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pour cela. Elles ont laissé à des arbitres le soin de régler la prime de guerre, parce qu'elles ignoraient quand commencerait le risque de guerre; ce commencement connu, il ne reste qu'à déterminer quelle est la valeur du risque. L'assureur a le même droit à la prime de guerre qu'à la prime de paix; seulement la quotité de celle-là n'est point déterminée; elle doit l'être par les amis ou arbitres, non à raison de l'événement, mais à raison du risque assuré dont elle doit être le prix; or, le risque assuré avec prime de guerre est celui à courir depuis le lieu où se trouverait le navire lors de la survenance de la guerre jusqu'à celui de la destination; c'est ce risque que les arbitres doivent estimer sang égard à l'événement. S'il en était autrement, on pourrait dire que l'assuré a pu, après le risque de guerre commencé, rompre le contrat pour ne payer qu'à proportion du risque couru dans ce nouvel état; mais cette faculté lui est interdite par le contrat qui est un pacte synallagmatique ( Voyez n.o 16 et not. ). Si le contrat liait les parties pour le risque à courir jusqu'au lieu du reste la prime a dû être estimée eu égard à ce risque; quels qu'aient été les événemens postérieurs à ce risque commencé, ces événemens ne peuvent en altérer le prix; ils donnent seulement ouverture aux droits qui peuvent en résulter pour l'assureur comme pour l'assuré, tenant toujours la prime appréciable à dire d'experts, non d'après l'événement, mais à raison du risque dont elle a dû être le prix.

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Les assureurs avaient deux circonstances particulières, à faire valoir dans la cause qui donne lieu à ces réflexions. L'une que le départ même du navire était postérieur à la survenance de la guerre, de manière qu'il n'y avait jamais eu lieu à la prime de paix; l'autre que le voyage assuré avait été terminé par un sinistre mis à leur charge ce qui

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équivalait à l'entier accomplissement du voyage, et aurait dû donner ouverture à l'entière prime, lors même qu'elle eut été divisible de sa nature, tout comme l'entière prime est due pour un voyage d'ailer et retour, lors même que le navire se perd en allant (Voyez n.o 187 et not.); mais il me semble que les motifs que j'ai donnés n'ont pas besoin d'être appuyés de ces considérations, et que, dans tous les cas, la prime de guerre (dès qu'elle a commencé à prendre cours) est due aux assureurs non à raison du voyage qu'a fait le navire, mais à raison de celui qu'il a dû faire, de celui qui était assuré et qui l'était avec prime de guerre (appréciable par experts ) depuis le lieu où le navire se trouvait au moment de la survenance de la guerre jusqu'au lieu de sa destination.

L'existence d'un arrêt contraire me met en doute si ję ne me fais pas illusion sur la solidité de ces motifs ; néan moins il me paraît, par le texte de l'arrêt, qu'ils n'ont point été présentés à l'examen de la Cour, tels du moins que je les conçois, et cette circonstance m'enhardit à persister dans mon opinion.

Nous venons de voir les principales difficultés auxquelles a donné lieu à Marseille la clause d'augmentation de prime en cas de survenance de guerre.

Les nombreux règlemens auxquels cette clause a donné lieu, ont été la plupart faits avec promptitude et exécutés de même.

Le petit nombre de contestations qui ont été portées devant les Tribunaux n'a pas souffert non plus beaucoup de retard.

La clause de Bordeaux n'a pas eu une aussi prompte exécution, bien que l'expression à raison des risques courus préviat une des principales difficultés élevées à Marseille,

et que le renvoi à la Chambre de commerce semblât devoir tout applanir en soumettant tout à une règle générale et uniforme.

Mais d'un autre côté, ce travail général, cette règle uniforme, à établir au milieu de tant d'intérêts qui l'entrechoquaient, tant de cas à différencier, a nécessairement donné lieu à des longueurs et des difficultés que n'éprouvaient pas des arbitres nommés dans chaque affaire, qui n'avaient qu'un petit nombre de questions à résoudre, que des intérêts bornés à concilier, et qui même quelque fois franchissaient les difficultés, en adoptant des termes moyens qui satisfesaient les parties et prévenaient de plus amples différens.

D'abord les assureurs ont cherché à Bordeaux, à se soustraire à la clause généralement stipulée, que l'augmentation de prime serait réglée par la Chambre de commerce.

