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Hors de là, il faut suivre les règles prescrites par les lois générales et le droit commun.

Le nom du navire. Voyez la note sur n.° 105. J'y al rappelé une décision qui applique au navire le Lion heureux une assurance faite sur le navire l'Heureux. J'ai été d'avis qu'une telle différence dans le nom du navire, devait faire déclarer l'assurance nulle.

Depuis, le Tribunal de commerce de Marseille a rendu le jugement qui suit.

Le sieur Mazzitelli avait fait faire des assurances de sortie de Tropea jusqu'à Livourne, sur facultés, consistant en cinquante salmées huile, chargées à Gioia, sur la Paranselle nommée le St. Antoine. Après la police clôse, il prétendit s'être trompé sur la dénomination du navire, et proposa une rectification par un renvoi qui fut approuvé des assureurs, et qui portait: et la Vierge des douleurs ; de manière que l'assurance se trouva être sur la Paranselle nommée le St. Antoine et la Vierge des douleurs.

Un navire fut pris nommé la Vierge des douleurs, sur lequel le sieur Mazzitelli avait des huiles chargées à Gioya. Le sieur Mazzitelli alléguant que c'était là le navire sur lequel il avait entendu faire assurer fit abandon à ses assu

reurs.

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Ceux-ci opposèrent le défaut d'identité, résultant de la différence de nom; ils s'étayèrent de l'art. 348 du Code de commerce; ils firent observer que le sieur Mazzitelli avait des huiles également chargées à Gioya, sur un navire nommé le St. Antoine qui était arrivé à bon port.

Le S. Mazzitelli se défendit sur une double erreur du courtier qui d'abord confondant les deux navires, avait mis sous le nom du St. Antoine, les assurances qui devaient l'être sous celui de la Vierge des douleurs, qui ensuite, averti de rectifier

l'erreur, avait mis par renvoi le véritable nom la Vierge des douleurs, et avait omis d'effacer celui de St. Antoine qui avait continué d'exister par erreur dans le corps de la police.

Il ajouta que les deux objets ne pouvaient être confondus et étaient différenciés, quant au capitaine, au lieu du départ et à la quantité des huiles chargées ; ces raisons n'étaient pas sans réponse. Le Tribunal, entraîné surtout par le préjugé cité par Emerigon (Voy. n.o 10s), rendit le 7 mai 1809, un jugement qui fit droit à la demande de l'assuré.

Les assureurs furent tentés d'appeler, mais, la somme assurée étant de peu d'importance, ils renoncèrent à l'appel, moyennant une légère bonification.

Malgré ce nouveau préjugé, je persiste dans l'opinion que j'ai émise n.o 105, not. Il a toujours été du devoir de l'assuré, d'énoncer d'une manière bien distincte l'objet de l'assurance. L'article 348 du Code rend ce devoir encore plus étroit. Un des caractères, ou plutôt le caractère le plus distinctif de l'objet assuré, est la dénomination du navire qui est assuré, ou sur lequel on a chargé la chose assurée; cette dénomination n'est jamais omise dans le contrat, à moins qu'on n'en fasse une condition expresse, conformément à l'art. 337 du Code (4 de l'Ord. de 1681). La différence ou le changement de navire, toutes les autres choses demeurant les mêmes, annulle le contrat, et il n'est personne qui osât soutenir qu'une assurance faite sur le navire dénommé le Léopard, peut être appliquée à un navire dénommé la Fauvette, quand même toutes les autres désignations de la police seraient conformes ; quelque ressemblance dans le nom ou dans une partie du nom , peut-elle autoriser à confondre l'un avec l'autre, quand il est de principe que la différence de nom détruit l'identité ? Reconnaîtra-t-on mieux le Lion heureux dans l'Heureux, la Vierge

des douleurs dans le St. Antoine et la Vierge des douleurs, que le Léopard dans la Fauvette?

En fait de nom, une différence essentielle équivaut une différence entière; le principe dont on est parti error nomminis non attenditur quandó de re constat, est ici absolument inapplicable.

1. Ce principe dans les matières qu'il concerne, reçoit son application, de quelque espèce que soit la différence, et il est ici convenu qu'on n'en ferait pas usage si l'on trouvait des noms qui n'eussent aucune ressemblance, tel que le Léopard et la Fauvette., mais si on l'exclud quand il y a différence totale, on doit l'exclure quand il y a différence essentielle, parce que, comme je l'ait dit, en fait de nom une différence essentielle équivaut une différence totale..

2.

