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( et cela est ainsi, même en l'appréciant au moment du contrat) que les assureurs n'ont couru et dû courir qu'à moitié ou environ le risque de guerre ; est-il juste qu'ils en reçoivent le prix en totalité ? Peut-on supposer que telle ait été l'intention des contractans ? Qu'ont-ils voulu en remettant à des amis le soin de régler la prime? Ce que veulent deux personnes qui, stipulant une vente, conviennent que le prix en sera réglé par experts. Que doivent faire les experts? Estimer le prix juste et convenable de la chose, tel que les parties elles-mêmes auraient dû raisonnablement le fixer, si elles ne s'étaient pas déchargées sur d'autres 、 de ce soin.

Que doivent faire des arbitres entre assureurs et assurés ? Fixer la prime telle que les assureurs et les assurés l'auraient fixée eux-mêmes, s'ils avaient pu ou voulu en convenir.

Cette fixation ne peut être faite qu'en se plaçant ou au moment du contrat ou à celui de la survenance de la guerre.

Si on se place au moment du contrat, et qu'on prène pour base ce qu'ont pu convenir entr'eux les assureurs et les assurés, il est évident que si ces assureurs et ces assurés avaient eux-mêmes réglé la prime à payer en cas de survenance de guerre, ils auraient pris en considération que le navire assuré pouvait ne courir le risque de guerre que pendant les trois quarts, la moitié, le quart de sa navigation. Ils auraient fait une différence entre ce risque et celui que doit courir un navire assuré après la connaissance de la guerre, et qui est un risque de guerre pendant l'entière navigation; ils auraient en conséquence stipulé pour ce cas éventuel, une prime moindre que celle qui est stipulée aprés la connaissance de la guerre, et pour un risque entier de guerre; il faut aussi que les amis ou arbitres fixent pour ce cas, une prime moindre. Mais comme nous supposons que

les arbitres ou amis se reportent au moment où le contrat a été stipulé, et qu'à cette époque le plus ou le moins d'avancement du voyage était une chance également incertaine pour tous; la prime ou l'augmentation de prime doit être égale pour tous ceux qui ont fait le même voyage, sans égard au plus ou moins de risque couru avant la survenance de la guerre. Cette prime uniforme pour chaque voyage ne doit être ni celle relative au risque de paix, ni celle relative à un risque entier de guerre ; mais, nous le répétons, une prime moyenne, telle que les assureurs et les assurés auraient pu la fixer au moment du contrat.

Mais les assureurs et les assurés, en remettant à des amis, le soin de régler entre eux l'augmentation de prime, ontils entendu qu'ils se reportassent au moment du contrat ?

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C'est ce que je crois totalement hors de leur intention; s'ils avaient voulu prendre ce point de vue ils n'auraient pas eu besoin de recourir à des amis et tout comme ils déterminaient la prime de paix, ils auraient, dans la police, déterminé l'augmentation de prime en cas de survenance de guerre.

Le renvoi à des amis pour régler cette augmentation, annonce donc qu'ils ont voulu qu'elle fût réglée suivant l'état des choses au moment de la survenance de la guerre. C'est aussi de cette manière que l'ont entendu les arbitres et les Tribunaux.

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Mais en prenant ce point de vue les assurés ont-ils > entendre qu'on ne compterait pour rien le plus ou le moins d'avancement du navire, qui est une chance diminutive du risque de guerre, à laquelle les assureurs auraient eu certainement égard, si l'augmentation de prime avait été réglée au moment du contrat ?

C'est ce qu'on ne peut pas admettre.

La clause stipulée suppose au contraire qu'on a voulu tirer de la classe des événemens incertains, la chance du voyage plus ou moins avancé, qu'on a voulu apprécier l'augmentation sur chaque navire, eu égard au plus ou moins d'avancement du voyage au moment de la survenance de la guerre, au plus grand ou moindre risque qui restait à courir, à partir de cette époque.

Ce mode de fixer l'augmentation de prime, ne change rien au sort des assureurs en masse, puisque ils gagnent sur un navire, ce qu'ils perdent sur l'autre, et que seulement ils trouvent repartie inégalement sur chacun, la même augmentation qu'ils auraient eue égale sur tous les navires fesant le même voyage, en l'estimant au moment du contrat.

Mais on peut ici élever une difficulté qui paraît assez grave.

