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Les Romains qui paraissent avoir pris pour règle ces lois Rhodiennes si vantées, ne nous ont pourtant laissé, sur les matières maritimes, que quelques dispositions sages à la vérité, mais bornées en elles-mêmes autant que dans leur objet.

Enfin ces lois même étaient tombées dans l'oubli, à la suite des irruptions des peuples du nord.

L'aurore d'une nouvelle législation maritime se montra vers le onzième siècle, à mesure que le commerce et la navigation commencèrent à reprendre quelque faveur en Europe. A cette époque, et même, suivant Boucher (1), dès le neuvième siècle, parut le Consulat de la mer, compilation de lois et usages maritimes, faite à Barcelonne (2), et dans laquelle, à travers des expressions et quelques coutumes grossières et même barbares, on admire un esprit de justice et d'équité qui en a fait pendant long-tems le code de presque tous les peuples maritimes de l'Europe, et notamment de ceux qui naviguaient dans la Méditerranée.

Depuis, la Guienne, Wisbuy, Lubeck et les autres villes anséatiques, Anvers, Amsterdam et la plupart des peuples qui se sont livrés au commerce et à la navigation, ont eu leurs lois, leurs

(1) Préface de sa traduction du Consulat de la mer, pag. vi.

(2) Voy. Préf. de Boucher.

règlemens, leurs recueils de décisions ou d'usages maritimes (1).

Les lois Romaines remises en vigueur dans ces mêmes tems, grossirent, et confirmèrent sur divers points, ce nouveau droit.

C'est dans cette renaissance et ces progrès du droit maritime, que les règles du contrat d'assurance vinrent se lier à ce droit; elles naquirent d'abord du sujet lui-même, et trouvèrent leur sanction dans l'usage, et dans le sentiment du juste et de l'injuste, qui les à presque généralement dictées.

La ville de Barcelonne qui avait fourni, dans le Consulat de la mer, le premier monument de législation maritime, fut aussi la première à donner un caractère d'authenticité légale, aux règles du contrat d'assurance. Un règlement sur cetté matière fut fait dans cette ville le 3 juin 1484, et a été placé à la suite d'une édition du Consulat de la mér, publiée par Celelles en 1494 (2). Ce règlement fit loi dans la plupart des villes maritimes, comme le consulat de la mer auquel il fesait suite. Anvers, Amsterdam, publièrent aussi des règlemens

(1) Voy. le recueil intitulé, Us et coutumes de la mer ; Valin, préf. de son commentaire sur l'Ordónn. de 1681; Emérigon, préf. de son Traité des ass.; Azuni, droit maritime de l'Europe, tom. 1, pag. 390 à 506.

(2) Voy, Trad. de Boucher, pag. 714 et suiv.

'sur le contrat d'assurance; mais ce contrat qui avait pris naissance sur les côtes de la Méditerranée, ne fut pas aussitôt en vigueur dans toutes les villes maritimes. Il n'en est pas parlé dans les lois ou règlemens de plusieurs de ces villes, quoique postérieurs au règlement de Barcelonne du 3 juin 1484.

Ce que nous connaissons de plus complet et de plus satisfesant sur la matière des assurances, avant l'Ordonnance de 1681, est le Guidon de la mer, ouvrage particulier publié à Rouen, et dans lequel sont exposées d'une manière claire et simple (quoiqu'en vieux style ) les règles du contrat d'assurance, telles qu'on les observait alors (1).

Mais ces lois, ces règlemens, ces recueils d'usages maritimes, qui constituaient un fonds précieux, n'étaient pourtant guère que des matériaux épars et insuffisans, la plupart informes, sans autorité certaine, mêlés de coutumes abusives et souvent se contredisant les unes les autres.

Enfin, l'Ordonnance de la marine du mois d'août 1681, parut, et cette loi qui a été regardée comme le plus beau monument de législation du siècle de Louis XIV, dans laquelle ont été réunis et perfectionnés les matériaux existans auparavant qui y a ajouté de nouvelles richesses, a justement

(1) Voy. Us et coutumes de la mer, pag. 182 et suiv.

fait époque dans la législation maritime; obligatoire pour les seuls Français, elle est devenue, presque dès sa promulgation, le droit commun de l'Europe. L'ensemble qu'elle présente de toutes les parties du droit maritime, la justesse et la clarté de ses dispositions, l'ordre et l'intelligence qui y règnent, l'ont fait prendre pour règle ou pour modèle, mème chez les peuples le moins amis de la France.

Près d'un siècle et demi d'existence a rendu toujours plus sensibles le mérite et la beauté de cette loi; et à peine a-t-on apperçu pendant ce tems, quelques corrections ou additions à y faire.

Destinée à faire fleurir et à protéger le commerce et la navigation, elle embrassait tout ce qui y avait rapport, et le soumettait à des autorités spéciales. Cette concentration de matières et de pouvoirs, qui lui a donné en partie sa vigueur et son éclat, qui peut-être alors était nécessaire, et a certainement contribué aux progrès du commerce et de la navigation, a été jugée maintenant inutile, et même incompatible avec le système général de législation de l'empire.

Il s'en est suivi une dislocation des diverses parties de cette Ordonnance. On a transporté dans le Code de commerce tout ce qui a trait au règlement des intérêts des particuliers, c'est-à-dire, aux engagemens mercantiles maritimes

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qui peuvent se former entre eux,

à l'autorité qui

doit en connaître, et à la manière de procéder devant elle.

Mais c'est en touchant à l'Ordonnance de 1681, qu'on en a toujours plus reconnu le mérite. Les rédacteurs même du Code qui la remplace en partie, en ont parlé comme ses plus ardens panégyristes lorsqu'elle était le plus en vigueur.

>> La commission a long-tems hésité, disent les » premiers rédacteurs du Code de commerce (1), » à comprendre dans le projet, les lois qui régissent >> le commerce maritime.

» L'Ordonnance de 1681 que la reconnaissance » publique a placée au rang des plus beaux mo» numens de législation qui honorent le siècle » de Louis XIV, nous remplissait d'une juste dé» fiance. Nous avons craint qu'on ne nous accusât d'une profanation coupable, si nous osions y >> toucher.

>> Tels sont les sentimens que nous avons éprou» vés, lorsque nos délibérations se sont fixées sur >> cet important objet. Sans doute nous nous fus»sions abstenus de prendre cette espèce d'initia»tive, si elle n'eût été fondée sur un principe qui >> nous en fesait un devoir.·

(1) Analyse raisonnée des observations des Tribunaux, pag. 51.

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