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СНАРІTRE I V.

L'ACTION

Du Délaissement.

'ACTION en délaissement comme je l'ai observé (n.o 119 mot.), est une action extraordinaire qui est restreinte aux cas déterminés par la loi, et dont l'exercice est soumis à des règles particulières.

Elle est d'autant plus avantageuse à l'assuré, qu'elle lui laisse le choix d'user de cette action ou de s'en tenir à celle d'avarie, et qu'elle donne ouverture à cette dernière action, lors-même que la police porte la clause franc d'avarie (Voy. n.o 166 et not., Code art. 409). '

La variété des formes sous lesquelles se présentent les cas ou quelques uns des cas qui donnent lieu au délaissement, la facilité avec laquelle les assurés se placent dans quelqu'un de ces cas, lorsqu'ils le croient utile à leurs intérêts, celle non moins grande avec laquelle les assureurs s'en défendent lorsqu'ils croient en avoir quelque motif, rendent très-important de les bien connaître et d'en faire une juste application. Il en a été parlé assez amplement n.° 115 à 170, dans le texte et dans les notes. Je me suis néanmoins reservé ( n.os 66, 120, 121) de revenir, dans ce supplément sur les cas de perte entière et d'innavigabilité.

Je parlerai aussi de quelques événemens qu'on a voulu ́assimiler à l'arrêt de prime; mais auparavant je crois devoir m'expliquer sur une question que j'ai entendu agiter, et qui est générale en matière de délaissement.

C'est celle, si, depuis le Code, le délaissement doit être accompagné d'une demande en justice.

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Il n'en est rien dit dans l'article 373 du Code de commerce qui fixe les délais dans lesquels l'abandon doit être fait et, passés lesquels, il ne l'est pas valablement.

L'article 378 qui a le même objet, ne parle que d'une simple sommation à payer la somme assurée dans le délai fixé par le contrat, d'où quelques-uns ont conclu que, d'après le Code, la déclaration de délaissement n'a pas besoin d'être accompagnée d'aucune demande judiciaire. Cette opinion pouvait d'autant plus séduire à Marseille, que le mode de demande usité est, ainsi que je l'ai observé (n.o 156, not. C), peu conforme aux bonnes règles; néanmoins ceux même qui ont été d'avis qu'une demande en justice n'est pas nécessaire, ont continué d'agir comme avant le Code, et sagement; en effet, comme je l'ai déjà observé (n.o 156, not. C), l'article 385 suppose que le délaissement est accompagné d'une demande quoïque différente de celle qu'on fait à Marseille.

L'article 431 laisse encore moins de doute sur la nécessité d'une demande en justice.

» L'action en délaissement, dit cet article, est pres» crite dans les délais exprimés par l'article 373. » Or, le mot action s'entend d'une demande en justice. Ce texte n'est point contredit par l'article 434 où l'on trouve : » la > prescription ne peut avoir lieu, s'il y a cédule, obliga» tion, arrêté de compte ou interpellation judiciaire. »

D'après le Code Napoléon art. 2244, la prescription est interrompue par une citation en justice, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire. On doit interprêter par cet article, les mots interpellation judiciaire.

Une interpellation faite sans demande en justice, sans titre exécutoire, sans commandement, s'appelle interpellation

extrajudiciaire, quoique signifiée à partie par un huissier public; l'interpellation judiciaire ne peut être autre chose que la citation en justice, ou le commandement dont parle l'art. 2244 du Code Napoléon, mais il n'y a pas lieu à commandement en matière d'assurance avant qu'il soit jugé si la condition qui donne ouverture à l'abandon, est remplie.

Il faut donc que la déclaration d'abandon soit accompagnée ou suivie d'une demande en justice dans les délais fixés par l'art. 373; cette demande peut seule interrompre la prescription; elle doit être, non point telle qu'on la fait. à Marseille, mais telle que l'indique l'art. 385 (V. n.o 156, not. C). Je pense néanmoins que la forme usitée jusqu'à ce jour à Marseille, peut être regardée comme remplissant implicitement le vœu de la loi. Mais il me paraîtrait plus sage d'y substituer l'autre, ou de joindre à la demande prématurée et peu régulière du paiement d'une somme non échue, celle en validité du délaissement.

