Page images
PDF
EPUB

38. Une prise que fait en tems de guerre un vaisseau corsaire, autorisé pour aller en course, est un profit acquis aussi-tôt qu'elle est faite ; c'est pourquoi le propriétaire du vaisseau corsaire peut la faire assurer contre les dangers qu'elle court, jusqu'à ce qu'elle soit amenée dans un port de France.

39. A l'égard des loyers des gens de mer, qu'ils ne doivent exiger qu'en cas d'heureuse arrivée outre la raison tirée du principe ci-dessus rapporté, il y en a une autre pour laquelle l'Ordonnance leur défend de faire assurer leurs loyers; c'est de peur qu'en étant assurés, ils eussent moins de soin pour la conservation du vaisseau, à laquelle ils n'auraient plus d'intérêt.

40. C'est par une raison semblable que l'Ordonnance, art. 19, ne permet aux gens qui sont dans le vaisseau, d'assurer les effets qu'ils y ont que sous la déduction d'un dixième, qui doit demeurer à leurs risques, afin que cet intérêt qu'ils conservent pour un dixième, les porte à prendre pour la conservation du vaisseau, un soin qu'ils pourraient ne pas prendre, s'ils n'étaient sujets à aucun risque, tout ce qu'ils y ont étant assuré.

L'Ordonnance, art. 19, ordonne la même chose à l'égard du propriétaire du vaisseau, sans distinguer, comme à l'égard des autres assurés, s'il est dans le vaisseau ou non: Si les assurés sont

[ocr errors]

dans le vaisseau, ou qu'ils en soient les propriétaires. La raison est que, quoique le propriétaire du vaisseau ne soit pas lui-même dans le vaisseau, il y a lieu de craindre que le maître qu'il y a préposé, et qui est son homme, n'ait pas le même soin pour la conservation du vaisseau, à laquelle il saurait que son commettant n'a plus d'intérêt. Tout ceci est tiré des articles 18 et 19 du titre des Assurances, où il est dit: » Les assurés courent » toujours risque du dixième des effets qu'ils au»ront chargés, s'il n'y a déclaration expresse » dans la police, qu'ils entendent faire assurer le

[ocr errors]

» total. » Art. 18.

» Et si les assurés sont dans le vaisseau, ou » qu'ils en soient les propriétaires, ils ne laisse>>ront pas de courir le risque du dixième, encore » qu'ils aient déclaré faire assurer le total ». Art. 19.

M. Valin observe que dans l'usage, on contrevient souvent à ce qui est porté par la fin de 'cet article, encore qu'ils aient: mais je ne crois

pas que les Tribunaux, si l'affaire y était portée,

autorisassent des déclarations faites contre la disposition de cet article; un usage aussi contraire à la loi est un abus.

Pothier a raison de dire que l'usage dont parle Valin ne devait pas être légitimé par les Tribunaux. Em. ass. ch. 8, sect. 7, le condamne également; ni l'usage ni les Tribu

[ocr errors]

naux ne l'avaient autorisé à Marseille ; néanmoins cette réserve du dixième, qui parait avoir pour objet d'intéresser l'assuré à la conservation de la chose assurée, était une précaution inutile et gênante envers les assurés de bonne foi, vaine et illusoire envers ceux qui ne l'étaient pas; elle donnait lieu à des difficultés et à d'onéreuses discussions. Voyez Em. ch. 8, sect. 7. Le Code de commerce a mis sagement à l'écart cette disposition de l'Ord. de 1681, en permettant, (art. 334, 335) sans exception ni limitation, l'assurance de la totalité des objets qui en sont susceptibles.

41. A l'égard des autres personnes qui ne sont pas sur le vaisseau, et qui n'en son propriétaires pour aucune partie, ils peuvent faire assurer pour le total, les effets qu'ils y ont, sans aucune déduc-' tion du dixième. Mais il faut pour cela qu'il y en ait une déclaration expresse par l'acte ou police d'assurance, sans quoi les assurés doivent courir le risque du dixième desdits effets.

Voyez note sur n. 40.

42. Lorsque le propriétaire d'un vaisseau a fait assurer pour une somme de soixante mille livres son vaisseau qui en vaut cent, et sa cargaison, qui est de valeur de cent mille livres, pour une somme de cent mille livres, l'assureur peut-il en cas de perte du vaisseau et de la cargaison lui retenir le dixième des cent mille livres, prix de la cargaison, comme devant être à ses risques?

[ocr errors]

Valin, qui se propose cette question sur l'article 18 de l'Ordonnance, fait cette distinction: Si ces assurances ont été faites par un même contrat, l'assureur n'est pas fondé à retenir le dixième de la somme de cent mille livres assurée pour le prix de la cargaison, parce que cet armateur n'ayant fait assurer que pour une somme de soixante mille livres son vaisseau, qui en valait cent mille,, il se trouve avoir couru le risque d'une somme de quarante mille livres pour l'excédant de la valeur du yaisseau, laquelle somme de quarante mille livres est pl que le dixième de celle de deux cent mille livres, à laquelle montaient tous ses effets qu'il a fait assurer. Mais si c'est par deux contrats différens qu'il a fait assurer son vaisseau et la cargaison, il décide que l'assureur est en ce fondé à retenir le dixième de la somme pour laquelle la cargaison a été assurée, l'assuré ayant dû porter le risque du dixième de cette cargaison, sans qu'il puisse imputer sur le dixième dont il doit courir le risque, la partie pour laquelle il court le risque de la valeur du vaisseau, le vaisseau étant quelque chose dont il n'a pas été question dans la police d'assurance de la cargaison. Il dit que cela a été ainsi jugé par une sentence arbitrale rendue à Marseille, le 11 septembre 1749. Cette décision ne me paraît pas juste. Le dixième dont l'Ordonance veut que les

assurés courent le risque, est le dixième, non des effets qu'ils ont fait assurer, et qui sont compris dans la police, mais le dixième de ceux qu'ils ont sur le vaisseau. L'Ordonnance dit : Les assurés courent le risque du dixième des effets QU'ILS AURONT CHARGÉS.

Em. ass., ch. 8, sect. 7, cite une seconde décision

conforme à celle rapportée par Valin, néanmoins il se range de l'avis de Pothier.

Quoique d'après les dispositions de l'art. 335 du Code (voyez n.o 40, not.) la question devienne inutile, en ce qui concerne la réserve du dixième nous croyons devoir rélever l'erreur qui nous parait être dans la solution, par rapport au principe adopté par Pothier et par Emerigon; ils se sont, à mon avis, attachés à une vaine subtilité, lorsqu'ils ont dit que l'Ordonnance parlait du dixième des effets chargés et non des effets assurés; car entre l'assureur et l'assuré, on ne peut entendre par effets chargés que ceux qui sont l'objet de l'assurance; et cela a lieu non seulement quand il y a un objet assuré et l'autre non; ou quand il y a une police différente pour chaque objet; mais encore lorsque dans la même police on a fait assurer séparément les deux objets ( ainsi qu'il a toujours été permis et qu'il est confirmé par le Cod., art. 333), lors, par exemple, que par une même police on a fait assurer 10,000 fr. sur le navire, et 6000 fr. sur les facultés, ou 10,000 fr. sur des sucres et 6000 fr. sur des indigos; car cela forme deux contrats qui, quoique réunis en un même écrit, ne sont pas moins étrangers l'un à l'autre. C'est précisément dans l'hypothèse

1

« PreviousContinue »