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aura assurés; elle ne dit point qu'il pourra ajouter à cette seconde assurance, celle d'une prime qu'il ne supporte point, puisqu'il la reçoit du premier assuré.

Enerigon cite à l'appui de son opinion un arrêt du Parle ment d'Aix, qui me paraît, bien extraordinaire.

» Roux avait assuré à Simon Gilly 2400 1. à la prime » de 12 pour cent, il se fit réassurer cette même somme » de 2400 1. sans déduction, à la prime de 90 pour » cent, avec addition de la prime de réassurance et des » primes des primes, ce qui lui formait un capital de » 24,000 1. Les navires assurés furent pris; Roux fit » demande à ses réassureurs, de la somme de 24,000 1., » sous la déduction de 1,600 1., montant de la prime » et des primes des primes; au moyen de quoi il lui » restait libre un capital de 2400 1. lui due somme par " » au premier assuré, mais sur laquelle il retenait le » bénéfice de 288 1. montant de la première prime.

» Les réassureurs opposèrent qu'il fallait déduire la >> valeur de cette prime et le prorata des primes de réas»surance; une sentence de l'amirauté de Marseille, » du 28 juillet 1761, fit droit à cette exception; mais >> il y eut appel et un arrêt du Parlement d'Aix, du 18 » juin 1762, condamna les réassureurs à payer à plein » et sans déduction les sommes par eux assurées. »

Nonobstant cet arrêt du Parlement et l'avis d'Emerigon, je persiste fortement dans mon opinion, conforme à celle de Pothier et de Valin; parce qu'il m'est évident qu'une réassurance dans laquelle sont comprises tout ensemble, la prime de l'assuré envers l'assureur, et celle du réassuré envers le réassureur, quoiqu'une seule soit en risque ; dans laquelle le réassuré gagne par la perte de la chose assurée et perd par son arrivée à bon port, est diamé

tralement opposée à l'esprit du contrat et à la lettre de la loi.

Les conséquences peuvent être poussées plus loin; car si le premier assureur peut se faire réassurer les mêmes effets avec le surcroît d'une seconde prime, le second assureur peut se faire réassurer encore en y ajoutant la valeur d'une troisième prime; on pourrait de la sorte accumuler des valeurs idéales, donner pour aliment à l'assurance des profits espérés ou des valeurs qui ne sont point en risque, et faire de ce contrat un jeu misérable et funeste, au mépris des principes et des lois.

Dans l'affaire de Roux et Gilly, le réassureur paraissait convenir et le premier jugement avait admis que le premier assureur payant au réassureur une plus forte prime q celle qu'il recevait du premier assuré, pouvait comprendre dans la réassurance, le surcroît de prime qui demeurait à sa charge.

Mais je ne suis pas même d'avis que l'assurance de cet excédant soit légitime, 1.° ce surcroît de prime que le réassuré supporte est, comme nous l'avons déjà dit, une perte actuelle, indépendante du bonheur ou du malheur de la navigation; elle n'est pas un objet en risque ; mais un objet déjà perdu; elle ne peut par conséquent pas devenir la matière du contrat d'assurance. 2. L'assurance d'un pareil objet dégénérerait en gageure et intervertirait l'objet du contrat d'assurance, puisque le réassuré trouverait son profit dans la perte de la chose assurée et perdrait à sa conservation.

La réassurance doit donc se borner aux objets assurés, elle peut être faite sans déduction de la prime donnée ou promise au premier assureur, mais aussi sans aucune

addition totale ni partielle de la prime qu'il supporte en

vers le second assureur.

La manière forte dont nos lois tant civiles 9 que commerciales (V. n.o 11 not., n.o 36 not. ), repoussent tout ce qui est pari, me confirment toujours plus dans cette opinion.

36. C'est par le même principe que l'Ordonnance, art. 15 (C. de c. 347), défend aux propriétaires et maîtres des navires de faire assurer le fret à faire de leurs bâtimens ; aux marchands, le profit espéré de leurs marchandises; aux gens de mer, les loyers qui ne leur séront dûs qu'à l'arrivée du vaisseau; parce que ce fret à faire, ce profit à espérer des marchandises, ces loyers, sont des gains qu'ils manquent de faire si le vaisseau ou les marchandises périssent, plutôt qu'une perte qu'ils courent risque de faire.

