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jour que d'autres écrites deux jours auparavant ; je répondis qu'on ne pouvait pas supposer une antidate sur une aussi légère circonstance, mais que je croyais l'assurance susceptible d'être annullée pour n'avoir pas été donné de contre-ordre, si du jour que la perte avait été publique à Marseille, on avait eu un tems suffisant pour donner ce contre-ordre; mais on n'eut aucune preuve que la perte fût connue à Marseille, le jour où on supposait que la lettre d'ordre était partie avec antidate, ni à un jour assez voisin pour qu'on pût donner un contre-ordre qui arrivât avant que l'assurance fut faite, en conséquence les assureurs furent condamnés au paiement de la perte.

§. I I.

Quelles sont les choses qu'on peut faire assurer.

26. Toutes sortes de choses qui sont sujettes à des risques, sont susceptibles du contrat d'assurance. On peut assurer des maisons contre le danger du feu; des fruits pendans, contre le danger de la grêle, etc.

Dans le contrat d'assurance maritime, on peut assurer le vaisseau, aussi bien que les marchandises qui y sont chargées.

27. L'ordonnance de la marine, tit. des assurances, art. 10, défend de faire aucune assurance sur la vie des personnes (a).

Par exemple, si des assureurs, pour une certaine somme que je leur donnerais, convenaient avec moi que, si mon fils que j'envoie à la Martini

que périssait dans le voyage par quelque fortune de mer, comme dans un combat ou par un naufrage, ils me paieraient une somme de cent pistoles, pour me dédommager de la perte que j'aurais faite de mon fils, un tel contrat est nul. Suivant cette disposition de l'ordonnance, les assureurs ne peuvent exiger de moi la prime convenue entre nous, er ils doivent me la rendre condictione sine causa s'ils l'ont reçue; et de mon côté je ne peux exiger d'eux la somme stipulée dans le cas de la perte de mon fils.

La raison est qu'il est contre la bienséance et l'honnêteté publique de mettre à prix la vie des hommes. D'ailleurs la nature du contrat d'assurance étant que l'assureur se charge de payer l'estimation de la chose assurée, la vie d'un homme libre n'étant susceptible d'aucune estimation, Liberum corpus æstimationem non recipit, L. 3, ff. Si quadr. elle ne peut par conséquent être susceptible du contrat d'assurance.

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(a) Le Cod. de com. n'a point réitéré la défense portée en l'art. 10 il s'est borné à désigner comme objets d'assurance les choses estimables à prix d'argent, la vie de l'homme libre ne l'étant pas, elle est par là même, ainsi que le dit l'orateur du conseil d'état, déclarée ne pouvoir être un objet d'assurance.

28. Ces raisons n'ont point d'application aux esclaves; les nègres étant des choses qui sont dans

le commerce, et qui sont susceptibles d'estimation, je ne vois pas pourquoi la vie des nègres ne serait pas susceptible du contrat d'assurance: néanmoins M.*** ne pense pas qu'elle le soit, et dit n'en avoir pas vu d'exemple.

et

Celui qui a donné cet avis à Pothier était mal instruit ; Pothier lui-même suppose le contraire, n.° 66; les nègres esclaves traités comme un misérable bétail par ceux qui en trafiquent, sont considérés comme marchandise, par cela même peuvent être l'objet du contrat d'assurance; le Cod. de com. art. 334 les suppose tels, ainsi que l'a déclaré l'orateur du gouvernement, en disant que toute chose estimable à prix d'argent peut être l'objet de l'assurance; les nègres sont même compris dans l'assurance faite en terines généraux, sur facultés ou marchandises du navire qui les porte; ainsi jugé par sentence de l'amirauté de Marseille, confirmée par arrêt du Parlement d'Aix. Voyez Em. ass., ch. 8 sect. 4,.§. 5.

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Néanmoins il y avait dans la police, une clause qui indiquait que le navire allait à la traite des nègres; il y était dit que l'assurance était faite sur les facultés et marchandises composant la cargaison du brigantin, etc., de sortie de Marseille jusqu'aux îles françaises de l'Amérique ; Permis de toucher à la côte de Guinée pour y faire la traite des nègres.

Pendant la traversée d'Afrique en Amérique, les nègres se révoltèrent et le navire fut perdu.

>> Les assureurs opposèrent inutilement " nous dit » Emerigon, 1.° que les nègres étaient des hommes. » incapables de devenir la matière d'une assurance;

2.° que du moins la police aurait dû porter d'une

» manière spéciale, qu'on fesait assurer des nègres ; 3°. que » la révolte des nègres n'était pas un sinistre à la charge >> des assureurs.

>> On répondit, 1.° que selon nos lois, les nègres » étaient réputés choses, meubles et marchandises; 2.° que » la clause de la police, permis de toucher à la côte de »Guinée, etc., désignait que la cargaison devait consister » en nègres ; 3.o que la révolte étant arrivée sur mer > » les assureurs devaient en répondre. »

Ce dernier point était susceptible de discussion, nous y. reviendrons ailleurs. Voyez n.o 66.

» Sentence de l'amirauté de Marseille, en mars 1776, » qui condamne les assureurs. Arrêt du 13 mai 1778, qui » confirme cette sentence. »>>>

29. L'ordonnance, article 11, permet aussi à ceux qui ont racheté des captifs, de faire assurer le prix qu'ils ont payé pour leur rachat, que les assureurs, pour une certaine prime qu'ils reçoivent, s'obligent de rendre à ceux qui ont racheté les captifs, dans le cas où ces captifs, dans le voyage de leur retour, seraient repris, ou périraient par quelque fortune de mer, et autrement que par la mort naturelle. La raison de cette disposition est, que c'est plutôt le prix du rachat qui est assuré en ce cas, que la personne.

30. L'ordonnance, article 9, permet aussi à ceux qui s'embarquent, de faire assurer la liberté de leurs personnes : par ce contrat., l'assureur, moyennant la prime convenue, s'oblige envers vous dans le cas où, pendant le voyage, vous seriez pris par des

corsaires ou par des ennemis, de payer la somme convenue avec vous, pour servir à votre rançon, et aux frais de votre retour.

Le Cod. de com. n'a renouvellé qu'implicitement les dis-. positions de l'art. 9 de l'ord. du C. de c. 334, 268, 269. V. hîc n.o 27, not. et n.o 171 à 177 où Pothier traite de l'obligation que contractent les assureurs en assurant la liberté d'une personne, et de l'action qui en naît, notamment dans de cas où il n'y a pas de prix convenu pour le rachat de la personne dont la liberté est assurée.

31. Il y a un principe à l'égard de ce qu'on peut faire assurer ou non par le contrat d'assuiance maritime, qui est qu'on ne peut faire assurer que ce qu'on court risque de perdre, et rien de plus. (Voyez not. sur n.o 11).

Ce principe fait une des raisons pour lesquelles l'ordonnance, tit. des assurances, art. 16, (C. de c. 347) défend à ceux qui prendront des deniers à la grosse aventure, de les faire assurer, à peine de nullité de l'assurance.

Par exemple, si un armateur a fait un emprunt d'une somme de cent mille livres pour l'employer à l'armement de son vaisseau, et qu'il ait fait cet emprunt à la grosse aventure, c'est-à-dire, à condition, que si le vaisseau périssait dans le voyage, la perte tomberait sur le prêteur, et qu'il serait quitte envers lui de l'emprunt; et que si au contraire le vaisseau arrivait à bon port, il rendrait

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