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cable, ne faudrait-il pas borner l'application au cas où la nullité serait demandée rebus integris, et avant que la chance qui doit fixer le sort du contrat soit déterminée ? Il a dépendu de l'assureur de ne pas se rapporter à la bonne foi de l'assuré, il a pu exiger un titre de lui. S'il ne l'a pas fait, ce n'est point après l'événement, qu'il doit revenir contre l'engagement conditionnel qu'il a souscrit.

Cette interprétation qui pourrait ne pas être admise dans les matières civiles auxquelles le Code Napoléon se rapporte expressément, paraît très-raisonnable dans une matière d'exception; les considérations sur lesquelles elle est appuyée, sont surtout bien propres à renforcer les motifs donnés ci-dessus, que le Code Napoléon ni le Code de commerce, n'ont sur ce point apporté aucun changement aux usages existans auparavant.

Néanmoins on doit dire avec Valin, que l'usage est vicieux, puisqu'il donne un titre à l'assuré contre l'assureur, et n'en donne point à l'assureur contre l'assuré.

Quoique la règle établie par l'art. 1325 du Code Napoléon, ne soit pas une conséquence nécessaire des principes du contrat synallagmatique, c'en est néanmoins une trèsjuste et très-raisonnable qui tend à conserver l'égalité dans les conventions, et à prévenir l'abus qu'une des parties pourrait faire de la confiance ou de la bonne foi de l'autre.

L'usage est vicieux même quant aux polices rédigées par l'officier public, bien que la transcription sur le registre de cet officier public (voy. plus bas V. ), donne à l'assureur un titre contre l'assuré; en effet, il est dans les bonnes règles, que dans les actes publics, comme dans les actes privés, tous ceux qui y prènent quelque engagement, y apposent leur signature. Cette formalité est la sauve-garde de celui qui s'oblige, comme celle de l'officier

public et de celui en faveur de qui est l'obligation; il n'y a pas plus de raison de la négliger dans le contrat ou police d'assurance, que dans tout autre acte.

On cite peu d'exemples où le défaut de signature de l'assuré, ait causé du préjudice ; il y en a pourtant (Voy. Em., ass. ch., 2, sect. 4). Il suffit d'ailleurs qu'il puisse y en avoir et que la forme usitée s'écarte des règles, pour qu'il soit utile de la corriger.

En conséquence, quelle que soit l'opinion qu'on doive avoir des polices privées faites dans la forme usitée jusqu'à ce jour, je croirais utile et régulier que de nouvelles dispositions appliquassent pour l'avenir la peine de nullité à ces polices, si elles n'étaient faites et déclarées faites à double, ou si elles ne portaient quittance de la prime payée soit comptant soit en la valeur d'un billet ou obligation que l'assuré souscrirait en faveur de l'assureur, pour le montant de la prime.

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Il serait même de la prudence des assureurs et des assurés, de contracrer dès à présent en cette forme et d'aller ainsi au devant des doutes que la législation actuelle et les motifs ci-dessus donnés laissent sur la validité ou invalidité des polices privées contenant des engagemens synallagmatiques, et non faites à double.

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Quant aux polices rédigées par officier public, je désirerais que l'assuré fut tenu de signer la partie de la police qui contient sa proposition; cette signature serait la garantie de l'officier public qui propose le risque à assurer et des assureurs qui s'en chargent; néanmoins, comme je l'ai dit, quelque fois l'assureur en signant, modifie les conditions qui sont proposées par l'assuré, et cette modification a son effet parce que dans cette espèce d'acte le

notaire ou le courtier stipulent pour l'assuré, et acceptent pour lui les stipulations de l'assureur.

Pour donner aux engagemens qui résultent de cette acceptation, toute leur fixité, pour prévenir toute altération, il me paraitrait convenable d'exiger de l'assuré, qu'il signất, avec le notaire ou le courtier, la clôture de la police, soit sur la police elle-même, soit encore mieux sur le registre dans lequel le notaire ou le courtier la transcrit. ( Voy. plus bas V.).

S'il en était ainsi, les engagemens des parties, les accords synallagmatiques qui naissent entre elles de la police d'assurance, seraient constatés et consolidés par leurs signatures respectives, la police aurait la même perfection que la loi exige dans tout autre acte, et ni les contractans ni l'officier public n'auraient à souffrir des abus et des inconvéniens que peut occasionner et qu'a occasionnés quelquefois le défaut de signature de l'assuré.

