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plus tard infesté par les corsaires, plutôt ou plus tard le théâtre des hostilités.

Cette base des risques courus a même été presque entièrement mise à l'écart, dans la plupart des décisions des arbitrés, relatives à des navires tombés entre les mains des ennemis; ils ont, quant à ces navires, communément adjugé la prime comme si le voyage entier assuré avait eu lieu depuis la survenance de la guerre, bien qu'une partie plus ou moins considérable de ce voyage, fut accomplie en tems de paix.

Ce mode a été rejetté par la Cour d'appel d'Aix.

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Le sieur Chapelier aîné s'était fait assurer de sortie de Marseille au Cap français et de retour à Marseille, à la prime de 4 pour cent pour l'entier voyage

et avec clause qu'en cas de survenance de guerre, la prime serait réglée par amis communs.

Le navire partit du Cap français au moment de la survenance de la guerre. Il fut pris aussi-tôt aprés son départ.

Le sieur Chapelier demanda le paiement de la perte. Les assureurs ne contestèrent point, mais ils demandèrent le règlement de la prime. Des arbitres furent nommés; ils évaluérent l'augmentation de prime à 67 1,2 pour cent, ce qui était une prime équivalente ou à-peu-près, à celle qu'on donnait sur la place pour un voyage d'aller et retour d'un navire parti après la survenance de la guerre.

Le sieur Chapelier appela.

La Cour d'appel d'Aix rendit, le 16 floréal an 13, un arrêt qui fixe lá prime à 40 pour cent au lieu de 67 1/2. Voici ses motifs :

» Considérant que l'assurance sur le navire la Comète a » été faite pour une prime de 4 pour cent d'entrée et sor»tie, à raison des risques ordinaires de la navigation, et

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» que c'est en prévoyant l'événement, alors incertain, de » la guerre, qu'on a stipulé que s'il se vérifiait, la prime » serait augmentée et déterminée par des arbitres experts.

» Qu'on ne peut douter que la prime de 4 pour cent, » pour les risques ordinaires, ne soit une prime liée à tous les événemens de cette nature, que le navire pouvait essuyer pendant tout le cours de son voyage, en » quelque tems qu'ils arrivassent, soit d'entrée, soit de » sortie, attendu qu'il y était exposé dès le moment » de son départ; mais qu'il ne peut pas en être de même » de la prime conditionnelle et convenue seulement pour » les cas incertains et prévus de la guerre, et pour les » dommages qu'elle pouvait faire courir au navire assuré. » Que ces risques pouvant commencer plutôt ou plus » tard, être plus ou moins considérables, il est juste de » calculer d'après les circonstances et les combinaisons » qu'elles peuvent comporter, le taux de la prime, et la » proportionner à l'importance et à la durée des événemens » qui donnent lieu à son augmentation.

» Considérant qu'il n'est pas sans exemple qu'on déter» mine dans les polices d'assurance, le taux de la prime, » pour le cas où pendant la durée du voyage, la guerre vient » à être déclarée ou des hostilités être commises; que » dans cette hypothèse, l'époque, la grandeur, la durée >> des dangers ne peuvent pas être considérés, parce que » les parties sont censées y avoir eu égard en fixant la pri- · » me; mais qu'il ne peut en être de même lorsqu'on se » borne à prévoir indéfiniment l'événement de la guerre, et qu'on convient que dans ce cas la prime sera fixée par » des arbitres experts.

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» Qu'en leur confiant cette opération, il est évident que » les parties ont entendu que la prime fût déterminée sur

» les dangers réels que le navire assuré aurait pu courir » dans son voyage, et la régler sur leur durée et sur leur » importance; que s'il en était autrement, elles auraient » elles-mêmes fixé la prime, ou s'en seraient rapportées » pour le taux " au cours des assurances faites sur la place » pour le cas de la guerre.

» Considérant que le navire la Comète a fait la moitié » de son voyage sans avoir couru aucun risque de guerre, » qu'il n'y a été exposé qu'après son départ du Cap, et » qu'il serait contre tous les principes de justice, d'ac»corder aux assureurs la même prime qu'ils auraient obte>> nue si les hostilités avaient commencé pendant son voyage » de sortie de Marseille.

