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qui rapprochées par lui, se donnent en quelque "sorte la main, d'un bout du monde à l'autre.

Mais ce qu'il y a d'admirable, est que ces assureurs qui prènent sur eux le risque de tant de navigations, le poids de tant de fortunes exposées aux dangers de la mer, le font, pour ainsi dire, sans que ce poids se fasse sentir sur eux, et en se procurant (s'ils savent se conduire avec sagesse et intelligence) un bénéfice d'autant plus certain que leurs risques sont plus multipliés.

En effet, ou ces risques sont supportés par des compagnies composées de plusieurs intéressés et pour lesquelles l'assurance d'une expédition quoique importante, n'est qu'une charge légère.

Ou, ce qui est plus ordinaire, le risque de chaque expédition se divise entre plusieurs assureurs qui interviennent dans le même acte, sans qu'il y ait entre eux aucune solidarité, et dont chacun prend un engagement proportionné à ses moyens ou à l'étendue qu'il veut donner à sa responsabilité. C'est peu pour chaque assureur, tous ensemble remplissent l'objet entier de l'assuré.

Cependant chaque assureur, chaque compagnie d'assurance répète la même opération envers plusieurs assurés, sur plusieurs navires, pour différens voyages; ses risques se multiplient; mais de cette multiplicité même naît une compensation des chances, à la suite de laquelle, l'assureur recueille le

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bénéfice résultant du juste excès de proportion qu'il a soin de maintenir entre le prix de chaque assurance et le risque qui en est l'objet.

C'est ainsi que l'assureur, en fesant son propre avantage, vient au secours du sage et laborieux négociant dont il répare les pertes, lorsque ses expéditions n'arrivent pas à bon port ; et qui, si ces expéditions sont heureuses, paye le risque couru, par une prime qui, hors les cas extraordinaires, n'est qu'une faible ou médiocre portion de scs bénéfices. Ce n'est pas sans peine que l'assureur obtient de pareils résultats.

Les spéculations des assureurs, dit Emerigon (1), sont l'ouvrage du génie. Il doit faire l'analyse des hasards, et posséder la science du calcul des probabilités. Il faut qu'il apprécie l'inconstance des élémens et des saisons; la variété des mers, des ports et des côtes; les dangers des courans, des tempêtes et des écueils; ceux des pirates; le génie des peuples chez lesquels le navire doit aborder; la politique des gouvernemens; l'état de paix ou de guerre existant entre eux au moment de l'assurance, ou qui peut survenir après; le caractère plus ou moins. grave que la guerre peut avoir.

Il doit considérer de plus, si le navire sur lequel

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il assure est bon ou mauvais, propre où non à la navigation entreprise, bién ou mal commandé.

Placé au milieu de ces chances et d'une infinité d'autres non moins incertaines qui peuvent influer sur le sort de la navigation, et qu'il est impossible d'apprécier avec justesse et souvent de prévoir, l'assureur, en contradiction avec l'assuré qu'il ne doit pas rebuter et qui néanmoins cherche à donner la moindre prime, a besoin de tout son génie, de toute sa vigilance, pour ne pas devenir victime de sa facilité et de l'utile appui qu'il donne au

commerce.

Mais il n'a pas tout fait encore, lorsqu'il a combiné, du moins approximativement, les chances que lui présentent les élémens, la politique, la qualité du navire assuré, et les autres de même nature; lorsqu'il a, relativement à ces chances, convenu d'une prime convenable, avec l'assuré de bonne foi

Une chance plus délicate encore exige toute son attention; c'est celle qui tient à la moralité des assurés et des capitaines; l'assureur traite, pour ainsi dire, en aveugle avec l'assuré qui a seul le secret de son entreprise et la connaissance intime des faits relatifs à l'assurance.

Une fausse déclaration, une réticence perfide peuvent dénaturer le risque, ou présenter comme en risque, des objets que l'assuré sait déjà perdus.

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Des faits supposés, des comptes exagérés peuvent faire supporter aux assureurs, des frais et des avaries qui n'étaient point à leur charge.

Un sinistre officieux peut donner ouverture au paiement de la somme assurée; tandis que par une combinaison frauduleuse dont l'assureur n'aura pas été instruit, les objets assurés n'auront point été mis en risque, ou vaudront beaucoup moins que ce qu'ils auront été appréciés.

Les autres chances ne sont rien auprès de celles auxquelles les assureurs sont ainsi exposés de la part du négociant ou du capitaine de mauvaise foi.

Aussi une des plus importantes qualités de l'assureur, est la connaissance des hommes sur la place où il assure ;'un de ses soins le plus utile, est de ne point donner sa garantie à ceux dont la mơralité n'inspire pas la confiance.

Mais s'il lui importe de se tenir en garde contre la mauvaise foi, il est aussi de son intérêt, autant que de son honneur et de son devoir, de se rendre recommandable par son exactitude et sa loyauté, par sa facilité même à renoncer aux moyens légaux dont l'emploi pourrait paraître trop rigoureux envers l'assuré de bonne foi.

En effet, comme je l'ai dit, un de ses plus grands avantages est de pouvoir choisir parmi les assurés ; mais l'attention et l'intelligence ne lui suffisent pas pour cela; il faut encore qu'il soit lui même

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agréé des assurés; et cela ne peut être qu'autant que par son exactitude, par sa conduite franche et loyale, il captivera leur confiance.

II. Législation et jurisprudence relatives au Contrat d'assurance; Auteurs qui en ont traité.

Il fallait au contrat d'assurance, des règles appropriées à sa nature et à sa destination.

On ne pouvait les trouver dans les tems anciens où le système des assurances n'était pas connu.

Ces tems fournissaient même très-peu de matériaux pour le droit maritime auquel s'est rattaché le contrat d'assurance.

Les Phépiciens et les Carthaginois qui ont été si fameux par leur génie commercial et leurs entreprises nautiques, ne nous ont laissé aucun vestige de leurs lois.

On a beaucoup vanté celles des Rhodiens qui comme les Phéniciens et les Cartaginois et dans le même tems que ces derniers, se sont adonnés au commerce et à la navigation; mais ces lois ne nous sont connues que par les éloges qu'on en a faits, et par quelques extraits qui en ont été conservés dans le corps de droit de Justinien (1).

(1) Emerigon, préf. pag. 2 et suiv.; Azuni, droit maritime de l'Europe, tom. 1, pag. 327 et suiv., 369 et suiv., 376 à 385.

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