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l'augmentation de valeur que la marchandise aurait éprouvée depuis son embarquement.

Mais il faut examiner la perte ou détérioration de l'objet en lui-même.

C'est par le nombre, le poids, la mesure, qu'il faut déterminer la quantité perdue.

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Pour ce qui est de la détérioration il faut déduire dabord celle qui pourrait provenir du vice de la chose ou du fait de l'assuré et de ses préposés, qui ne doivent pas peser sur l'assureur. Il faut ensuite évaluer ce que vaudrait, à quelque endroit qu'on la suppose, la marchandise, si elle n'avait éprouvé aucune fortune de mer, et estimer ce que vaut dans le même endroit, cette même marchandise, en l'état où elle a été réduite par les événemens sur lesquels on fonde la demande en abandon.

La différence constituera la perte résultant de ces événe

mens.

J'observerai ici en passant, que, si on avait suivi ce mode d'estimation dans les affaires qui ont donné lieu aux divers procès pour cause de perte entière " cette perte aurait été moindre qu'elle ne paraissait pour la plupart des assurés qui avaient intenté l'action d'abandon; mais ils comparaient le prix de facture et ses accessoires au lieu d'achat, avec le prix de vente au lieu de relâche; la perte était considérable; mais, à cette époque, il y avait eu une baisse sur le prix des blés; de plus la rareté qui existait au moment des achats avait fait prendre le bon et le mauvais, et plusieurs parties. étaient vicieuses et avariées dès le moment du départ.

Sans doute le Tribunal de commerce et la Cour d'appel auraient ordonné des évaluations analogues à ces circonstances, et conformes aux principes qui ont été établis, s'il avait été question d'un fait passé sous l'empire du nouveau

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Code, ou s'ils avaient admis l'interprétation donnée par les assurés à l'article 46 de l'Ordonnance; mais s'étant tenus à la disposition expresse et littérale de la loi, et jugeant que la détérioration telle qu'elle était alléguée par les assurés, ne pouvait donner lieu à abandon, ils n'avaient point à examiner s'il fallait ou non rabattre de leurs calculs.

3.o La perte entière exigée par l'Ordonnan de 1681, la perte ou détérioration aux trois quarts, à laquelle le Code se réduit, doivent s'entendre de la perte ou détérioration matérielle de l'objet, et non des pertes numériques que peut faire l'assuré, même par suite ou à l'occasion de l'événement qui donne lieu à l'abandon, encore moins on peut y comprendre le paiement du nolis, des primes d'assurance,

etc.

L'Ordonnance de 1681 disait: perte entière des effets assurés; le Code dit : perte ou détérioration des effets ́assurés; ces mots ne peuvent s'appliquer qu'à la disparition ou détérioration de l'objet, et non à des dépenses qui laissent subsister l'objet tel qu'il est, qui ne le détériorent point.

D'ailleurs, le droit d'abandon ne peut naître que de l'événement de mer et non de faits antérieurs ou postérieurs à cet événement.

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C'est la perte ou la détérioration que la marchandise souffre pendant la tempête ou autre événement de mer, qui doit déterminer cet abandon.

Si au sortir de l'événement, la moitié seulement de ma marchandise est perdue et que l'autre moitié soit demeurée entièrement sauve; si ma marchandise est gâtée, mais que le préjudice qu'elle a souffert n'aille pas à trois quarts de ce qu'elle vaudrait si elle n'avait point éprouvé de fortune de mer, il n'y a plus lieu au délaissement, ce n'est qu'un dommage tombant en avaries.

Telle est l'expression de la loi » perte ou détérioration » (à trois quarts ) des effets assurés ; » article 369 » tous » autres dommages sont réputés avaries, art. 371. »

On ne peut, par des dépenses faites après l'événement, convertir, en cas d'abandon, un fait qui par lui-même esz un simple cas d'avarie.

Les dépenses elles-mêmes sont simples avaries, on ne peut de deux cas d'avaries en faire un de délaissement; le Code n'a pas dit qu'il y aurait lieu à délaissement quand le montant des avaries excéderait les trois quarts de la valeur de l'objet assuré; il a laissé les dépenses extraordinaires quelles qu'elles soient, et sans distinction, dans la classe des avaries, il n'a attaché la faculté d'abandon qu'à la perte ou détérioration des effets eux-mêmes; on ne peut sortir de ce cercle.

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De l'Innavigabilité.