L'assurance est un contrat aléatoire qui s'alimente de l'incertitude non seulement des faits non encore arrivés, mais encore des faits arrivés et non encore connus. (Voy. n.o$ 11 9 12 et suiv. )

Si les arbitres ou amis se placent au moment de la survenance de la guerre, pour apprécier l'augmentation de la prime, n'ont-ils pas à considérer l'avancement du voyage non tel qu'il est réellement, mais tel qu'il est connu ou peut-être présumé à cette époque.

Ainsi au moment de la survenance de la guerre, on savait qu'un tel navire parti de la Martinique pour Marseille, était entré dans le port de Cadix; nul doute qu'on ne dût estimer l'augmentation de prime, à raison seulement du risque couru depuis Cadix jusqu'à Marseille.

Au moment de la survenance de la guerre, on avait connaissance du départ, depuis un mois, d'un navire assuré de Marseille à la nouvelle Orléans. On avait avis du départ

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effectué depuis trois semaines, d'un navire assuré de Lisbonne à Constantinople. On a pu, d'après cette connaissance, avoir égard, dans l'estimation de la prime, à l'avancement présumé du voyage au moment de la survenance de la guerre.

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Mais un navire était assuré de Philadelphie à Bordeaux. Il était déjà près du port d'arrivée au moment de la survenance de la guerre, cependant on n'avait pas même alors des nouvelles de son départ, et c'est seulement à son arrivée, qu'on a su les parages où il se trouvait au moment de la survenance de la guerre; les arbitres, en se plaçant à ce moment où le sort du navire était inconnu ignorait même son départ, n'ont-ils pas dû estimer l'augmentation de prime tout comme s'il avait couru le risque entier de guerre ? L'assuré qui, au moment de la survenance de la guerre, aurait proposé un pareil risque, n'aurait-il pas payé une prime analogue au risque entier de guerre ? Les arbitres ne doivent-ils pas estimer cette prime telle que l'intéressé l'aurait payée, s'il s'était fait assurer au moment de la survenance de la guerre ?

On peut répondre à cela que les assureurs et les assurés n'ont fixé aux amis ou arbitres, aucun point duquel ils dussent faire leur estimation; que n'ayant pas voulu serégler, dans l'incertitude de l'événement, au moment de la police, il n'y a pas plus de raison de croire qu'ils ont voulu être réglés sur des bases incertaines, au moment de la survenance de la guerre ; qu'on doit plutôt présumer qu'ils ont voulu tirer, comme il a été dit, entièrement de la classe des événemens incertains, le plus ou le moins d'avancement voyage, au moment de la survenance de la guerre ; qu'aucune base n'ayant été donnée aux arbitres, ils doivent prendre celle qui est la plus équitable et la plus sûre, et

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qu'on peut regarder comme telle, celle qui tient à la position connue du navire au moment de la survenance de la guerre, et au risque de guerre réel qu'il a cour", et non à des données incertaines ; qu'enfin, l'estimation du risque et de l'augmentation de la prime, en prenant pour base les faits connus au moment de la survenance de la guerre, donnerait lieu à des difficultés infinies, pour apprécier la nature des nouvelles, leur date, la qualité des preuves sur lesquelles on les établirait, la bonne ou mauvaise foi de ceux qui les allégueraient.

Aussi les arbitres et les Tribunaux ont pris pour base de règlement, l'avancement réel du voyage, et le risque de guerre que le navire avait couru en partant du lieu où il était au moment de la survenance de la guerre, jusqu'à celui de l'arrivée.

Ils ont appliqué à ce voyage partiel fait en tems de guerre, une prime de guerre relative au cours de la place, pour un tel voyage; ainsi un navire venant de la Guadeloupe à Marseille, s'est trouvé à Cadix ou devant Cadix, au moment de la survenance de la guerre ; on a donné pour augmentation, la prime qu'on donnait à Marseille, depuis la connaissance de la guerre, pour un voyage de Cadix à Marseille.

Cette base principale a néanmoins éprouvé des modifications. Le choix des arbitres a varié dans chaque affaire, au gré des intéressés; chaque réunion d'arbitres ayant sa manière de voir, l'estimation a été tantôt plus haute tantôt plus basse, pour les mêmes hauteurs, les mêmes voyages.

La différence des circonstances n'a pas moins fait que celle des personnes chargées de juger; ainsi, par exemple, 'on a eu égard à ce que tel ou tel parage a été plutôt ou

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