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not,) et qu'ils sont néanmoins très-faciles à admettre. Ce bâtiment assez en état pour faire sa sortie du port du départ et effectuer une partie du voyage, relâchait, sous quelque prétexte ou à la première tourmente, dans quelque port de la route. Là un rapport d'experts estimait le navire innavigable, un jugement le déclarait tel, et avec ce titre, l'assuré recevait de ses assureurs, le prix de son vieux navire, avec lequel il en fesait construire un neuf.

Cet abus et d'autres relatifs à la matière du délaissement, excitèrent l'attention du Gouvernement.

Il paraît que M. le Procureur général près le Parlement de Provence, consulté par le Gouvernement, réunit à Marseille un comité de personnes instruites sur la matière des assurances, pour avoir leur avis.

Trois membres de ce comité pensèrent, comme Valin, Casaregis et la Rote de Florence, que les assureurs ne pouvaient être responsables de l'innavigabilité qu'autant que l'assuré prouverait qu'elle était arrivée par fortune de mer.

Emerigon qui était un des membres du comité, n'approuvait pas cette opinion,» susceptible, dit-il, de grandes » difficultés dans la pratique, attendu que les circonstances » du fait varient à l'infini; les règles les plus simples sont, » disait-il, toujours les meilleures en matière de commer2) ce.» Voy. Emerigon, ass. chap. 12, sect. 38.

Le procureur général, M. de Castillon, magistrat distingué, transmit au Gouvernement les observations qui lui étaient faites, et y ajouta les siennes,

Il est vraisemblable que le Gouvernement prit les mêmes moyens d'instruction près les autres Cours, Tribunaux et Villes maritimes de la France.

Quoiqu'il en soit, on vit bientôt paraître la déclaration

du

da

17

août 1779 portant règlement sur divers points relatifs

à l'innavigabilité, à l'échouement, etc.

1. Cette déclaration met expressément l'innavigabilité au nombre des cas d'abandon.

2. Elle en fixe le caractère, en déclarant le droit d'abandon ouvert dans le cas où le navire aurait été, par fortune de mer, mis hors d'état de continuer sa navigation, et aurait été condamné en conséquence.

3. Elle prend des précautions pour s'assurer que le navire ne partira point sans être en bon état de navigation.

Diverses lois ou règlemens (19 juillet 1708, mai 1711, mars 1716, 12 janvier 1717, etc.), avaient soumis les capitaines à faire visiter leurs navires, avant le départ; mais c'étaient des mesures de police nautique, qu'on avait considérées comme étrangères à l'assurance et au commerce maritime; la déclaration du 17 août 1779 établit la nécessité des visites dans l'intérêt des assurés et des assureurs ; elle en exige une lors du de départ, avant de prendre charge, et une seconde au moment du retour pour les voyages de long cours, et après un an, pour les navires fesant le cabotage.

Cette seconde visite est à l'effet de constater les avaries qui pourront être survenues par le vice propre du navire ou par fortune de mer.

Enfin elle déclare, article 4, que » les assurés ne seront » admis à faire le délaissement, qu'en représentant les pro» cès verbaux de visite ordonnés. >>

2

Par ces dispositions, la loi met à la charge des assurés, la preuve du bon état du navire lorsqu'il met en mer et leur désigne l'espèce de preuve qu'ils sont tenus de rapporter. » Faute de représenter ces procès verbaux de visite, dit » Emerigon, l'innavigabilité est présumée provenir du vice » propre du vaisseau, cette présomption est juris et de jure,

Dd

puisqu'elle est prononcée par le législateur, elle dispense » les assureurs de toute autre preuve. »

Les procès verbaux existans, il y a lieu à l'abandon, si, depuis le départ, le navire est devenu innavigable par fortune `de mer, et s'il a été condamné en conséquence. Déclaration de 1779 art. 3.

Mais sur quoi jugera t-on que le navire est devenu innavigable par fortune de mer? Emerigon qui, contre l'avis de ses trois collègues (rappelé pag. 432 ), tenait, avant la déclaration de 1779, que l'innavigabilité survenue en mer devait être présumée fatale, a cru trouver dans cette déclaration, des motifs de se raffermir dans son opinion.

