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les jurisconsultes et les Tribunaux qui ont eu à s'occuper des matières dépendantes de ce droit.

Pothier qui a écrit après Valin, n'a donné que des traités fort courts sur quelques parties du droit maritime, et il ne l'a fait que d'une manière accessoire; cet habile et savant jurisconsulte, après avoir donné des traités sur tous les contrats et quasicontrats, a cru, pour le complément de son travail, devoir y ajouter les contrats ou quasi-contrats maritimes; mais fixé dans une ville de l'intérieur de la France, il n'avait aucune expérience de ces. matières, ce qui l'a mis dans le cas de n'en traiter que d'une manière circonscrite, et de tomber quelquefois dans des erreurs que les moindres connaissances pratiques lui auraient fait éviter. Cepeudant ces erreurs sont rares et n'empêchent point que ses traités en cette partie, et en particulier celui sur les assuranccs, n'aient un mérite réel. Guidé par une connaissance vaste et profonde du droit en général, doué d'un esprit facile et judicieux, il a puisé, avec discernement, dans là loi, dans Valin et dans d'autres auteurs, les règles du contrat d'ont il s'est occupé, et en a saisi les principes avec la sagacité qui lui est propre ; écrivain sage et méthodique, il a exposé ces principes et ces règles, avec une clarté et un enchaînement qu'on ne trouve pas toujours dans Valin, et, s'il lui est est inférieur par le défaut d'expérience et par les bornes dans lesquelles il a resserré son

ouvrage, il lui est préférable par l'ensemble qui y règne, et souvent parce qu'il établit des règles plus sûres, lorsqu'elles sont une dépendance du droit en général.

Emerigon qui est venu après Valin et Pothier, a poussé beaucoup plus loin qu'eux, la science du droit maritime. Conseiller au Siége de l'Amirauté de Marseille, il fut, comme Valin, fixé, par son état, à l'étude de cette science; il renonça ensuite à la profession de juge, pour se livrer à celle d'avocat et jurisconsulte, qu'il exerça avec honneur et distinction, et dans laquelle il s'attacha, d'une manière spéciale, au droit maritime commercial; la réputation qu'il s'était acquise en cette partie, fesait qu'on recourait à ses lumières, non seulement de Marseille, mais encore des diverses villes maritimes de la France. Il étendait ainsi chaque jour ses connaissances par l'expérience, en même tems qu'il les rendait utiles à ses concitoyens.

Déjà, lorsque Valin publia son commentaire en 1760, il avait de riches matériaux dont il fit part à cet auteur, avec un empressement qui le distingue autant, sous le rapport des qualités morales, qu'il l'était sous celui de la science et des talens.

» Ce savant généreux que le hasard m'a fait » connaître, ne fut, dit Valin (1), pas plutôt ins

(1) Préf. de son Commentaire, pag. ix.

»truit que je travaillais à un commentaire sur notre » Ordonnance, qu'il m'offrit, avec une cordialité >> rare et un désintéressement peut être sans exem>>ple, tout ce que, par une étude assidue et ré» fléchie, il avait recueilli de décisions et d'autorités >> convenables à cet objet.

» On conçoit que j'ai dû balancer long-tems à » accepter des offres de cette nature; je ne m'y suis >> enfin déterminé, que parce qu'il a eu le secret de » me persuader que ce n'était que pour son usage » particulier, qu'il avait fait cette riche collection. Il >> m'en a donc fait passer une copie dont j'ai fait » un tel usage, qué presque tout ce que l'on trou» vera de bon dans ce commentaire, quant à lä >> partie de la jurisprudence, est en quelque sorte >>son ouvrage autant que le mien.

» Je lui devais ce témoignage public de ma >> reconnaissance pour un bienfait aussi noble et >> aussi gratuit. »

Vingt-trois ans s'écoulèrent depuis le moment où Valin écrivait de la sorte, jusqu'à celui où Emerigon publia son ouvrage. On sent combien, dans cet intervalle, une étude toujours suivie, une expérience constamment exercée, ont dû ajouter aux richesses dont il avait fait part à Valin, avec cette libéra lité qui lui a valu de si justes éloges de celui-ci.

Son ouvrage qui fut publié en 1783, est divisé en deux traités, l'un du contrat d'assurance, l'autre,

du contrat de prêt à la grosse. Quoique, d'après le titre, il paraisse n'avoir pour objet que ces deux espèces de contrat, néanmoins il donne accessoirement des notions étendues et précieuses sur toutes les parties du droit maritime privé.

Mais le contrat d'assurance a principalement fixé son attention. On est en quelques sorte étonné de l'étendue des connaissances théoriques et pratiques qu'il montre sur cette matière. Il n'est aucun auteur français ou étranger, qu'il n'ait soigneusement étudié, analysé etmis à contribution; il y a joint l'extrait d'une foule d'arrêts, de jugemens, de décisions arbitrales, de consultations, à la plupart desquelles il avait concouru comme défenseur, comme conseil ou comme arbitre. Enfin, appuyé de sa grande expérience, il a recueilli et attesté les règles consacrées par l'usage, qui, comme nous l'avons dit, sont un supplément nécessaire à la loi, dans ce qu'elle n'a pas prévu directement ou indirectement.

Cet auteur qui, quoique répandu en France et dans les pays étrangers, n'a peut-être pas encore, hors de sa patrie, toute la réputation qu'il mérite, est justement regardé par ses concitoyens, comme un oracle presque toujours sûr en matière d'assurance, et est cité devant les Tribunaux comme une autorité qui fait, pour ainsi dire, loi.

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Ce n'est pas qu'il soit exempt de toutes erreurs, ni qu'on ne puisse rien ajouter à ce qu'il a dit. Il

termine lui-même son traité du contrat d'assurance,

de la sorte:

» M. Valin a ouvert la carrière; ses lumières » ont éclairé M. Pothier; elles m'ont dirigé dans >> tout le cours de mon ouvrage, même dans les >> points où j'ai cru devoir m'écarter de l'opinion >> de ces deux grands écrivains; ceux qui traite>>ront après moi, la matière des contrats nautiques, >> corrigeront les erreurs dans lesquelles je puis être >> tombé. >>

Il ajoute » De nouvelles questions s'éléveront » et s'élèvent déjà de toutes parts; depuis la pu» blication de mon premier volume dont l'im» pression a été finie en janvier 1783, on m'a » proposé plusieurs cas et difficultés qui exigeraient » un long supplément. »

On trouvera dans des écrits ou jugemens postérieurs à Emerigon, la rectification de quelques unes des erreurs qui peuvent lui être échappées, la solution de quelques unes des difficultés qu'il voyait encore à résoudre. Mais il est toujours, parmi les auteurs qui l'ont précédé ou suivi, Français ou étrangers, le guide le plus sûr et le plus instruit que puisse prendre quiconque voudra acquérir la science du droit en matière d'assurance, et même de tous les autres contrats maritimes.

La publication d'un nouveau Code ne peut diminuer de beaucoup l'utilité de son ouvrage, puis

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