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• Ce principe est fait pour les choses qui, indépendamment du nom ont une consistance certaine, invariable, et sur laquelle on ne peut errer; si, par exemple, on vend un domaine dont on déclare le propriétaire, la nature, la nature, la contenance les tenans et les aboutissans, que l'acquéreur reconnaisse l'avoir vu et vérifié, une erreur de nom glissée dans l'acte serait justement considérée comme ne détruisant pas l'identité, parce que des caractères certains, indépendans de la dénomination, déterminent l'objet de la vente; mais il n'en est pas de même des navires qui, quoique différens peuveut avoir même propriétaire, même chargement, même lieu de départ et d'arrivée, er relativement auxquels les assureurs n'ont d'autre base de reconnaissance, que le nom.

3. Il n'en est pas des assurances comme des autres contrats où chacune des parties, également instruite ou à portée de s'instruire, traite après avoir vu et examiné l'objet de la stipulation. Dans le contrat d'assurance, l'assureur ne connaît rien que ce qu'il plait à l'assuré de lui

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faire connaître ; je demande, dit celui-ci, à me faire assurer sur tel navire, venant de tel endroit, chargé de telle marchandise. L'assureur se charge du risque avec les marques caractéristiques, les signes de reconnaissance qui lui sont présentés, et dont, on le repète, le principal est pour eux le nom du navire; s'il est permis à l'assuré, de varier sur ces signes, sur ce nom, on ne peut pas répondre que cette inexactitude dans la dénomination, ne devienne un moyen de fraude, qu'il ne soit fait sous ce prétexte de quelque ressemblance dans les noms, des substitutions d'une chose à l'autre, au préjudice des assureurs qui n'ayant aucune connaissance personnelle de l'objet assuré, ne peuvent se défendre de pareilles substitutions; enfin, mettant à l'écart la supposition de la fraude, il n'y a qu'une erreur grossière, une négligence grave de l'assuré qui puisse lui faire donner une dénomination pour une autre ; une pareille erreur, une pareille négligence doit demeurer à la charge de celui qui l'a commise.

Je persiste donc, je le repète, dans mon opinion, et avec d'autant plus de confiance, qu'elle me paraît être foncièrement celle d'Emerigon auteur d'un si grand poids en matière d'assurance. Voy. n.° 105, not.)

On pourrait ne pas s'arrêter à la différence de nom, dans le cas seulement où elle ne serait qu'apparente, ou le fruit de quelque erreur excusable du correspondant de l'assuré, du courtier, etc. Si, par exemple, une circonstance impréyue avait fait faire un changement de nom au navire, comme dans l'hypothèse du navire la Porte, cité n.o 105, note, si la différence des langues avait fait appeler un navire St. Joseph au lieu de Santo Giuseppe, si une mauvaise ortographe l'avait fait appeler le Destin au lieu du Destaing; mais une différence aussi réelle que celle de

i'Heureux

doit en

'Heureux au Lion heureux, du St. Antoine et la Vierge des douleurs à la Vierge des douleurs " ne peut être considérée. comme rien et l'assuré qui a fait une aussi fausse énonciation ou qui est tombé dans une telle erreur, supporter la peine par l'annulation du contrat ; of plutôt s'agissant ici d'une erreur ou différence qui est en évidence, le contrat doit être considéré comme nul pour l'assureur comme pour l'assuré. Voyez n.o 10s, not. ; n.o 199, not. La désignation du navire.

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La désignation se fait en exprimant la qualité du navire. J'ai observé n.o 106 not.,

1.° Que le contrat n'est pas nul, si on a omis cette désignation.

2.° Qu'il est nul si on a fait la désignation, et qu'elle ne soit pas exacte.

que

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3.° Que néanmoins l'inexactitude ne donne pas lieu à prononcer la nullité si elle n'est que dans les mots, et le navire assuré, quoique n'étant pas nominativement de la qualité désignée, est foncièrement d'une qualité équivalente. J'ai cité à l'appui un arrêt qui valide une assurance faite sur un bâtiment qualifié Pinque, quoique ce fût une Polacre. Le motif fut que la Polacre assurée étant d'une forte portée, équivalait un Pinque. Voy. Emerigon ch. 6

sect. 3.

Il y a des circonstances où la petitesse du navire est regardée comme diminuant le risque; ainsi, en tems de guerre, on préfére les petits bâtimens, pour les expéditions au petit cabotage.

Dans tous les cas, on ne s'arrête pas à une différence dans les mots, lorsque le bâtiment est tel que les parties paraissent l'avoir entendu; une trop grande rigueur sur ce point. serait d'autant plus dangereuse que les qualifications des

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