» Par le moyen des visites que la déclaration de 1779 » prescrit, on est, dit-il, légalement certain que tout » vaisseau qui met à la voile, est en bon état de navigation; » d'où il suit que si dans le cours du voyage, il devient »innavigable, cet accident doit être présumé fatal, à moins

» que

les assureurs ne prouvent le contraire. »

Dans ce système, l'assureur peut bien faire la preuve contraire aux procès verbaux qui sont faits sans lui, et ne peuvent par conséquent former une preuve absolue contre lui; mais il n'a d'autre ressource que cette preuve, et elle doit être que le navire était innavigable avant le départ ; pour l'établir, il faut détruire la foi due aux procès verbaux qui sont une pièce légale, et prouver que les experts ont prévariqué ou se sont trompés ; à défaut l'innavigabilité quelle qu'elle soit reconnue en route, donne lieu au délaissement; mais cette preuve que les experts ont prévariqué ou se sont trompés, est à-peu-près impossible à rapporter long-tems après le procès verbal, et lorsque le navire n'existe plus.

Il suit de là que, le procès verbal de visite existant,

toute innavigabilité reconnue en route demeure à la charge des assureurs.

Est-ce bien là le vœu de la déclaration du 17 août 1779 ? Emerigon suppose que cette loi n'a fait à l'ancienne jurisprudence, d'autre changement que celui d'exiger les procès verbaux de visite.

» Ainsi, ajoute-t-il, pourvu que les rapports de visite » ne soient pas négligés, notre jurisprudence actuelle sub>> siste dans toute sa force. »>

Il rapporte divers jugemens et arrêts à l'appui de cette jurisprudence; mais tous sont antérieurs à la déclaration du 17 août 1779.

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On peut donc toujours demander la déclaration de 1779 n'a-t-elle pas dérogé à l'ancienne jurisprudence?

Suffit-il , pour donner lieu au délaissement, que l'innavigabilité se soit manifestée où ait commencé d'exister en route ?

Ne faut-il pas encore qu'il apparaisse que cette innavigabilité procède de fortune de mer et non de quefque vice, de la vétusté ou de la dégradation ordinaire et naturelle du navire ?

Ne doit-on pas l'attribuer à cette dernière cause, lorsqu'il n'apparait pas que quelque fortune de mer ait donné lieu à l'innavigabilité ?

Après même que des experts intelligens, attentifs et de bonne foi, auront reconnu un navire en bon état de navigation au moment du départ, l'innavigabilité manifestée en route peut proceder de trois causes.

Ou de quelque vicé caché, soit dans l'intérieur des pièces soit dans des pièces internes, qui n'aura pas été apperçu les experts, et dont le développement fera reconnaître le navire innavigable en route.

par

Ou de l'usage et dépérissement naturel du navire, qui est une cause toujours agissante, mais dont les effets sont plus ou moins prompts, et peuvent en route comme ailleurs, amener le terme de la vie du navire.

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Ou enfin de quelque fortune de mer qui aura endommagé le navire ou quelqu'une de ses parties essentielles, et l'aura rendu innavigable en route.

Il est contre les principes du contrat d'assurance, que l'assureur soit rendu responsable de la perte du navire, procédant des deux premières causes.

L'Ordonnance de 1681 ass, art. 29 déclare expressément que les déchets, diminutions et pertes qui arrivent par le vice propre de la chose..... ne sont point à la charge des assureurs.

La déclaration de 1779 conforme à ces principes, limite (art. 4) la responsabilité des assureurs, au cas d'innavigabilité par fortune de mer; comment peut-on, sans contrarier ces lois, mettre à leur charge l'innavigabilité qui procède d'autre cause?

Emerigon ne contredit pas cette conséquence; mais il faut, dit-il, au commerce des règles simples, et c'est pour éviter des discussions, qu'il présume l'innavigabilité provenue de fortune de mer, par cela seul qu'elle est arrivée en mer; de plus il suppose que la déclaration de 1779 n'a rien de contraire à cette présomption.

Mais quelque, avantage qu'on puisse trouver à avoir des règles simples, il ne les faut pas injustes; Emerigon luimême convient des abus que l'on reprochait à la jurispru dence qu'il soutient.

N'est-ce pas pour faire cesser ces abus, que la déclaration de 1779 a été provoquée ; n'est-ce pas pour les réprimer, qu'elle a été rendue ?

Le législateur à qui on les a fair connaître, a-t-il en

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