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» présomption légale, par cela seul qu'elle ne l'a pas ad» mise et qu'elle a, au contraire, soumis l'assuré à prouver

le sinistre, tandis qu'il en était dispensé par la jurispru»dence qui présumait l'innavigabilité fatale.

» La déclaration veut tellement que la preuve de la for» tune de mer soit fournie par l'assuré, qu'elle veut de » plus que le navire soit condamné en conséquence. Or, c'est » l'assuré ou son capitaine qui requiert la condamnation, » qui la provoque à l'insçu des assureurs, et, puisque la » condamnation ne doit être prononcée que lorsque le » navire a été mis hors d'état de continuer sa navigation » par fortune de mer il est évident que l'assuré a dû » fournir aux juges la preuve de la fortune de mer, pour » obtenir la condamnation du navire, et avoir droit à >> l'action en abandon.

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» Le sieur Paillason veut rejeter cette preuve sur les assu»reurs ; il a soutenu cependant que les assureurs ne peuvent » l'obliger de justifier des événemens survenus en mer, par » des consulats; que les experts qui visitent le navire pour >> examiner s'il est devenu innavigable, n'ont pas besoin de » déclarer d'où provient l'innavigabilité, si c'est de fortune » de mer ou du vice propre du navire; que le juge qui » autorise la vente pour cause d'innavigabilité, n'a pas » besoin d'en exprimer la nature et les causes; et enfin, que » les assureurs ne peuvent pas attaquer le jugement, parce » que le navire ayant été vendu en conséquence, les choses ne sont plus en leur entier ; mais dans ce sens les assu>> reurs qui sont loin des événemens, qui ne suivent pas » le navire, seraient réduits à l'impossibilité de prouver » que l'innavigabilité prócède du vice propre du navire,

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puisque le navire n'existant plus, ne serait plus soumis » à leur examen, et qu'ils ne trouveraient aucun éclair

»cissement sur la nature de l'innavigabilité dans les pièces

» qui seraient fournies par l'assuré.

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» L'injustice excessive de ce système ne tend qu'à prou» ver davantage que c'est à l'assuré à justifier que l'iunavi» gabilité procède de fortune de mer, parce que lui seul » peut en fournir la preuve.

» L'absence de tout consulat, pendant le cours de la » navigation, ne peut que rendre suspecte la conduite d'un » capitaine. L'article 4, tit. 10 de l'Ordonnance de 1681, » fait un devoir aux capitaines de faire conster par des >> consulats, des événemens survenus en mer; l'article 5 » veut que les procès verbaux soient affirmés par l'équi> page, pour avoir foi en justice. Plusieurs arrêts cités » par Emerigon, traité des ass., tom. 2, pag. 100, don» nèrent gain aux assureurs sur le défaut de consulat ; il » en est un autre du 30 mai 1781 dans le journal du » Palais de Provence ; il s'agissait précisément, lors de ces » divers arrêts, d'abandon pour cause d'innavigabilité, de > naufrage, d'échouement.

» Ce n'est pas que les consulats soient liés au contrat » d'assurance, et qu'ils forment la preuve exclusive des >> fortunes de mer; cette preuve pourrait être fournie par » l'assuré, soit par le canal des procès verbaux de visite » prescrits par les articles 1 et 3 de la déclaration de 1779, » soit par les consulats ou les délibérations de l'état major » et gens de l'équipage, sur les événemens arrivés en mer, » soit par le rapport des experts et par le jugement qui >> condamnerait le navire.

» Mais, dans tous les cas, il faut que l'assuré prouve qu'il » y a innavigabilité survenue par fortune de mer. »

D'après ces motifs, par arrêt du 8 messidor an 12 la

Cour d'appel confirma le premier jugement qui rejetait la demande du sieur Paillasson.

Concluons qu'en l'état de la déclaration du 17 août 1779, l'innavigabilité donne lieu au délaissement du navire, lorsqu'elle procède de fortune de mer ;

Que c'est à l'assuré à prouver non seulement qu'il y a innavigabilité, mais encore que cette innavigabilité procède de fortune de mer; à défaut de quoi elle est censée procéder du vice ou du dépérissement naturel du navire; Que, , pour donner ouverture à l'action en délaissement, il faut que, sur la preuve fournie par l'assuré ou par le capitaine qui le représente, il ait été rendu, dans le lieu où l'innavigabilité s'est manifestée, un jugement qui déclare le navire ́innavigable, et qu'il apparaisse que cette innavigabilité procède de fortune de mer;

Qu'enfin l'assuré n'est recevable ni à faire le délaissement ni à alléguer l'innavigabilité procédant de fortune de mer, s'il n'a préalablement fait visiter le navire, et s'il ne rapporte les procès verbaux qui en constatent le bon état avant le départ, ou aux époques déterminées par la loi.

