurs sur les avances sur nolis, le paiement des sommes par eux assurées; ceux-ci demandèrent la preuve de l'argent donné en avancé sur le nolis de Livourne à Marseille. Les sieurs Michel et Chaussebeau présentèrent le reçu des 881 P.es payées à Livourne, causé pour solde du nolis de Trapani à Livourne. Ils prétendirent que le voyage de Trapani à Marseille était indivisible, que Livourne n'avait été qu'un lieu d'échelle pour le voyage projeté, qu'en conséquence le nolis payé pour le trajet de Trapani à Livourne, n'était qu'une avance ou une portion de la totalité du nolis.

Les assureurs opposèrent qu'entre assureurs et assurés, il n'y a d'autre voyage du navire, que celui désigné dans la police; que le nolis payé à Livourne pour le voyage de Trapani à Livourne, leur était étranger; qu'il aurait pu figurer comme augmentation de valeur, envers les assureurs sur les marchandises; mais qu'il ne pouvait, dans aucun sens, être considéré comme l'objet assuré par eux, cet objet ne pouvant être qu'une avance sur le nolis du voyage assuré de Livourne à Marseille; l'un des assureurs, qui l'était dans l'une et l'autre police, offrit même de revenir, con

formément à ces principes, sur le règlement du ristourni quant à l'assurance sur facultés mais tous conclurent à la ; nullité de la police en litige comme n'ayant jamais eu d'existence à cause du défaut d'aliment.

Le Tribunal de cominerce accueillit la demande des assurés ; il y eut appel de la part des assureurs.

Trois d'entre eux n'avaient dans la police

n'excédant F. 1000.

qu'un intérêr

Les assurés prétendirent contre ceux-ci, que l'appel n'était pas recevable, et contre tous, qu'il n'était pas fondé.

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La Cour d'appel considéra sur la fin de non recevoir » que » la police était attaquée en elle-même comme nulle dans » son essence ou dissoute par défaut d'aliment du risque, » qu'il faut par conséquent juger du contrat dans son » ensemble et non dans son rapport avec chaque assureur; » qu'il n'est pas possible que la même police soit nulle » par défaut d'aliment du risque vis-à-vis de certains assu>> reurs et bonne vis-à-vis de certains autres ; que s'il

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est décidé qu'il n'y a pas eu d'aliment au risque, certe » décision doit nécessairement profiter à tous, que dès» lors c'est par la valeur totale des sommes assurées, qu'il » faut juger si l'appel est ou non recevable. »

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D'après ces motifs et en accueillant au fond ceux proposés par les assureurs, la Cour d'appel reçut l'appel de tous, réforma le premier jugement, déclara l'assurance nulle par défaut d'aliment, et renvoya les assureurs de la demande formée contre eux.

Il suit de ces décisions, que l'appel entre assurés et assureurs pour 1000 f. et au dessoits, n'est pas recevable, lorsque ce litige ne roule que sur des exceptions particulières à chaque assuré;

Qu'au contraire l'appel est recevable pour tous, lorsque

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les exceptions des assureurs en masse tendent à faire annuller le contrat d'assurance, soit par irrégularité soit par quelque vice qui anéantisse le pacte, ou le rende comme non existant.

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Mais ne doit-il pas en être de même, toutes les fois que la défense des assureurs est fondée sur une exception indivisible, sur la validité ou invalidité d'un acte commun ou d'une action qui frappe également sur tous? Par exemple: si un assuré fait abandon pour cause de prise, d'arrêt de prince, de perte entière ou presque entière etc. et que les assureurs sé défendent sur le fondement qu'il n'y a point eu de prise, ou d'arrêt de prince, que la perte n'est pas de la qualité ou quotité exigée par la loi, pourra-t-on admettre qu'il y ait prise, arrêt de prince, perte entière ou presque entière pour les uns et non pour les autres ? Et ne devra-t-on pas, dans comme dans celui qui porte sur la validité de l'acte, admettre l'appel sans distinction des assureurs au-dessus ou non au-dessus de 1000 f. ?

ce cas,

J'en dis autant de tout autre cas semblable où les exceptions des assureurs sont indivisibles.

