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Cour d'appel d'Aix rendit, le 10 mai 1808, un arrêt confirmatif du jugement du Tribunal de commerce de Marseille.

Voici, en substance, les motifs sur lesquels le Tribunal de commerce et la Cour d'appel fondèrent leurs décisions.

» L'Ordonnance de 1681, ass. art. 46 (à laquelle il >> faut ajouter la déclaration du 17 août 1779) a fixé, d'une » manière exclusive, les événemens qui donnent lieu à l'a>> bandon des objets assurés, et au paiement entier des sommes assurées.

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» La non arrivée des marchandises au lieu du reste, » n'est point au nombre de ces événemens; elle ne donne » donc pas lieu à l'abandon.

>> C'est ainsi qu'on l'a toujours entendu, depuis l'Ordon>> nance de 1681. Voyez Emerigon ass. ch. 12, sect. 33, >> 34, ch. 17, sect. 3.

» L'abandon a lieu seulement lorsque la non arrivée >> procède de quelque événement de sinistre majeur tel que » naufrage, prise, etc. ; mais alors le droit au délaissement >> naît du naufrage de la prise, et même, dit le jugemen; » contre Marini, dans le cas d'arrêt de prince, lorsque des » marchandises ont été vendues, et ne sont par conséquent >> pas arrivées au lieu de la destination, si la valeur en à » été payée par le Prince qui a fait l'arrêt, il n'y a pas » lieu à abandon, ainsi qu'il a été jugé par des arrêts du » Parlement et du Conseil, rapportés par Emerigon, ass. » chap. I, sect. 33; chap. 17, sect. 3; mais seulement à » la réparation du dommage, c'est-à-dire, au paiement de » la moins value, par forme d'avarie; cette non arrivée » peut encore moins être un moyen d'abandon lorsqu'elle est simplement la conséquence d'un fait d'avarie, et de » la vente des marchandises, faite à raison de cette avarie. » La détérioration ou perte partielle, quelque étendue

>>

» qu'elle soit, ne peut pas plus que la non arrivée,

» moyen d'abandon.

être un

» L'Ordonnance est claire et précise, elle dit perte enntière; la perte ne peut être entière, que quand il y a pri>>vation ou destruction totale des effets assurés, dans leur nature et leur essence.

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» Cette disposition ne nuit pas aux assurés qui peu» vent, par l'action d'avarie que la foi leur donne, se faire >>> indemniser par les assureurs, des pertes et dommages qui » ne sont pas perte entière.

» Si les assurés renoncent à cette action d'avarie que la » loi leur a réservée, ils ne peuvent ni s'en plaindre ni » s'en faire un titre pour prétendre à l'action de délaisse»ment là où la loi n'a donné ouverture qu'à l'action » d'avarie.

» La loi a dit perte entière, sans limitation, sans modi»fication; ce serait violer ses dispositions, et livrer à l'ar>> bitraire l'explication de ses expressions, que d'y substituer " une perte de 50, 75 pour cent, etc.

» On peut, dit le jugement contre Marini, suivre des » règles différentes dans les pays où l'Ordonnance de 1681 » n'est pas observée; on pouvait juger différemment en » France avant cette ordonnance; les expressions du Gui» don de la mer dont les assurés se sont prévalus, pou>> vaient alors être prises en considération, mais elles se » rétorquent aujourd'hui contre les assurés; en effet, » si l'Ordonnance dont l'art. 46 paraît avoir été calqué du Guidon de la mer avait voulu en consersur l'art. 7 » ver les dispositions, quant au fait de la non arrivée et » de la perte entière ou presque entière elle ne se serait » pas exprimée d'une manière toute différente, ainsi qu'elle » l'a fait.

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» Au surplus, on ne peu: fonder la perte entière, ni sur un » calcul du coût d'achat et dépenses de mise hors, comparé » avec les prix de vente, ni sur ce que les restes de la chose » perdue ou avariée ne sont pas suffisans pour payer les >> frais de relâche, de vente et autres que l'événement peut >> occasionner.

» Un tel système, dit le jugement contre Marini, don» nerait lieu à d'énormes abus ; il contrarierait les disposi» tions de la loi, en fesant résulter le sinistre majeur non » de la perte matérielle, ainsi que l'Ordonnance l'a enten» du, non de l'événement, mais des dépenses plus ou >> moins grandes qui, faites après l'événement, ne peuvent >> en changer la nature.