IV. Il est d'usage à Marseille, et dans d'autres villes de commerce maritime, de stipuler que les sommes dues par l'assureur, en vertu de la police d'assurance, seront payables au porteur; au moyen de quoi, l'assuré transmet ses droits à qui il veut, par la simple délivrance de la police, et l'assureur se libère entre les mains de celui qui la lui présente, sans que rien puisse s'élever contre sa valable libération.

Il est probable que cette stipulation, payable au porteur, tient à l'origine du contrat d'assurance; ceux qui les premiers l'ont stipulé, gênés dans leurs opérations et cherchant à mettre leur bien à couvert, voulaient n'éprouver aucune entrave pour exiger le montant des objets qu'ils avaient fait assurer. La voie la plus simple était d'auto

riser ou d'obliger l'assureur, à payer à la première personne qui se présenterait et qui serait porteur de la police.

Ce mode a paru avantageux et commode aux négocians et ils ont continué d'en faire usage; aucune loi ne l'a formellement autorisé, mais aucune ne l'a proscrit; ni l'Ordonnance de 1681 ni le Code de commerce n'en disent rien, il faut donc regarder cette stipulation comme toujours légitime.

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En conséquence l'assureur qui doit une perte ou une avarie, la paye au porteur de la police quel qu'il soit; celui-ci éteint la dette et annulle le titre 2 envers celui qui a payé, en bâtonnant sa signature; ordinairement il ajoute à côté le mot payé, et il donne à l'assureur une quittance de la somme reçue. Mais ce sont là de simples précautions pour prévenir les difficultés et les abus. La radiation de la signature suffit pour opérer et constater la valable libération. » La cancellation du titre qui s'opère par la ra» diation de la signature, suffit, dit Emerigon, tom. 2, » pag. 253, pour acquérir aux assureurs une entière dé» charge, à moins qu'il n'apparaisse d'ailleurs que la >> somme due n'a pas été acquittée. »

C'est aussi ce qui a été jugé par le Tribunal de commerce de Marseille, le 8 novembre 1808, entre le sieur Mersane de Marseille et le sieur Sorbé de Bordeaux ( Voy. Jurisprudence commerciale an 1809, pag. 26 et suiv. )

Ce mode de libération est appuyé sur les lois générales; il est établi par le digeste, loi 24 de probationibus, il a été confirmé par le Code Napoléon, art. 1332. A la vérité ces lois, et notamment le Code, se rapportent aux actes sous seing privé, et la jurisprudence en matière d'assurance applique la règle non seulement aux polices privées, mais encore aux polices publiques, c'est-à-dire, à celles

qui sont rédigées par le notaire ou le courtier et transcrites dans leur registre. Mais ces dernières polices même, étant ( com.ne je l'ai observé pag. 308, 309, 310) délivrées en original à l'assuré, sont entre ses mains comme un acte sous seing privé, et dès-lors la jurisprudence est en tout d'accord avec les lois générales, autant qu'appropriée aux besoins du commerce et à la nature du titre.

Je n'en parle ici, que parce que le mode de libération qu'elle autorise, contribue à faire ressortir les conséquences de la stipulation payable au porteur.

Cette stipulation me paraît dangereuse et susceptible de graves abus. L'usage du commerce l'a bannie, à-peu-près, de tous les actes, et je pense qu'elle devrait l'être des polices d'assurance.

La facilité du transport, jointe à celle de la libération, peut être et a été souvent une occasion de fraude, une source de difficultés et de discussions, surtout dans les cas de faillite.

Une police peut s'égarer, elle peut, par l'effet de diverses circonstances, être confiée à telle personne capable d'en abuser. Le montant en sera exigé par le porteur, sans qu'il y ait de recours pour le propriétaire.

Un failli voudra tromper ses créanciers, ou favoriser l'un d'eux ; il livrera à ce créancier ou à un tiers, une police à exiger, et le transport étant verbal, sans signature et sans date, il sera impossible de découvrir la fraude; un créancier aura en main une police qui lui aura été confiée dans tout autre objet que celui d'éteindre la dette, et il la retiendra pour se l'approprier.

Ces motifs, et d'autres pareils, me feraient considérer comme nécessaire la suppression de la clause payable au porteur.

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