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extrémité, à moins que le capitaine n'ait trouvé le moyen de faire sortir tout son monde, du navire avant que le feu y prît. Le capitaine ayant eu cette précaution, fait brûler le vaisseau. On demande si les assureurs peuvent se défendre d'en supporter la perte, sur le prétexte qu'elle est arrivée par le fait du capitaine. Je pense que les assureurs la doivent supporter, et qu'ils ne peuvent opposer qu'il a été brûlé par le fait du capitaine; car le capitaine a eu un juste sujet de le brûler: et quand même le navire n'aurait pas été incendié, il n'en aurait pas moins été perdu, puisqu'on suppose que la prise en eût été sans cela iné.itable.

L'Ordonnance sur la marine militaire du 25 mars 1765, fait une loi au capitaine qui ne peut plus résister, de brûler ou couler bas son vaisseau pour en priver l'ennemi, s'il peut le faire en sauvant l'équipage.

La même conduite ne peut être blamée dans un capitaine marchand qui se trouve dans la même extrêmitè, et par cela même qu'on ne peut considérer l'acte du capitaine comme un fait de baratterie, les assureurs sont tenus de l'événement.

Ainsi jugé par un arrêt du Parlement de Bordeaux du 7 septembre 1747, et par un du Parlement d'Aix dù 30 mars 1748, rapportés l'un et l'autre dans Emerigon, chap. 12, sect. 17, §. 5.

54. Prises. L'assureur en est tenu, soit que la prise en ait été faite de bonne guerre, soit qu'elle

ait été injuste, soit qu'elle ait été faite par hostilité ou par brigandage; car de quelque manière qu'elle ait été faite, c'est une fortune de mer: or les assureurs sont tenus de toutes les fortunes de mer.

Quid, si les assureurs mettaient en fait que le vaisseau a été pris par la lâcheté et la poltronnerie du capitaine, qui a rendu le vaisseau au premier coup de canon, lorsqu'il pouvait se défendre? On m'a assuré que dans les Tribunaux on n'admettrait pas cette preuve, et que le capitaine qui s'était rendu, était présumé n'avoir pu faire autrement.

Le capitaine est responsable et l'assureur déchargé, si la prise est évidemment de sa faute. Si, par exemple, n'étant pas armé en guerre il va lui-même attaquer l'ennemi, si devant aller sous escorte il s'en est écarté volontairement, etc. (Voyez Emerig., Ass. ch. 12, sect. 18.)

55. Pillage. La perte des effets assurés qui arrive par le pillage qui en est fait en cas de naufrage par des pillards, sur le rivage sur lequel le flot les a jetés, est une fortune de mer que les assureurs doivent supporter.

56. Arrêt de Prince. L'arrêt diffère de la prise. La prise d'un vaisseau se fait en pleine mer; l'arrêt se fait dans un port ou une rade où le vaisseau se trouve.

L'Ordonnance rapporte entre les différentes

espèces

espèces de fortunes de mer qui doivent tomber sur les assureurs, l'arrêt de Prince: il y a néanmoins à cet égard plusieurs distinctions à faire. Cet arrêt se fait, ou en pays étranger, par les ordres d'un Prince étranger, ou dans un port du royaume, par les ordres du Roi.

Au premier cas, lorsque c'est en pays étranger, et par l'ordre d'un Prince étranger que l'arrêt a été fait, il faut encore distinguer en quelle circonstance il a été fait, et s'il y a espérance, ou non, d'en avoir main-levée. Lorsque l'arrêt a été fait après une déclaration de guerre, ou en vertu de lettres de représailles, c'est une fortune de mer à la charge des assureurs; et l'assuré peut incontinent, quand même la confiscation n'aurait pas encore été prononcée, faire aux assureurs l'abandon des marchandises assurées, et exiger d'eux la somme assurée.