Du cas de Perte entière ou presque entière.

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Nous avons vu ( n.o 121 not.) , que les jugemens du Tribunal de commerce de Marseille et de la Cour d'appel d'Aix, conformes à l'opinion d'Emerigon, contraires à celle de Valin et de Pothier, avaient appliqué dans un sens absolu et littéral, les mots perte entière de l'Ordonnance de 1681 ass. art. 46.

Le Code, en donnant pour base à l'abandon la perte ou détérioration à trois quarts, fait cesser la difficulté élevée sur la distinction du sens littéral et du sens intentionnel des mots perte entière de l'art. 46 de l'Ordonnance; néanmoins la connaissance des jugemens rendus, peut encore être utile, soit pour leur application aux cas anciens qui pourraient

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encore donner lieu à litige, soit parce que ces jugemens renferment la solution de quelques questions qui peuvent se reproduire sous l'empire du nouveau Code.

Un premier procès avait eu lieu en l'an neuf, sur cette matière, entre le sieur Sabaton Constantini et ses assureurs, sur facultés en blé chargées sur le brigantin le St. Nicolas. Les marchandises chargées éprouvèrent des avaries considérables, par l'effet du mauvais tems.

Le navire relâcha à Messine où la vente des marchandises fut demandée par le capitaine, et ordonnée pour prévenir une plus grande détérioration.

Les assureurs étaient francs d'avaries.

L'assuré souffrait une perte très-grave.

Il intenta l'action d'abandon qu'il fonda :

1.° Sur ce que la non arrivée des marchandises au lieu du reste, suite de leur mauvais état procédant de fortune de mer, constituait perte entière.

2.° Sur ce que les mots perte entière ne devaient pas s'entendre à la lettre.

Il cita, à l'appui de son système, diverses autorités étrangères, le Guidon de la mer, Valin, Pothier, et même un arrêt qu'il soutint avoir été rendu dans ce système par le Parlement d'Aix, le 21 juillet 1783, entre le sieur Falconet de Montpellier et ses assureurs sur le navire le St. Crucifix.

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La Cour d'appel d'Aix n'accueillit pas ces moyens

et

par arrêt du 25 ventôse an onze, elle rejeta la demande des assurés.

La question se reproduisit quelques années après, et fut vivement agitée.

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Plusieurs navires se trouvèrent dans le même cas où avait été celui du sieur Constantini. Les intéressés aux facultés chargées sur ces navires, déclarèrent chacun faire

abandon à ses assureurs. L'intérêt devenait majeur, il y eut plusieurs consultations et mémoires imprimés. Les raisons pour et contre furent épuisées.

Le Tribunal de Marseille, après avoir soumis les questions proposées à l'examen le plus attentif, rendit un premier jugement contre les assurés, le 8 novembre 1806, dans la cause entre les S.rs Abraham Marini et C.e et leurs assureurs sur facultés chargées sur le navire le Circonspect. Elle en rendit un second semblable au premier, le 15 décembre 1806, dans la cause entre les sieurs Plumex Lahore Duval Poutrel et comp.e et leurs assureurs sur facultés chargées sur le navire il Pastore.

Les sieurs Marini et comp.e acquiescèrent au jugement rendu contre eux.

Les sieurs Plumex Lahore et comp.e appelèrent de celui qui les condamnait.

La plupart des autres intéressés se concilièrent ou attendirent la décision de la Cour d'appel ou laissèrent rendre des jugemens qui ne furent point controversés.

La question portée devant la Cour d'appel, fut agitée avec la même chaleur qu'elle l'avait été en première instance.

Elle n'était pas encore jugée lorsque le nouveau Code intervint.

Les assurés s'emparèrent de la disposition de l'art. 369 qui admet le délaissement lorsqu'il y a perte des trois quarts, et la présentèrent comme une disposition interprétative de l'article 46 de l'Ordonnance; ils en conclurent qu'on ne pouvait entendre littéralement le texte de ce dernier article et que la mesure des trois quarts, donnée par la nouvelle loi, devait être appliquée à l'ancienne.

Mais, malgré toutes les raisons qu'ils firent valoir, la

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