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à l'instant du changement. L'assuré doit la prime et l'assusureur est déchargé des événemens ultérieurs, il en est de même du déroutement ou changement volontaire de route.

Le changement forcé de voyage n'altère point le contrat ; les risques qu'il occasionne sont à la charge des assureurs, comme tous ceux qui résultent de la police; il en est de même, du changement forcé de route.

On trouve dans le Code un exemple du changement forcé de voyage, art. 279. » Dans le cas de blocus du port pour » lequel le navire est destiné, le capitaine est tenu, s'il n'a >> des ordres contraires, de se rendre dans un des ports » voisins de la même puissance, où il lui sera permis d'a>> border. »

Le voyage raccourci termine le risque en même tems qu'il termine le voyage. L'assuré doit la prime qui est indivisible, et l'assureur supporte les pertes et dommages qui ont eu lieu avant le risque terminé.

On a souvent confondu le voyage rompu ou la fausse désignation du voyage, avec le voyage raccourci.

Le voyage raccourci suppose le voyage résolu et commencé.

Un intéressé s'est fait assurer de Marseille à Lisbonne ; il a pris ses expéditions pour Lisbonne ; depuis, étant en route il a trouvé bon de terminer son voyage à Cadix; voilà le voyage raccourci.

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Mais si cet intéressé n'a jamais pris d'expéditions pour Lisbonne, ou si, les ayant prises, il a renoncé à ce voyage, avant le risque commencé, et a pris des expéditions pour Cadix, il y a fausse désignation ou rupture de voyage; le contrat est nul et inapplicable au voyage fait jusqu'à Cadix, quoique sur la route de Lisbonne.

L'assureur ne pourra pas dire à l'assuré, payez moi la

prime; il suffit, pour qu'elle me soit due, que le voyage ait été commencé, vous ne pouvez vous prévaloir de ce que vous l'avez terminé avant d'être au lieu de la destination.

Vous avez tort, répondra l'assuré, je n'ai jamais entrepris le voyage de Marseille à Lisbonne; mes expéditions. prouvent que mon intention n'a jamais été d'aller dans ce port; mon voyage est tout autre; le voyage assuré ou n'a jamais existé ou a été rompu, je vous dois seulement le demi pour cent du droit de ristourne; peu importe que le lieu de ma réelle destination soit sur la même route que celui du voyage assuré ; les expéditions que j'ai prises pour ce lieu, ne prouvent pas moins que j'ai renoncé au voyage assuré, le contrat est donc sans objet.

S'il en était autrement, on pourrait dire à un intéressé qui se serait fait assurer de sortie de Marseille pour les Indes, qui renonçant ensuite à ce voyage, aurait expédié son navire pour Barcelonne : vous étiez dans les limites du voyage assuré, le voyage est seulement raccourci, payez moi la prime. Cela n'est point et ne peut être dans le sens de la loi, ni dans les règles du contrat d'assurance.

Tout comme l'assureur ne pourrait pas légitimement demander la prime à l'assuré, celui-ci ne peut pas, en cas de perte, demander la somme assurée à l'assureur; le voyage n'existe pas; il n'y a pas de contrat ni d'obligation de part ni d'autre.

Ces règles ne se trouvent peut-être pas textuellement dans la loi; mais elles en découlent, elles tiennent aux principes du contrat d'assurance; elles sont appuyées de l'avis de tous les commentateurs et de la jurisprudence des Tribunaux.

La loi dit art. 349 (Ordon. 1681, ass. art. 37) » Si » le voyage est rompu avant le départ du vaisseau, même par le fait de l'assuré, l'assurance est annulée; l'assureur

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» reçoit, à titre d'indemnité, demi pour cent de la somme » assurée. »

Art. 364 (Ordon. 1681, ass. art. 36) » l'assureur est » déchargé des risques, et la prime lui est acquise, si l'assuré envoie le vaisseau en un lieu plus éloigné que celui qui » est désigné par le contrat, quoique sur la même route. » L'assurance a son entier effet, si le voyage est rac» courci. >>>

Valin s'explique ainsi sur ce dernier article, c'est-à-dire, sur l'art. 36 de l'Ordonnance, » Si donc l'assuré allonge

» le voyage, en envoyant le navire en un lieu plus éloigné

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que celui désigné par la police, quoique sur la même >> route il est tout naturel que l'assureur gagne sa prime, » et qu'il soit déchargé de tous risques, dès que le navire D sera parvenu à la hauteur du lieu désigné par la police.

