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au prêteur la somme avec un gros profit maritime convenu entr'eux; l'armateur en ce cas ne courant pas le risque de la perte de son vaisseau, jusqu'à concurrence de la somme de cent mille livres, qui doit tomber sur le prêteur, il ne peut faire assurer son vaisseau jusqu'à la concurrence de cette somme, par le principe qu'on ne peut faire assurer que ce qu'on court risque de perdre.

Mais si cet armateur avait employé à l'armement de son vaisseau, outre la somme de cent mille livres qu'il a empruntée à la grosse aventure, une autre somme de cinquante mille livres de ses propres deniers, il pourrai. le faire assurer jusqu'à la concurrence de cette somme de cinquante mille livres qu'il court risque de perdre.

Il y a une autre raison pour laquelle l'ordonnance défend à celui qui à emprunté une somme à la grosse aventure, de la faire assurer; c'est qu'en la faisant assurer, il serait de son intérêt que le vaisseau périt ou futris; ce qui pourrait donner lieu de sa part à des fraudes, et à des manœuvres pour le faire prendre. Par exemple si un armateur qui n'a employé à l'armement de son vaisseau qu'une somme de cent mille livres qu'il a empruntée à la grosse aventure, sans y rien mettre du sien, pouvait le faire assurer, la perte du vaisseau lui procurerait un profit de la somme de cent mille livres qu'il recevrait de l'assureur, sous

la déduction seulement de la prime, lequel profit. il aurait en pur gain, ne lui en ayant rien coûté pour l'armement de son vaisseau, puisque par la perte du vaisseau, il est quitte envers le prêteur de la somme qu'il y a employée. Ce profit que lui causerait la perte du vaisseau, étant beaucoup plus considérable que celui qu'il aurait à espérer de l'arrivée à bon port, il est évident qu'il aurait un grand intérêt à la perte du vaisseau, et que s'il était malhonnête homme, il pourrait pratiquer des fraudes et des manoeuvres, telles

que des intelligences avec des corsaires pour le faire prendre; c'est ce qui a porté l'ordonnance à défendre avec sévérité, et à peine de punition corporelle, Xcette espèce d'assurance.

32. A l'égard de celui qui a prêté une somme à la grosse aventure, il peut bien faire assurer son capital, c'est-à-dire, la somme qu'il a prêtée, parce que c'est lui qui court le risque de cette somme au cas de perte du vaisseau, ou du chargement sur lequel il a prêté cette somme; mais l'ordonnance, art. 17 ( Cod. de c. 347), lui défend de faire assurer le profit des sommes qu'il a données à la grosse aventure, c'est-à-dire, le profit qu'il a stipulé en cas d'heureuse arrivée du vaisseau. La raison de cette défense est tirée du principe que nous venons de rapporter, que l'ordonnance ne permet d'assurer que ce qu'on court risque de

perdre or ce profit maritime que le prêteur at stipulé par le contrat de prêt à la grosse aventure, est un gain qu'il manquera de faire, si le vaisseau périt, et non une perte qu'il court risque de faire.

33. De ce principe, qu'on ne peut faire assurer que ce qu'on court risque de perdre, il suit que je ne puis plus faire assurer par un second assureur 'ce que j'ai déjà fait assurer par un premier, puisque cela n'est plus à mes risques. L'ordonnance, me permet seulement en ce cas, de faire assurer la solvabilité du premier assureur; car c'est de cette solvabilité dont je cours le risque et non de mes effets qui sont assurés, s'il est solvable (a).

art 20,

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En fesant assurer par un second assureur, la solvabilité du premier, je ne désoblige pas le premier; mais le second accède à l'obligation du premier assureur, et se rend sa caution : c'est pourquoi il doit, de même qu'une caution, avoir l'exception de discussion à moins qu'il n'y ait

renoncé (b).

(a) Ces assurances de la solvabilité de l'assureur ou de l'assuré sont de simples garanties de la personne et non des assurances maritimes; elles ne sont pas usitées; si ce n'est en cas de faillite et par les masses de créanciers qui veulent prévenir la rupture du contrat. Voyez Em. Ass. ch. 8, sec. 17.

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Le Cod. de con. n'a aucune disposition qui réponde à celle ci-dessus de l'art. 20 de l'ord., mais il veut,

art. 346, que si l'assureur ou l'assuré tombent en faillite, il y ait lieu à demander la résiliation du contrat ou caution.

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(b) Valin sur l'art. 20 des assurances exige de même la discussion préalable de l'assureur direct. Pothier et Valin n'ont pas fait attention que le bénéfice de discussion n'a pas lieu pour les co-obligés ou cautions mercantiles, ainsi jugé par divers arrêts du Parlement d'Aix entr'autres un du 28 juin 1583, rapporté par Duperier, T. 2, pag. 309; un autre du 23 mars 1702, rapporté par Debézieux, page 224; un troisième rapporté par Decormis, T. 2, col. 1752. Voyez ces auteurs; Casaregis, disc. 68, O n. 14; Ein. Ass. ch. 8, sect. 15, §. 1,

et autres.

» Cependant (dit Emerigon, ib. ) comme il s'agit ici d'une assurance de solvabilité et d'un débiteur condi»tionnel, il semble que l'insolvabilité du premier assu

reur doit être constatée jusqu'à un certain point, avant » qu'on soit en droit de se pourvoir contre le second. >> Je croirais donc que, sans jeter l'assuré dans l'embarras » d'une discussion telle qu'on l'exige dans les affaires » ordinaires, il suffit que l'assureur dont la solvabilité » a été assurée, soit en demeure de payer à la première » contrainte; c'est-à-dire au premier commandement » qui lui est fait en vertu de la sentence du juge, pour » qu'on soit en droit de se pourvoir contre celui qui a » assuré la solvabilité. Le Guidon de la mer, ch. 2 ? » art. 20 > n'exige rien de plus. >>

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34. L'ordonnance, art. 20 (C. de c. 342), me permet aussi de faire assurer par un second assureur, le coût de l'assurance, c'est-à-dire, la prime que je me suis obligé de donner au premier assu

reur. Par exemple, si je me suis fait assurer cinquante mille livres, valeur d'un chargement que j'avais sur up tel vaisseau , pour une prime de cinq mille livres que je me suis obligé de donner à l'assureur, à tout événement, soit en cas de perte, soit en cas d'heureuse arrivée du vaisseau, je ne peux pas faire assurer par un second assureur les cinquante mille livres, puisqu'elles sont déjà assurées, et que je ne cours pas le risque de les perdre ; mais en cas de perte du vaisseau, l'assureur me retiendra sur les cinquante mille livres qu'il m'a assurées, la prime de cinq mille livres. Je cours donc risque de perdre ces cinq mille livres. C'est pourquoi je peux faire assurer cette somme de cinq mille livres par un second assureur, qui s'oblide me payer cette somme de cinq mille livres, en cas de perte du vaisseau.

gera

On opposera peut-être que je ne cours pas un vrai risque par rapport à cette somme de cinq mille livres, puisqu'à tout événement, soit en cas de perte du vaisseau, soit en cas d'heureuse arri vée, je dois la payer à l'assureur. La réponse est qu'en cas d'heureuse arrivée du vaisseau, je ne perdrai pas cette prime, puisque j'en serai dédommagé par le profit que je ferai de mes marchandises; mais en cas de perte du vaisseau, ellé tombe en pure perte pour moi; c'est pourquoi il est vrai que je cours le risque de cette prime

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