Mais lorsque l'arrêt a été fait en tems de paix, comme il y a en ce cas espérance d'une mainlevée de l'arrêt, cet arrêt n'est pas réputé incontinent une fortune de mer, dont les assureurs doivent se charger; et l'assuré n'est pas fondé incontinent à demander la somme assurée, abandonnant aux assureurs les effets assurés; il ne peut faire cet abandon qu'au bout d'un certain tems réglé par l'Ordonnance, lorsqu'il n'a pu pendant ce tems obtenir la main-levée de l'arrêt, et

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qu'il justifie des diligences qu'il est tenu de faire pour cela, suivant l'article 51 du titre des assurances.

C. de c. 388 ) Ce tems est de six mois, du jour de la signification de l'arrêt du vaisseau faite aux. assureurs, lorsque l'arrêt a été fait en Europe ou en Barbarie, et d'un an lorsqu'il a été fait en pays plus éloigné. Art. 49 (C. de c. 387).

Lorsque les effets assurés sont des marchandises périssables, le délai n'est que de six semaines au lieu de six mois, ou de trois mois au lieu d'un an. Art. 50 (C. de c. 387).

La distinction que fait Pothier dans la première partie de cet article est absolument fausse; quoiqu'ordinairement la prise se fasse en pleine mer et l'arrêt dans un port, néanmoins ce n'est pas la circonstance du lieu qui détermine le caractère de la prise ou de l'arrêt.

La prise est l'acte d'un ennemi, d'un pirate ou autre qui s'empare du navire ou du chargement, comme d'une proie qu'il entend s'approprier.

L'arrêt de Prince est un acte d'un Prince ami ou du gouvernement même dont on dépend, qui pour nécessité publique arrête quelque vaisseau ou plusieurs, dans le dessein de les rendre ou de payer lá valeur, soit du navire, soit des marchandises retenues pour l'usage du gouvernement qui a fait l'arrêt.

L'ennemi qui s'emparera dans un port d'un navire que l'ignorance du capitaine ou un cas fortuit y aura amené, fera une prise.

On doit de même mettre au rang des prises la retention que l'ennemi fait dans son port, d'un navire, après

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une déclaration de guerre ou en vertu de lettres de représailles, et ce cas comme l'observe Pothier dans cet 'article même, donne incontinent lieu à l'abandon, ce qui ne serait pas, si on devait le considérer comme simple arrêt de Prince. Voyez Ordonnance de la marine, ass. art. 50, 51 (Code de com., 387, 388 ).

Au contraire, si un gouvernement ami arrête mon navire en pleine mer, dans un cas de nécessité, et dans l'intention de rendre ou de payer, il faudra suivre les règles de l'Ordonnance relatives à l'arrêt de Prince.

sect. 30, §. 1, en cite un exemple

Emerigon, ch. 12 d'après Roccus, note 60.

>> La disette était à Corfou, les galères de Venise >> rencontrèrent en pleine mer un bâtiment Gênois, chargé » de blé, elles l'arrêtèrent et le firent aller à Corfou, » où le blé fut vendu et payé.

» Les assureurs sur le corps furent attaqués de la part » des assurés. Ceux-ci soutenaient que le navire avait été » pris par les Vénitiens et qu'on était en droit d'en faire » le délaissement. Les assureurs répondirent que c'était » un simple arrêt de Prince, dont l'objet avait été non » de prendre le navire, mais d'acheter le blé nécessaire » au public. Diversio factà fuit non ad capiendam navim, » sed ob publicam utilitatem grani consequendi causâ licuit » frumenta accipere soluto pretio ; que le capitaine n'avait » jamais cessé d'avoir le commandement de son navire, » Patronus navis semper in suo patronatu stetit cum suis » falcimentis. Les assureurs obtinrent gain de cause. Rote » de Gênes, déc. 62. »

Le caractère de la prise ou de l'arrêt ne sont point changés par les événemens subséquents; si le navire dont on s'est emparé comine ennemi, ou parce qu'il s'est trouvé dans

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