Dans le cas contraire, l'assureur n'aura pas moins gagné » la prime, nonobstant le raccourcissement du voyage. C'est l'affaire de l'assuré, s'il a voulu abréger le voyage. Il a pû faire courir moins de risques à l'assureur; mais » il ne lui a pas été libre de les augmenter. »

Tout cela n'est applicable qu'à un voyage entrepris avec une destination conforme au voyage assuré, de laquelle l'assuré s'écarte en envoyant ensuite son navire plus loin, ou à laquelle il renonce en lui fesant terminer le voyage, avant qu'il soit au lieu pour lequel il l'avait destiné.

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On est au contraire, dans le cas du voyage rompu dont parle l'art. 349 ci-dessus (37 de l'Ordon. ), lorsqu'avant le départ, le navire prend ses expéditions, pour un autre lieu que celui désigné dans la police.

La circonstance que ces expéditions sont pour un lieu plus près, n'empêche point, comme il a été dit, qu'il n'y ait abandon du voyage assuré.

Ce n'est point ici, dit Emerigon, ass, chap. 13, >> sect. II, le cas du voyage raccourci, ni du voyage allongé; mais bien du voyage rompu avant le départ. » Dans ce cas, dit Casaregis, disc. 67, l'assurance est nulle, etiam si intrâ limites itineris navis se contineat.

Ces deux auteurs rapportent divers jugemens à l'appui des règles qu'ils établissent.

En voici un plus récent et bien précis du Tribunal de commerce de Marseille.

Le capitaine Giacopello commandant la felouque Notre Dame des Carmes, se proposant d'aller de Marseille à Naples, avait pris des marchandises, de divers, pour Livourne, Civita- Vecchia et Naples; les chargeurs s'étaient fait assurer, chacun pour le lieu de la destination de ses marchandises.

Cependant le capitaine prit des expéditions seulement Lerici lieu plus près de Marseille, que ceux des diverses destinations des marchandises.

pour

Quelques chargeurs se pourvurent contre lui et obtinrent le déchargement de leurs marchandises.

D'autres les laissèrent à bord.

Les assureurs se pourvurent contre ceux-ci pour faire déclarer l'assurance nulle.

Les chargeurs se défendirent en disant que des circonstances particulières avaient mis le capitaine dans le cas de ne prendre ses expéditions que pour Lerici; mais que là il entendait prendre de nouvelles expéditions pour Naples, de manière que ni lui ni eux n'avaient jamais perdu de vue le but du voyage assuré.

Qu'au surplus, si le navire terminait son voyage à Lerici, ce serait un voyage raccourci, et que la loi permettait de raccourcir le voyage.

Le Tribunal considéra, » en fait, que le voyage assuré » par les polices, est de Marseille à Livourne, Civita» Vecchia et Naples, et que par l'expédition délivrée par » la marine, le voyage n'est déterminé que de Marseille à » Lerici, et non à Livourne, Civita-Vecchia et Naples, »ports désignés par les polices d'assurance;

» Que n'y ayant pas d'identité entre le voyage assuré et » celui énoncé dans l'expédition, il résulte que le voyage >> assuré est rompu, et qu'il y a donc lieu à la nullité de » l'assurance, et au paiement du demi pour cent pour droit » de ristourne. »

D'après ces motifs, par jugement du 23 janvier 1808, le Tribunal » déclare nulles et non avenues, et comme telles » résilie toutes les assurances dont il s'agit, délie les parties » de leurs engagemens, et condamne les assurés au paiement du demi pour cent pour droit de ristourne, envers les

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Si l'assurance est nulle, lorsqu'il y a des expéditions qui dirigent le navire sur la même route, que celle du voyage assuré, quoique dans un lieu moins éloigné, elle l'est à plus forte raison, lorsque le lieu de la nouvelle destination s'écarte de cette route.

Le voyage assuré serait nul quand même le navire porteur d'expéditions pour un autre voyage que celui assuré, reprendrait la route pour ce voyage, ou que, se trouvant dans cette route, il pousserait jusqu'au lieu de la destination du assuré. Il faut, comme je l'ai dit, que le voyage voyage assuré concorde tant avec le voyage légal qu'avec le voyage réel du navire; n'y ayant pas, dans le cas supposé, conformité avec le voyage légal, et cette circonstance ayant opéré la nullité du contrat, on ne peut, par une disposition après coup, le faire revivre.

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