>> Dans le cas d'avarie grosse, dit l'arrêt cité, on ne peut, » comme l'enseigne Emerigon, ass. ch. 12, sect. 44, §. 4, » ajouter au montant de l'avarie les frais auxquels elle >> donne lieu, pour l'élever au dessus d'un pour cent (taux >> au-dessus duquel l'Ordonnance prohibe toute demande >> en règlement d'avarie). On ne peut, à plus forte raison, >> ajouter au dommage souffert par la marchandise, les >> frais faits accessoirement, pour convertir en un événe>> ment extraordinaire de sinistre majeur, un événement de » simple avarie.

» Les assurés, dit encore l'arrêt, ont inutilement invo» qué l'article 369 du Code de commerce d'après lequel » l'action en délaissement doit être admise en cas de perte » ou de détérioration des effets assurés, si la détérioration >> ou la perte va au moins à trois quarts. En droit la dispo>>>sition de cet article introductif d'un droit nouveau est » inapplicable à la cause, puisque la publication du Code » de commerce est postérieure à la police et aux événemens » qui font la matière du procès; mais fallût-il appliquer

le Code à l'hypothèse actuelle, les assurés n'en reti>> reront aucun avantage, puisque la perte ou détérioration » soufferte par les objets assurés, sont loin de s'élever aux >> trois quarts, et que pour faire l'évaluation de cette perte >> et de cette détérioration, on ne peut pas plus sous l'em» pire du Code de commerce, que sous celui de l'Ordon>> nance de 1681, avoir égard aux frais faits par l'assuré. »

Des décisions que j'ai rappelées, des principes qui les ont dictées, du texte de l'article 46 de l'Ordonnance, et de celui de l'article 369 du Code, je tirerai diverses règles applicables au cas de perte entière ou presque entière.

1.o L'action d'abandon étant, comme nous l'avons déjà observé, une action extraordinaire, les cas qui y donnent lieu étant fixés d'une manière limitative par la loi, on ne peut ni ajouter à ces cas ni les étendre.

Par une conséquence de ce principe, l'Ordonnance de 1681 n'ayant attaché la faculté d'abandon qu'à la perte entière de l'objet, on n'a pas pu, sous l'empire de l'Ordonnance, être admis à l'abandon lorsqu'il n'y avait pas cette perte entière.

J'observerai néanmoins que, dans mon opinion, les assureurs n'auraient pas pu se soustraire au délaissement, sous prétexte de l'existence de quelque petite particule de l'objet. Qui oserait soutenir que la conservation d'un grain de blé, par exemple, exclurait l'abandon résultant de la perte d'un chargement? Ce que je dis d'un grain on peut le dire d'un boisseau ou de quelque petite partie qui ne serait rien en comparaison de la totalité.

J'étendrais l'exception jusqu'à 5 ou 6 pour cent, qui ne valant pas plus que les intérêts ou fruits de la chose pendant l'année, peuvent être considérés comme n'altérant pas la perte entière du capital.

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Mais, ainsi que l'ont fait le Tribunal de commerce de Marseille et la Cour d'appel d'Aix, je rejeterais ces doctrines inconciliables avec le texte de l'Ordonnance, et qui se fondant sur des autorités étrangères ou abrogées, ou sur des dispositions du droit Romain inapplicables au contrat d'assurance, ont voulu convertir la disposition précise de la loi qui exige une perte entière, en une perte de 50, 75 pour cent ou autre qui laisse subsister une partie du capital trop considérable pour être regardée comme rien.

Je ne dirai pas non plus comme Emerigon, as. ch. 17, sect. 2, p. 184, qu'il n'y a pas perte entière lorsqu'un chargement de blé existe, mais entièrement pourri. Cette doctrine est en contradiction avec ce qu'il dit lui-même peu auparavant, qu'une chose est perdue quand elle cesse d'être dans son essence. Si le blé est devenu fumier, il n'est certainement plus dans son essence. Je penserais donc de la dégradation comme de la perte; si la marchandise assurée était pourrie ou dégradée au point de ne pas valoir le s ou le 6 pour cent de la valeur qu'elle aurait en bon état, le cas de perte entière serait réalisé dans le sens de l'Ordonnance de 1681.

2. Ce n'est point par la comparaison du prix d'achat avec le prix de vente, qu'on doit évaluer la perte ou détérioration; une marchandise peut avoir été achetée à trop haut prix; elle peut être de mauvaise qualité; elle peut, depuis qu'elle est en voyage, avoir diminué de prix ; cette moins value ne peut, dans aucun sens, entrer en consi dération au préjudice des assureurs; autrement une marchandise qui n'aurait souffert aucune altération par fortune de mer, pourrait, dans certains cas, être présentée comme ayant donné lieu à une perte entière ou des trois quarts; de même les assureurs ne doivent tirer aucun avantage de

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