Telles sont les règles qui m'ont paru propres au cas d'innavigabilité, en me rapportant au droit commun et à la législation existante lors de la promulgation du Code de

commerce.

Le nouveau Code a peu de dispositions relatives au cas d'innavigabilité. Comme la déclaration de 1779, il met (a. 369) l'innavigabilité par fortune de mer, au nombre des cas de délaissement ; il rapporte à ce cas celui d'échouement, lorsque le navire échoué sans bris ne peut être relevé. » Le délaissement à titre d'innavigabilité, dit l'article 389, » ne peut être fait, si le navire échoué peut être relevé. » Ex contrariis le délaissement peut être fait à titre d'inna

vigabilité, si le navire échoué ne peut être relevé. Je renvoie à ce que j'ai dit dans la note sur n.o 120, en observant qu'à l'art. 389 transcrit dans cette note il a été omis ces mots essentiels, à titre d'innavigabilité.

Ajoutant à la signification ordinaire du mot innavigabilité (Voy. pag. 429) le nouveau sens que lui donne l'art. 389, on doir dire qu'il y a lieu à délaissement pour fait d'innagabilité, lorsque, par fortune de mer, le navire est mis hors d'état de poursuivre sa navigation, soit qu'endommagé dans sa totalité ou dans quelqu'une de ses parties essentielles, il ne puisse être reparé, soit qu'échoué sans bris, il ne puisse être relevé.

Nous avons vu que, par le droit commun et en l'état des lois existantes lorsque le Code de commerce a paru, c'était à l'assuré à prouver qu'il y avait innavigabilité, et que cette innavigabilité procédait de fortune de mer.

Cette obligation subsiste toujours, parce que le Code n'a rien ordonné qui déroge au droit commun duquel elle dérive; parce que au contraire, le Code soumet l'assuré à prouver la perte, c'est-à-dire, à rapporter la preuve du fait qui donne lieu au délaissement, et que, ce fait étant ici `l'innavigabilité par fortune de mer, l'assuré doit prouver cette innavigabilité, telle que la loi l'exige, c'est-à-dire, par fortune de mer.

Nous avons encore vu que, pour donner ouverture à l'action en délaissement, il fallait que, sur la preuve fournie par l'assuré ou par le capitaine, , que le navire est devenu innavigable par fortune de mer, un jugement rendu dans le lieu où se trouve le navire, le condamnât en conséquence.

Le Code n'a point ordonné cette condamnation du navire; mais il la suppose, en disant, article 390, » Si le » navire a été déclaré innavigable, l'assuré etc....» S'il faut

que l'innavigabilité soit déclarée, ce ne peut être qu'au requis de la partie intéressée, sur les preuves qu'elle fournit, le juge ou magistrat du lieu où est le navire, et dans le but qu'indique la loi.

par

La jurisprudence n'est donc point changée à cet égard. Enfin, d'après la déclaration de 1779, l'assuré n'était pas recevable à alléguer l'innavigabilité par fortune de mer, ni par conséquent à faire abandon pour cette cause, s'il ne rapportait les procès verbaux constatant la visite et le bon état du navire avant le départ.

Ici les expressions du Code ont donné lieu à de graves difficultés, et fait mettre en question s'il a étendu, limité ou laissé dans le même état, la jurisprudence établie par la déclaration du 17 août 1779.

Le Code a renouvellé, en termes à peu près équivalens, la disposition de cette déclaration, quant à la visite du navire avant le départ; il y est dit, art. 225, « Le capi»taine est tenu, avant de prendre charge, de faire visiter » son navire, aux termes et dans les formes prescrites par » les règlemens.

» Le procès verbal de visite est déposé au greffe du » Tribunal de commerce; il en est délivré extrait au ca

pitaine. >>

Cette obligation imposée au capitaine, dans le Code de commerce qui, comme nous l'avons vu dans le discours préliminaire, comme l'ont dit les rédacteurs du Code, n'a pour objet que le règlement des intérêts particuliers du commerce ne peut l'avoir été envain, et doit, en cas d'inobservation, donner des droits aux parties intéressées..

Le Code a déterminé ces droits, de la manière qui suit: article 228.» En cas de contravention aux obligations im» posées par les quatre articles précédens (l'art. 225 est

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