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avoir entendu que les navires ayant fait le même voyage doivent, sans distinction de l'époque de leur départ, de celle de leur arrivée, ni du lieu où ils se trouvaient au moment de la survenance de la guerre, supporter tous la même pri'me; que cette prime doit être celle stipulée sur la place de Nantes , pour des navires fesant le même voyage et partis après la survenance de la guerre.

Je ne pense pas que cette décision soit ni régulière ni juste. Nous avons vu que la clause de Marseille: la prime sera réglée par amis communs, quoique différente dans ses termes de celle de Bordeaux, qui veut que la prime soit réglée à proportion des risques courus, était pourtant la même dans son intention et a été jugée devoir être la même dans ses effets; bien que la clause de Nantes, qui veut que la prime soit réglée au cours de la place, paraisse différente, je ne pense pas qu'elle doive recevoir une autre interprétation.

Dans le vrai, à Bordeaux et à Marseille, on a fait et dû faire ce qu'on a voulu faire à Nantes; on a réglé l'augmentation de prime en consultant le cours de la place.

C'est avec le relevé des diverses polices et avec le tableau du cours des primes sous les yeux, que les arbitres à Marseille, et la Chambre de commerce à Bordeaux ont déterminé l'augmentation de prime. Mais cette mesure ils ne l'ont appliquée qu'aux tems et aux lieux dans lesquels l'objet assuré en était susceptible; cela a été fait ainsi à Bordeaux d'après la stipulation littérale du contrat; mais cette stipulation n'existait point à Marseille; on y avait stipulé que l'augmentation serait réglée par arbitres ou amis communs, on désignait par qui devait être faite l'évaluation ; mais on n'indiquait point sur quelle base; il a fallu recourir au droit commun ". aux principes de la justice, à l'intention présumée des contractans pour en établir une et pour en

diriger l'application; la solution a été qu'on devait prendre pour règle le cours de la place, que ce cours devait être appliqué proportionnellement aux risques courus.

Ce mode de règlement que les assureurs et les assurés de Marseille n'avaient point stipulé, que la raison et la justice ont indiquée aux arbitres et aux Tribunaux de Marseille et d'Aix, ne doit-il pas être le mode général ? ne doit-on pas dire comme M. Perignon, dans une consultation sur cette matière, » les risques courus (j'ajoute et le cours de la place) » voilà le mot de ralliement, la base toujours constante et

jamais trompeuse, parce qu'elle est conforme à l'équité, » et qu'elle rend tout à la fois la volonté des parties et la » volonté de la loi. »

N'est-ce pas la même règle que prescrit le Code de commerce, lorsqu'il dit, art. 343 (Voyez pag. 381) » En » ayant égard aux risques, aux circonstances et aux stipu»lations de chaque police d'assurance. » Si ce texte ne fait pas loi pour des événemens antérieurs, ne doit-il pas être suivi comme raison écrite, relativement à des cas qu'aucune loi antérieure n'a réglés ?

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On avait stipulé à Bordeaux l'augmentation à proportion des risques courus, et on a suppléé le cours de la place; on avait à Marseille stipulé l'augmentation seulement, et on a suppléé la 'mesure des risques courus et celle du cours de la place; on a stipulé à Nantes la mesure du cours de la place, ne doit-on pas y suppléer à proportion des risques courus?

Il s'agit ici d'un contrat de bonne foi dans lequel on doit consulter l'intention des parties plus encore que les termes dont elles se sont servies. C'est en partant de cette , que, malgré la différence des termes, et même contre leur signification littérale on a (comme il a été dit

base

pag. 384, 385, 388, 400) fixé également pour tous l'épo

que

à laquelle la condition de la survenance de la guerre devait être censée réalisée.

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De même, quelque différence dans les termes ne doit pas empêcher qu'on ne fixe également pour tous, la mesure de l'augmentation des primes proportionnellement aux risques courus qui est la mesure dictée par la raison et l'équité.

Je renvoie à ce que j'ai dit (pag. 389 et suiv.) sur la justice de cette mesure, sur la lésion que souffriraient les assurés et l'avantage excessif et irrégulier dont profiteraient les assureurs, si on les fesait jouir de la prime entière de guerre, sur des navigations faites l'une dans l'autre, pour moitié ou environ en tems de paix.

