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La lettre même de la loi semble exiger cette date des diverses souscriptions des assureurs.

Il faut ici rapprocher les art. 79, 332, 333 du Code, et les adapter à la forme particulière des contrats ou polices d'assurance.

D'après l'art. 79, les courtiers rédigent et attestent les contrats ou polices d'assurance.

D'après ce que nous avons déjà dit, les assureurs souserivent les polices et expriment les sommes pour lesquelles ils se rendent assureurs.

La loi distingue donc l'attestation et la rédaction qui sont l'ouvrage du notaire ou du courtier, de la souscription qui est celui de l'assureur.

Mais d'après l'art. 332, » le contrat est daté du jour » auquel il est souscrit ; il y est énoncé si c'est avant ou après midi. »

Cependant la même police peut contenir plusieurs contrats (art. 333); et dans le vrai, chaque signature ou souscription d'assureur forme un contrat particulier avec l'assuré.

C'est donc ce contrat, cette souscription de l'assureur qui doit être datée.

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Il me paraît conséquent de dire que c'est l'assureur luimême qui doit exprimer la date en même tems qu'il souscrit et appose sa signature.

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Néanmoins la loi ne s'en étant pas expliquée, je trouverais tout aussi régulier que les courtiers ou les notaires attestassent, eux-mêmes à chaque jour, à chaque partie du jour, les souscriptions qu'ils auraient reçues, et en énonçassent la date.

Mais que ce soit par les assureurs ou par les notaires et les courtiers, chaque souscription, c'est-à-dire, chaque contrat doit être rapporté à sa date.

Néanmoins, comme je l'ai, observé, on ne voit jamais qu'une même date dans les polices, et cette date qui embrassait autrefois le jour entier " ne se rapporte maintenant qu'à la moitié du jour, puisqu'en conformité de l'art. 332, on date d'un tel jour avant ou après midi ; c'est dans ce court intervalle d'une demi-journée, qu'on suppose avoir reçu, souvent avec différence dans les stipulations, de nombreuses signatures qu'on n'a souvent recueillies qu'après plusieurs jours ou plusieurs semaines de tems.

Tous connaissent l'abus, tous voudraient le voir corriger, mais l'usage entraîne, on ne croit pas avoir à se reprocher en faisant ce que tout le monde fait; on craint de se nuire, de se compromettre, de s'égarer en voulant ouvrir une nouvelle voie ; personne ne veut commencer, et l'abus condamné de tous ne subsiste pas moins.

Il serait donc important qu'une loi ou un règlement déterminât, par des dispositions expresses, ce qui se pratique dans l'usage, que la police s'ouvre sur la demande de l'assuré, qu'à la suite de l'acte que rédige le notaire ou le courtier de la proposition de l'assuré, chaque assu-. reur peut successivement, pendant tout le jour et pendant plusieurs jours, venir souscrire pour telle somme qu'il jugera convenable; qu'il marquera, en souscrivant, le jour et la partie du jour; ou soit que, chaque jour avant et après midi, le notaire ou le courtier attestera le nombre des souscripteurs et le montant de la somme pour laquelle ils auront souscrit, datera et signera, et qu'enfin il clôturera définitivement la police quand il n'aura plus de souscriptions à recevoir , et exprimera la date de cette clôture sans la rapporter à celles qui auront été mises auparavant.

Cette forme étant, d'après ce que j'ai dit, exigée par la raison et la nécessité, n'étant point contredite, étant

même en quelque sorte indiquée par la loi, un simple avis du Conseil d'état pourrait y amener les parties intéressées, ainsi que les officiers publics qui reçoivent les polices.

Je viens de relever, après Emerigon et avec tout le monde, les deux principaux et plus graves abus qui existent dans la manière usitée de stipuler les polices d'assurance. J'ai indiqué les mesures qui me paraîtraient propres à corriger ces abus.

Il me reste à faire observer quelques abus ou irrégularités moindres.

III. J'ai dit que, dans l'origine, la prime était payée d'avance aux assureurs; au moyen de quoi l'engagement que prenaient ceux-ci était unilatéral; dès-lors il était fort indifférent que l'assuré signât ou non la police d'assurance puisqu'il n'y prenait aucun engagement. Il n'en est pas de même aujourd'hui que le paiement de la prime est toujours, ou presque toujours, renvoyé après le voyage fini (Voy. n.o 81, not. ); l'assurance est dès - lors un contrat synallagmatique auquel la signature des deux parties serait nécessaire.