L'INNAVIGABILITÉ est un des cas d'abandon le plus sujet à des difficultés, ce qui m'a fait renvoyer à ce supplément (Voyez n.os 66, 70, 120 et not. ) pour en traiter avec plus d'étendue.

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Emerigon, ass. chap. 12 sect. 38, définit ce cas » une » dégradation absolue, ou un défaut irrémédiable de quel» qu'une des parties essentielles du navire, sans lesquelles » il ne saurait subsister comme tel ni remplir l'objet de sa » destination. >>

Cet état du navire peut provenir ou de son dépérissement naturel, de son vice propre, ou de quelque fortune de mer.

Il est dans les principes du contrat d'assurance, que l'assureur ne réponde pas de l'événement dans le premier cas,

( Voy. n.o 66, not. B, Code de comm. art 352) il en est incontestablement responsable dans le second. Voy. n.o 61 not., Code de comm. art. 350.

L'Ordonnance de 1681 n'avait point mis l'innavigabilité au nombre des cas d'abandon; mais la jurisprudence l'y avait compris malgré les expressions limitatives de la loi.

» Nos auteurs, dit Emerigon, comparent ce cas au nau» frage; voilà pourquoi l'article 46 de l'Ordonnance a omis de l'insérer spécifiquement parmi les sinistres qui donnent » lieu au délaissement. >>

On a pu considérer aussi l'innavigabilité comme une perte entière, puisque le navire innavigable cesse d'exister comme navire, et est entièrement perdu comme tel.

Quelqu'ait été le motif de la jurisprudence, elle a toujours incontestablement mis l'innavigabilité par fortune de mer au nombre des cas d'abandon. -*

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Les difficultés consistaient et consistent encore à savoir quand et sur quelles preuves l'innavigabilité doit être censée procéder de fortune de mer ou du vice de la chose.

Il me paraît ici important de remonter aux principes, et de suivre les divers états de la jurisprudence.

La faculté d'abandon étant attachée à l'innavigabilité par fortune de mer, il semble que, par une conséquence nécessaire, l'asssuré doive, pour être admis à faire abandon, prouver non seulement qu'il y a innavigabilité, mais encore que cette innavigabilité procède de fortune de mer, qui fundat se in dispositione qualificatâ, debet probare dispositionem et qualitatem.

Casaregis, disc. 142, parle dans le sens de cette règle, et cite à l'appui une décision de la Rote de Florence du 31 juillet 1726, qui rejète la demande en abandon, parce que

l'assuré prouvait bien qu'il y avait innavigabilité, mais non que cette innavigabilité procédât de fortune de mer; à défaut de preuve, dit-il, l'innavigabilité doit être censée provenir du vice de la chose. Sola possibilitas in contrarium sufficit ad hoc ut probatio non dicatur sufficiens; Præsertim quia hic, per sententiam consulis, fuit declarata navis innavigabilis, nullâ factâ mentione de infortunio maris, et nullo præçedente consulatu; proptereà solùm modo lata præsumitur sententia declaratoria innavigabilitatis, et non ex causâ adversitatis maris de quâ nulla fuit facta mentio.

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Valin, sur les articles 29 et 46 de l'Ordonnance, tom. 2 pag. 75 et 98, pense, comme Casaregis, que l'innavigabilité, lorsqu'il n'y a pas de preuve contraire, est censée procéder du více de la chose, et que c'est à l'assuré à fournir la preuve qu'elle procède de fortune de mer.

Cependant un système contraire avait prévalu.

Il en résultait les abus les plus graves.

Un navire partait en bon ou mauvais état, il relâchait dans un des ports de la route; là il était fait une procédure à la suite de laquelle le navire était déclaré innavigable; bien qu'il n'y eût aucune preuve que l'innavigabilité procédât de fortune de mer, bien que les vices qui constituaient l'innavigabilité fussent de nature à se rapporter à la vétusté ou à quelqu'autre cause propre au navire, l'abandon était admis; telle était du moins la jurisprudence de l'Amirauté de Marseille et de la Cour du Parlement d'Aix, attestée par Emerigon, ass. ch. Iz sect. 38.

Il arrivait, au moyen de cela, qu'un armateur de mauvaise foi, mettait en mer un vieux bâtiment qu'il appréciait dans la police comme il aurait fait un neuf; il stipulair que l'estimation était ainsi convenue avec les assureurs, clause qui leur ôte la faculté de revenir (Voy. n.o 159,

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