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» être restreinte à la généralité des individus de la nation » désignée, et ne peut s'étendre à ceux d'une autre à » moins que quelque clause expresse du contrat ne désigne » que les propriétaires sont d'une autre nation. >>

Le Tribunal considéra encore qu'il n'y avait dans la police, aucune clause qui indiquât dans le navire, une propriété française.

Il considéra » que le premier devoir de l'assuré est de » donner à l'assureur, une connaissance exacte de la nature » de l'objet assuré, et de ce qui peut augmenter ou changer » le risque. >>

D'après ces motifs , par jugement du 26 frimaire an 14 (16 décembre 1805) rendu à une faible majorité, le Tribunal déclara l'assurance nulle, et mit les assureurs hors d'instance sur la demande des assurés.

Ceux-ci appellèrent du jugement qui fut réformé par arrêt de la Cour d'appel du 18 mars 1806.

Mais cet arrêt paraît fondé principalement sur des circonstances particulières desquelles la Cour induisit la bonne foi des assurés, sur celle entr'autres que le navire était originairement napolitain, qu'il n'avait passé entre les mains des sieurs Rey frères et Barroil, que par un achat fait par eux en pays étranger, et dont l'acte n'était pas encore en leurs mains lorsqu'ils avaient fait assurer; sur celle enfin que le navire avait depuis la prise, été relâché par les anglais qui l'avaient jugé napolitain.

Ainsi le procès était jugé par des motifs tirés des circonstances et des faits.

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Néanmoins l'arrêt ajoute en droit, >> que les assureurs » n'ont pu se prévaloir d'aucune loi, d'aucun règlement, » ni de la jurisprudence des arrêts, pour établir que le » pour compte sur corps, dans une police d'assurance, in

»dique toujours la même nationalité que celle du navire, » et que dans le cas contraire, l'assurance est nulle. »

Ce motif n'étant pas bien clair, et ne venant qu'à la suite des motifs en fait qui éludent la question en droit, on peut la regarder comme encore indécise.

Néanmoins je pencherais pour l'opinion qui donne à la clause pour compte des intéressés, usitée à Marseille quant au navire, le même sens qu'à celle pour compte de qui il appar-` tiendra, usitée quant aux marchandises. Pourquoi cette différente manière de voir dans une même matière, pour deux clauses qui foncièrement sont les mêmes; il faut en tout simplifier les règles, et bien que, d'après les lois ou l'usage à peu près général, un navire français, napolitain, etc., ne puisse avoir qu'un capitaine, un pavillon, un propriétaire également français, napolitain, etc., néanmoins on sait que la simulation est usitée en tems de guerre pour le capitaine et le pavillon, etc. On doit donc, lorsqu'il y a un pour compte général, admettre la supposition qu'il peut y avoir simulation et que le navire peut appartenir à un national comme à un neutre ; il en serait autrement si la police s'exprimait en des termes qui fussent exclusifs de la simulation, et annonçassent que le navire est réellement de la nation dont il porte le pavillon; l'assurance alors, quoique pour compte des intéressés, serait nulle, si le propriétaire n'était pas de la même nation.

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L'énonciation du pour compte est donc d'une grande influence sur la validité du contrat soit par rapport à la réalité de l'aliment, soit par rapport à la nature du risque. Quel doit être son effet relativement aux obligations et aux droits de l'assureur et de l'assuré, commettans ou commissionnaires ?

J'ai remarqué, n.o 98 et not., que suivant l'ancienne

jurisprudence, l'assureur et l'assuré étaient personnellement et seuls obligés l'un envers l'autre, par le contrat d'assurance, bien qu'ils eussent stipulé pour compte d'autrui.

Ils ont également, suivant cette ancienne jurisprudence, seuls droit et action directe l'un envers l'autre. Voy. n.o 98, not. Em. ass. ch. 5, sect. I, 3, 4.

Je me suis demandé si cette ancienne jurisprudence devait subsister en l'état du Code de commerce.

Ce Code n'a pas sur cet objet d'autre disposition que celle-ci. Art. 92. » Les devoirs et les droits du com» missionnaire qui agit au nom d'un commettant, » déterminés par le Code Napoléon, liv. 3, tit. 13. »

sont

Le Code Napoléon, suivant les principes généralement reçus, décharge le mandataire, de toute obligation, toutes les fois qu'il n'a pas excédé les bornes de son mandat.