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L'ordonnance n'a 'parlé que du fret à faire, c'est-à-dire, de celui qui n'est pas encore dû au propriétaire navire, et qui ne lui sera dû qu'à l'arrivée du vaisseau. A l'égard du fret acquis, c'est-à-dire, de celui qui, aux termes de la convention entre le propriétaire du navire et le marchand, doit lui être payé à tout événement dans le cas de la perte du vaisseau et des marchandises, comme dans celui de l'heureuse arrivée, il est évident qu'il ne peut pas être matière d'assurance. de la part du propriétaire du navire, puisqu'il ne

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court aucun risque par rapport à ce fret; mais il peut être une matière d'assurance de la part du marchand qui fait assurer son chargement, ce fret faisant partie des dépenses que ce marchand court risque de perdre, en cas de perte du chargement.

L'exemple de quelques pays, entr'autres de l'Angleterre, où il est permis de faire assurer le fret à faire, le profit espéré des marchandises, le change maritime, etc., avait séduit quelques uns des tribunaux ou conseils de commerce, invités à donner leur avis sur le projet du code, et notamment les tribunaux ou conseils de commerce de Bordeaux > de Nantes, de Rochefort, qui demandaient que la même faculté existât en France. La cour de cassation inclinait pour cet avis. » C'est, disait-elle, aux négocians qu'il appar>> tient de décider; mais elle ajoutait, pourquoi défendre » d'assurer une partie du fret à faire par le navire; du » profit espéré des marchandises et du profit maritime des » sommes données à la grosse.

>> Toutes ces choses s'assurent en Angleterre ; est-il » politique d'obliger des Français à rechercher chez l'étran»ger, des assurances qu'ils ne peuvent obtenir en France?»

Ces motifs n'ont point ébloui les dernices rédacteurs du code, ils ont sagement rejetté ces espèces d'assurance, qui s'écartent du principe du contrat et présentent beaucoup d'inconvéniens avec très-peu d'utilité.

Ils s'en sont rigoureusement tenus au principe qui, comme nous l'avons déjà dit, veut que l'assurance soit un moyen de conservation et non de bénéfice. En conséquence le Code de commerce art. 347,

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décláre : » le

>> contrat d'assurance nul, s'il a pour objet le fret des » marchandises existantes à bord du navire, le profit

» espéré des marchandises les loyer's des gens de mer, » les profits maritimes des sommes prêtées à la grosse. » Mais certe nullité ne souffre-t-elle aucune limitation, quant au fret.

La déclaration du 17 août 1779, concernant les assurances, art. 6, portait ces dispositions:

>> Le fret acquis pourra être assuré et ne pourra » faire partie du délaissement du navire, s'il n'est expres» sément compris dans la police d'assurance; mais le fret » à faire appartiendra aux assureurs comme fesant partie » du délaissement, s'il n'y a clause contraire dans la police » d'assurance.

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» Ce fret acquis, susceptible d'être assuré, a nous » dit Emer., T. 2, p. 628, beaucoup exercé les négo»cians et les jurisconsultes à Marseille. J'ai tourné, » ajoute-t-il, en toute manière l'article ci-dessus

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je ne

>> me flatte pas d'en avoir pénétré le sens. » V. Em. ass. ch. 8, sect. 8; ch. 17, sect. 9, Gr. ch. sec. 2.

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La difficulté venait de ce qu'on voulait considérer l'article ci-dessus, comme autorisant le propriétaire du navire à faire assurer le fret acquis, et qu'on ne trouvait pas à appliquer une pareille disposition dans la signification connue de ce mot.

Emerigon, ch. 8, sect. 8, §. 3, propose, d'après un négociant, une interprétation de la loi qui tendrait à faire considérer comme fret acquis, susceptible d'assurance de la part du propriétaire du navire, celui qui aurait été dû dans un lieu de relâche si le navire s'y était arrêté. Par exemple, un propriétaire fréte son navire venant du Havre, moyennant un nolis de 10,000 f. s'il décharge à Bordeaux, et de 18,000 f. s'il vient jusqu'à Marseille; le navire relâche à Bordeaux, mais, d'après les ordres des

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