Voici deux arrêts qui me semblent juger la question d'une manière générale dans le sens de l'appellabilité.

4.me Arrét. Les sieurs Aubert s'étaient fait assurer 33,000 f. sur le brigantin l'Union. Ce navire ayant éprouvé de mauvais tems, et les marchandises ayant été avariées, les sieurs Aubert se pourvurent en règlement, contre leurs assureurs. Ce règlement eut lieu le 29 frimaire an 2.

L'affaire demeura suspendue par suite des événemens révolutionnaires; depuis les sieurs Aubert ayant voulu exécuter le jugement portant règlement, les assureurs en appelèrent. Les sieurs Aubert opposèrent la fin de non recevoir contre les assureurs pour 1000 f. et au-dessous.

Sur cette exception, la Cour d'appel » considère que le » jugement du 29 frimaire an 2, décide qu'il y a lieu au » règlement d'avarie demandé par les assurés, et qu'en » conséquence le Tribunal de commerce procède dans ledit » jugement audit règlement et repartit le montant des ava>>ries entre les assureurs.

» Que cette décision frappant sur tous les assureurs, » il n'est pas possible de la diviser de manière qu'elle soit » souveraine vis-à-vis de ceux qui ne devaient supporter » qu'une perte au-dessous de 1000 f. 9 et que ceux qui >> devraient une valeur excédente, pussent en appeler ; que » la disposition portant qu'il y a lieu au règlement d'a>> varie, est une ; qu'elle lie tous les assureurs ; qu'elle ne peut conséquemment être souveraine à l'égard des uns et appellable à l'égard des autres. »

En conséquence, par arrêt du 31 janvier 1806, la Cour reçoit les assureurs dans leur appel, et néanmoins, par des motifs tirés du fond, confirme le jugement du Tribunal de commerce de Marseille.

5.me Arrêt. Le sieur Bensa était assuré sur corps du navire américain le Général Amilton.

Le navire ayant relâché a Pool en Angleterre, et y'ayant été confisqué, le sieur Bensa en fit abandon à ses assureurs. Ceux-ci opposèrent à l'assuré,

Le défaut de déclaration des assurances par lui faites,
Le défaut de certificat de visite avant le départ,

Le défaut d'aliment, attendu que la valeur du navire était, suivant eux, couverte par des assurances précédentes; Enfin, ils prétendirent qu'il y avait baratterie.

Par jugement du 10 juillet 1806, le Tribunal de commerce de Marseille, rejeta la demande de l'assuré sur le motif des fautes qu'il trouva avoir été commises par le capitaine.

L'assuré appela.

Les assureurs pour 1000 f. et au-dessous, lui opposèrent la fin de non recevoir.

Sur cette exception, la Cour d'appel considéra » qu'elle » eut été bien fondée si les assureurs se fussent défendus » chacun par des moyens particuliers, de manière qu'il » fut vrai qu'on n'a prononcé vis-à-vis de chacun d'eux » que sur une question dont l'intérêt ne va pas au-delà » de 1000 f.; mais qu'il n'en est pas de même, les assu»reurs s'étant tous réunis dans leur défense pour demander » la nullité de l'acte d'abandon et faire prononcer la nullité » de l'assurance, que dès-lors ils ont mis eux-mêmes, le » premier Tribuna!, dans le cas de statuer sur une question » dont l'intérêt se composait de la totalité des assurances, » puisqu'il s'agissait du mérite des titres qu'ils ont souscrit » à cet effet. »>

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D'aprés ces motifs, par arrêt du 21 juillet 1807, la Cour déclare l'appel du sieur Bensa recevable même envers les assureurs dont l'intérêt n'excède pas 1000 f. et fesant droit à ses moyens fonciers (inutiles à rappeler ici), il réforme le jugement de première instance, et fait droit à la demande de l'assuré.

P. S. J'apprens en ce moment que les assureurs pour 1000 f. et au-dessous, se sont pourvus en cassation contre ce dernier arrêt; la décision de la Cour suprême pourra fixer la jurisprudence.

Fin du Traité et des notes sur le Traité du Contrat d'Assurance, de Pothier.

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