Néanmoins il est toujours d'usage que le notaire ou le courtier se borne à faire signer les assureurs et que la police soit clôse, sans que l'assuré intervienne nulle part pour apposer sa signature. Cela a lieu même pour les polices privées ou billets d'assurance faits sans l'intervention du notaire ni du courtier. Les assureurs signent seuls ces polices entre les mains de l'assuré duquel ils ne reçoivent aucun titre.

Suivant ce que dit Valin, dans son commentaire sur l'Ordonnance de 168, ass. art. 68, 69, toutes les polices se fesaient de son tems dans cette dernière forme, à la Rochelle.» Les assureurs ont, dit-il, assez de confiance

» dans la probité et dans la bonne foi de l'assuré, pour » lui confier la garde de la police qui se fait toujours sous signatute privée ; mais c'est peut-être un abus qu'il >> conviendrait de corriger. »

J'ignore si l'usage est toujours le même à la Rochelle; il s'est conservé à Marseille pour les polices privées ou billets d'assurance; de telles polices ne sont d'aucune valeur, si on y applique l'article 1325 du Code Napoléon, d'après lequel les actes sous seing privé qui contiennent des conventions synallagmatiques, ne sont pas valables s'ils n'ont été faits en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct, et s'il n'en est fait mention dans chaque original. Les lois générales devant être suivies toutes les fois qu'il n'y a pas de lois d'exception contraire, il semble qu'on devrait, pour le contrat d'assurance, comme pour toute autre convention, suivre ce qui est ordonné par cet article.

Cependant je doute que les Tribunaux usassent de cette rigueur; on m'a même assuré que le cas s'était présenté, et que la police, quoique 'faite sous seing privé et en un seul original entre les mains de l'assuré, avait été jugée valable.

On peut dire, à l'appui de ce système,

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1. La disposition de l'art. 1325 n'est point une conséquence nécessaire des principes du contrat synallagmatique, ce contrat ne peut exister sans engagement respectif des deux parties, mais il ne s'ensuit pas que les deux parties doivent être engagées de la même manière; ainsi, sans altérer l'essence du contrat úne des parties peut s'engager par écrit, tandis qu'elle se contente de l'engagement verbal de l'autre ; c'est d'après ces principes qu'on jugeait au Parle ment de Provence, qu'une convention, quoique noa

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faite à double, était obligatoire, lorsque l'intention d'une des parties avait été de se passer elle-même de convention; cela rentre dans les motifs donnés ci-dessus par Valin, pour légitimer la police privée faite à un seul original, entre les mains de l'assuré.

2. Les transactions commerciales ont toujours été régies par des lois écrites > et par des usages qu'on a considérés comme lois; quelque soin que les rédacteurs du Code de commerce aient apporté à rendre ce Code parfait, il est impossible qu'ils aient pourvu à tout, qu'ils aient tout prévu. S'il y a des usages en matière commerciale, et surtout en des matières d'exception, qui fissent loi avant le Code, et que le Code n'ait pas abrogés ne doit-on on pas présumer que l'intention du législaseur a été de les laisser subsister? Une interprétation contraire n'entraînerait-elle. pas de graves inconvéniens ?

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D'ailleurs, le Code Napoléon dit, art. 1107, » que les » règles particulières aux transactions commerciales, sont » établies par les lois relatives au commerce. » Il n'a donc pas aboli les règles ou usages alors existans en cette matière; ils n'ont pû l'être que par quelque disposition du Code de commerce.

Mais le Code de commerce n'a point aboli l'usage dont nous parlons, il ne l'a point frappé de nullité, il ne faut donc pas considérer comme nuls les actes pour lesquels on s'y est conformé.

3.° L'article 1325 du Code Napoléon ne veut pas que la nullité puisse être opposée par celui qui a exécuté de sa. part la convention portée dans l'acte.

Mais n'y a-t-il pas exécution dans un contrat aléatoire, lorsqu'on laisse courir le risque sans rien dire? Si l'art. 1325 du Code Napoléon pouvait être considéré comme appli

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