Le Code de commerce s'étant rapporté sans aucune exception au Code Napoléon, et la loi du 15 septembre 1807, qui ordonne l'exécution du Code de commerce, ayant aboli toute autre loi relative aux matières commerciales, il me paraît qu'on ne peut suivre d'autres règles que celles prescrites par le Code Napoléon.

Mais d'après ce Code même, et d'après la raison et les lois de tous les tems, le mandataire n'engage son mandant et ne s'affranchit lui-même de tout engagement, qu'autant qu'il agit dans cette intention, et qu'il s'énonce comme contractant en nom qualifié.

Or, tel n'est pas l'usage des commissionnaires en matière de commerce, ils reçoivent des ordres qu'ils remplissent en leur propre nom; ce qui fait une double stipulation, l'une entr'eux et le commettant dont ils ont accepté les ordres, l'autre entr'eux et celui avec qui ils contractent dans l'intention de remplir ces ordres, mais contractant

en leur nom avec ces derniers, ceux-ci demeurent étrangers

au commettant.

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Les commissionnaires traitent-ils, entendent-ils traiter en matière d'assurance, différemment de ce qu'ils font en autre matière ?

La police porte ordinairement, comme je l'ai déjà obser-vé, un tel se fait assurer, pour son compte propre, pour compte des intéressés, pour compte de qui il appartiendra, pour compte de telle personne dénommée, etc.

soit

Ces énonciations du pour compte varient à l'infini dans la même place, soit d'une place à l'autre, et souvent la même expression du pour compte, a dans une place, une signification qu'elle n'a pas dans l'autre ; ces clauses particulières, et en quelque sorte techniques, doivent être prises en chaque pays, dans le sens qu'on leur donne communément.

A Marseille, l'énonciation du pour compte a toujours été considérée non comme une déclaration què l'assuré entendait traiter en nom qualifié et engager la personne dénommée, mais comme une déclaration tendante à faire concorder la police d'assurance avec le connaissement, avec l'acte de propriété du navire, ou avec tous autres actes de propriété, et à désigner si la chose assurée est nationale, neutre, ennemie; celui qui stipule dans la police, 'déclare en son nom propre qu'il se fait assurer; le pour compte qu'il y ajoute peut donner au commettant un titre contre le commissionnaire, mais n'établit, dans le sens pratique de cette clause, aucun rapport direct entre ce commettant et l'assureur.

Le mot se fait assurer pour compte de...., dit Emerigon » ch.5, sect. 4 in fine, est un terme technique qui signi» fie parmi nous, que le dénommé en la police se rend le » contrat personnel. »

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Je considère ce sens du mot pour compte, comme étant le fondement de l'ancienne jurisprudence; mais le Code n'a pas détruit le sens des mots, déterminé par l'usage; la règle rappelée subsiste donc toujours, tant qu'on ne se sert pas d'autres termes que ceux usités.

Il n'en serait pas de même, si celui qui intervient dans l'assurance, déclarait le faire en qualité de procureur fondé de telle personne dénommée, et en annonçant par les termes de l'acte, l'intention de n'obliger que son commettant.

Avant même le Code de commerce, lorsque des particuliers. signaient des assurances par procuration de telle personne dénommée, ces signataires étaient regardés comme obligés, pourvu qu'ils représentassent leur procuration.

non

Il est vrai qu'on a voulu distinguer celui qui s'engage pour un étranger de celui qui a son mandant sur le lieu. Ainsi Emerigon, ass. ch. 5, cite deux préjugés contre des signataires qui avaient agi en nom qualifié pour des assureurs étrangers, et qui furent condamnés en leur propre nom; mais les noms qualifiés sous lesquels ils avaient agi, présentaient quelque chose d'équivoque.

Quoiqu'il en soit, en l'état actuel de la législation, je pense qu'un commissionnaire qui stipulerait d'une manière expresse en cette qualité, en entendant n'engager que son commettant, n'engagerait effectivement que celui-ci, soit comme assureur soit comme assuré.

Mais cette règle n'est point applicable, lorsqu'on ne trouve dans la police que l'énonciation d'un pour compte qui a tout autre objet, que d'obliger le commettant et de désobliger le contractant direct.

Au surplus, ces clauses, d'un style particulier, n'ont pas partout le même sens; elles doivent, dans chaque place, être entendues suivant la jurisprudence et les usages reçus.

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