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» Que différens règlemens de prime ont été faits sur » ladite place de Marseille, que le taux auquel elles ont » été fixées, varie infiniment ; qu'elle a été plus forte pour » les navires capturés, que pour ceux qui sont arrivés heureusement à leur destination; que des navires partis après » la déclaration de guerre ont été assurés à des primes bien >> moins fortes que celle qui a été réglée pour le navire » la Comète; que pour les navires qui n'ont pas été pris, » la prime n'a été que de 14 pour cent, qu'elle a été jus» qu'à 80 pour ceux dont les ennemis de l'état se sont >> emparés; qu'en l'état de cette variation, on ne fair » aucun tort aux assureurs, en prenant pour base les plus » fortes primes qui ont été fixées pour le cas de guerre, » mais en les réduisant à la moitié pour le navire la Comète, >> attendu que, pour ce navire, le cas prévu de la guerre ou » des hostilités ne s'est réalisé qu'après son départ du Cap, » et n'a subsisté tout au plus que pendant la moitié du » voyage. »

Par ces motifs.

même Cour d'appel d'Aix, dus décembre 1806, entre les sieurs Fabron frères et leurs assureurs ; mais il me paraît qu'ici le principe a été exagéré ou dénaturé.`

Les sieurs Fabron frères s'étaient fait assurer sur corps et facultés du navire la Marie-Sophie, à la prime de 1 3/4 pour cent, de sortie des Isles françaises jusqu'à Marseille, et avec la clause alors usitée de l'augmentation de prime en cas de survenance de guerre; la Marie-Sophie partit de la Martinique après la survenance de la guerre ; le navire échoua deux jours après son départ, sur les rescifs de la Barbade. Il fut le lendemain conduit à l'isle Suédoise de SaintBarthelemy, où il fut déclaré innavigable. Le navire et les marchandises furent vendus, ce qui donna lieu à une demande des assurés dont nous n'avons pas à nous occuper; mais les assureurs demandèrent l'adjudication ou la compensation d'une prime équivalente à celle du voyage entier du navire. Ils portaient cette prime à 67 1/2 pour cent.

Les arbitres se fondant sur ce que le navire n'avait navigué que pendant deux ou trois jours en tems de guerre, et sur ce que lors de sa navigation les hostilités ne s'étaient pas même encor manifestées dans les parages où il avait navigué, se bornèrent à accorder une prime de 5 1/4, qui était le triple de celle convenue pour le risque de paix. Les assureurs appellèrent.

Mais le jugement fut confirmé.

La Cour, dans les motifs de son arrêt, reconnut le principe établi ( pag. 384 et suiv., pag. 388 ) que l'augmentation de prime est due du jour de la survenance de la guerre, même pour les navires qui se trouvaient dans des lieux où l'état de guerre ne s'était pas manifesté; eile considéra que cette prime doit être celle convenue dans la police, lorsque la quotité en a été déterminée; mais qu'elle doit

être

être proportionnée aux risques courus, lorsque, comme à Marseille, il a été convenu qu'elle serait réglée par des arbitres experts ou par des amis communs.

Que dans l'hypothèse, les risques avaient été très-peu de chose, puisque d'une part le navire avait navigué dans un tems où il n'y avait aucune croisière ennemie à l'Amérique, et que de l'autre sa navigation avait été de très - courte durée.

En conséquence elle jugea que la prime de 5 1/4 accordée par les arbitres, était très-suffisante.

Mais, les assureurs ayant commencé de courir le risque de guerre, pouvait-on le syncoper de cette manière? Il est de règle que, le risque ayant commencé, la prime est acquise à l'assureur, soit que l'assuré rompe le voyage, soit que quelque cause de force majeure termine le risque. Ici, par l'effet de la clause stipulée, la prime peut changer comme le risque. Il n'y a pas de doute que, si le voyage est rompu ou terminé avant la survenance de la guerre, l'assuré ne peut être redevable que d'une prime de paix, puisque la prime de guerre n'a jamais pris ni pu prendre naissance; mais, si le risque était encore existant au moment de la survenance de la guerre, la prime de guerre est dès-lors acquise en entier à l'assureur pour le risque à courir ou le voyage à faire depuis le lieu où se trouve le navire jusqu'à celui de sa destination; la rupture du voyage ne peut pas plus l'en priver dans ce cas que dans tout autre ; ici le départ même était postérieur à la survenance de la guerre, de manière que le navire avait à courir, pour le voyage entier, un risque de guerre ; il n'importe que la prime fût à régler par amis communs, ce règlement doit être fait selon les principes; les parties ont elles-mêmes fixé la prime de paix, parce qu'elles avaient toutes les données nécessaires

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