D'ailleurs, comment peut-on soutenir que les primes stipulées après la survenance de la guerre, sur des navires devant faire l'entier voyage avec risque de guerre, forment le cours de la place, pour des navires qui ont plus ou moins navigué en tems de paix ? Ce n'est pas par le prix des marchandises d'une qualité qu'on établit le cours de celles d'une autre ; ou, si on veut apprécier suivant le cours des marchandises semblables, et qu'il n'y ait de cours établi que pour celles de première qualité ; c'est en fesant une diminution proportionnelle qu'on déterminera le prix de la marchandise inférieure.

C'est de la même manière qu'on doit réduire le cours de la place, si on veut l'appliquer à des risques qui ne sont pas identiques.

Cette application proportionnelle ne doit pas être faite en mesurant au compas l'espace parcouru, mais en évaluant relativement à la nature du voyage qui restait à faire, et aux risques plus ou moins grands de chaque parage, la

différence qui peut exister entre le prix du risque couru et ceux dont les polices stipulées après la guerre, donnent le

cours.

Apprécier ainsi le risque, ce n'est point le diviser, comme l'ont dit les assureurs de Nantes, comme le disaient ceux de Marseille, c'est seulement en prendre toutes les circonstances en considération, c'est faire ce qu'auraient fait les assureurs et les assurés eux-mêmes, si au moment du contrat ils avaient pu connaître ce risque et le soumettre à leurs stipulations. (Voyez pag. 389 et suiv.)

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D'après tous ces motifs, je pense que la clause de Nantes ne doit pas produire d'autre effet que celle de Bordeaux et de Marseille, et si l'on recherche l'intention des parties, peut-on douter qu'elle n'ait été partout la même, celle de la part des assureurs, de recevoir, et de la part des assurés, de payer le juste et raisonnable prix des risques plus forts auxquels la survenance de la guerre exposerait les objets assurés.

C'est en se conformant à ces principes et à cette intention, que lors des guerres de 1755, 1779 et 1794, et avec la même clause qu'en 1802, l'augmentation des primes fut, à Nantes comme ailleurs, fixée graduellement, et en ayant égard aux risques courus depuis la survenance de la guerre.

Le Tribunal de Saint-Malo attribue cette gradation observée en 1755, 1779 et 1794, à ce que vraisemblablement la prime augmenta progressivement à ces époques. Mais dans ce cas même, si on était parti des mêmes principes que ce Tribunal, on n'aurait pu prendre pour le cours des primes applicable aux navires partis avant la guerre, que celui résultant des premières stipulations faites après la guerre, qui était le point de comparaison le plus rapproché; et on aurait alors appliqué ce cours d'une ma

nière uniforme. Au contraire, à ces trois époques la prime a été graduée, et cela n'a pu être que parce qu'on a eu égard au plus ou moins de risque couru par chaque navire, depuis la survenance de la guerre ; c'est encore cette règle qui me paraît devoir être appliquée aux assurances faites avec la même clause pendant la paix de 1802, et à toutes les assurances faites avec clause d'augmentation de prime, dans quelques termes que cette clause soit stipulée, pourvu qu'ils ne soient pas exclusifs de cette estimation du risque suivant le cours de la place, en l'appliquant proportionnellement aux risques courus.

J'avoue que la clause de Nantes prêterait d'avantage à l'objection que j'ai faite (pag. 392, 393) et favoriserait le système de régler la prime, non eu égard à la position réelle du navire au moment de la survenance de la guerre, mais eu égard à la position connue ou présumée, suivant les avis qu'on en aurait reçus, ou la connaissance qu'on aurait de son départ er de sa destination.

Mais j'ai fait observer, pag. 393, 394, les inconveniens qu'il y aurait à prendre une pareille base, et pag. 412, 4149 les motifs qu'il y a de ne pas considérer les clauses rappellées comme devant être différentes dans leurs effets.

Mon opinion peut être erronée; une connaissance plus exacte des stipulations des polices, et des usages de Nantes la ferait peut-être changer; je la soumets à l'examen des personnes intruites, et surtout aux décisions des Tribunaux qui, après la loi, doivent être notre règle; mais sur lesquelles je ne pense pas qu'on doive s'interdire les réflexions, tant qu'une suite de jugemens conformes et passés en force de chose jugée, series rerum similiter judicatarum, n'a pas fixé la jurisprudence.

CHAPITRE

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