Comparaissant devant le Tribunal de commerce comme demandeurs ou comme défendeurs, ils ont conclu à leur renvoi devant des arbitres, en conformité de la clause générale qui se trouve dans les polices imprimées de Bordeaux.

Quelques assureurs ont même fait signifier à la Chambre des actes portant qu'ils la récusaient.

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La Chambre de commerce ne s'est pas moins occupée de son objet, et a fait, à la date du 21 thermidor au 12 un règlement qui fixe le taux de l'augmentation des primes; suivant les lieux ou les parages où se trouvaient les navires à l'époque de la déclaration de guerre; elle termine ainsi ce règlement :

» Considérant que la mission qui lui a été donnée par la » clause, ne lui attribue ni la qualité de juge ni celle d'ar» b'tre; qu'elle lui confie seulement le droit de régler; que »ce règlement ne peut être considéré que comme avis et

» simple expertise; la Chambre arrête que le rapport de la >> commission et ses propres délibérations mentionnées ci» dessus, seront remis au greffe du Tribunal de commerce,

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afin que toutes les parties en tirent tel droit que de raison. » Les choses en cet état, les parties se représentent devant » le Tribunal de commerce de Bordeaux. Les assureurs » у concluent à ce que des arbitres soient nommés de part » et d'autre, conformément à l'article 70 de l'Ordonnance » de 1681. Les assurés concluent au contraire à ce que »le Tribunal de commerce juge lui-même la contestation, » et ordonne l'application du règlement au procès qui lui est soumis.

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>> Par jugement du 10 prairial an 13, les assureurs sont » déboutés de leur demande en nomination d'arbitres, et le » Tribunal ordonne qu'on plaidera devant lui sur l'appli»cation du règlement à l'espèce.

» Appel. Le 2 fructidor an 13, arrêt par lequel,

» Considérant que la police d'assurance, souscrite par » les appelans, contient deux clauses formelles et distinc»tes, qui doivent chacune avoir leur destination; que la >> première est relative au taux de la prime pour les risques » ordinaires, et qu'à cet égard il n'y a nulle difficulté entre » les parties; que par la seconde, les parties sont conve»nues qu'en cas d'hostilités, la prime serait augmentée à » proportion du risque couru, suivant qu'il serait réglé par » la Chambre de commerce; que cette stipulation n'a pu » être comprise dans la clause générale par laquelle les » parties ont promis de soumettre à des arbitres la discus»sion résultant de l'assurance et dépendances d'icelle ; que » conséquemment, la question qui s'est élevée sur l'aug» mentation de la prime pour cause de guerre, fixée par >> Chambre de commerce, n'a pu être agitée et portée que

la

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» devant le Tribunal de commerce; la Cour (d'appel de » Bordeaux) dit qu'il a été bien jugé.

» Les assureurs se pourvoient en cassation, et soutien» nent qu'il y a dans cet arrêt 1.o une contravention aux » art. 70, 72, du titre des assurances de l'Ordonnance de » 1681; 2.o contravention aux articles du Code Napoléon >> et aux textes du droit romain, relatifs aux conventions et >> aux contrats; 3.o un excès de pouvoir, en ce que la » Cour d'appel de Bordeaux, en confirmant une prétention » illégale du Tribunal de commerce, a donné aux parties, » en première instance, d'autres juges, et a admis une au» tre manière de procéder que celle que nécessitaient leur >> convention et la loi.

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» Mais par arrêt du 14 janvier 1806, au rapport de » M. Rousseau, attendu, sur les premier et deuxième » moyens, que les juges de la Cour d'appel ont pu sans >> violer la loi et la convention, juger que les parties avaient >> mis hors l'arbitrage général, par une clause spéciale, le » règlement de l'augmentation de prime en cas de guerre ; » qu'en effet, elles étaient convenues, sur ce point, d'être » réglées par les directeurs de la Chambre de commerce » qui a rempli, à cet égard, sa mission; attendu, sur le » troisième et dernier moyen, qu'il se trouve écarté par » les motifs ci-dessus; la Cour rejette. » (Extrait du rép. de jurispr., au mot police d'assurance, pag. 324)

En conséquence de cet arrêt, le règlement fait par la Chambre de commerce de Bordeaux a dû recevoir son exécution.

I! paraît que le règlement des primes a souffert à Nantes, encore plus de longueurs qu'à Bordeaux

Les intéressés effrayés des difficultés qui se présentaient, se sont d'abord adressés au Gouvernement, pour les faire

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