Page images
PDF
EPUB

des contraventions matérielles relatives au mode de publication.

La Révolution, journal périodique, avait paru sans cautionnement. Les propriétaires ayant été cités en police correctionnelle, à raison de cette contravention, le tribunal se déclara incompétent et renvoya les prévenus devant le jury. Le ministère public ayant interjeté appel, le défenseur a soutenu devant la Cour royale que la Charte ayant promis de soumettre tous les délits de la presse au jury, la loi du 8 octobre n'avait pu déroger à ce principe; que ce serait une dérogation que d'excepter de cette attribution générale le délit de publication sans cautionnement; que les lois qui règlent les conditions sous lesquelles les journaux doivent paraître, étant constitutives de la liberté de la presse, il est important que les infractions à ces lois soient jugées par les jurés ; enfin la loi du 8 octobre attribue la connaissance de tous les que délits de la presse aux jurés, sans poser d'exception à cette règle.

ARRÊT.

LA COUR, considérant que c'est sous l'empire d'une législation générale qui attribuait la connaissance des délits de la presse à la juridiction du jury, qu'une loi spéciale, en date du 9 juin 1819, a attribué à la juridiction *correctionnelle la répression des contraventions dans les modes de publication;

Que la loi du 25 mars 1822, qui a attribué à la police correctionnelle la connaissance des délits de la presse, n'a apporté aucun changement à cette législation; qu'en effet, tandis que la connaissance des délits de la presse était portée en appel devant la première chambre, réunie à la chambre correctionnelle, les contraventions relatives au mode de publication ont continué à être jugées en appel devant la seule chambre des appels correctionnels;

Considérant que toutes les lois sur la presse ont fait cette distinction entre les délits de la presse et les contraventions relatives au mode de publication; et que la loi du 8 octobre 1830 n'a rendu au jury que les délits de la presse; que si elle avait voulu modifier l'esprit de la législation antérieure, elle contiendrait à ce sujet une disposition spéciale :

Se déclare compétente; au fond, adoptant les motifs des premiers juges, donne défaut contre Fazy, et confirme la sentence dont est appel.

Du 9 février 1831. Cour de Paris. correctionnels.

Ch. des appels

Nota. Le principe que consacre cet arrêt ressort de toute la discussion législative qui a préparé la loi : nous avons rappelé dans notre art. 433 (t. 2, p. 260) tous les passages de cette discussion qui pouvaient éclaircir cette question.

[merged small][merged small][ocr errors]

Lorsque le prévenu d'un délit politique ne se représente pas devant la Cour d'assises, le jugement que cette Cour rend par défaut sans le concours du jury, peut-il avoir le caractère d'un jugement définitif, si le prévenu n'y forme pas opposition? Loi du 8 octobre 1830.)

L'application de la loi du 8 octobre 1830 soulève des difficultés nombreuses. Nous appelons l'attention de nos lecteurs sur l'une de ces difficultés, et peut-être n'est-ce pas la moins grave.

Si le prévenu d'un délit de la presse ou de tout autre délit po litique ne se représente pas devant la Cour d'assises où il est cité, quelle procédure doit suivre cette Cour? A la première vue, la réponse est simple. L'art. 4 de la loi du 8 octobre dispose qu'on doit se conformer, pour la poursuite des délits, aux dispositions de la loi dù 26 mai 1819, et l'art. 17 de cette dernière loi porte formellement que le prévenu, s'il ne se représente pas, sera jugé par défaut; mais cet article ajoute : « La Cour statuera sans assistance ni intervention de jurés tant sur l'action publique que sur l'action civile. » Or ici, s'élève un doute sérieux, doute puisé dans l'intention manifeste du législateur, dans l'esprit de la loi.

Cette attribution aux juges du droit, sans intervention des jurés, des jugemens par défaut, est-elle conforme au système général de la législation? Il faut remarquer que la loi n'a point enlevé aux juges correctionnels la connnaissance des délits politiques pour en investir les juges des assises; c'est la magistrature inamovible toute entière qui a été dessaisie; c'est le jury seul qui a reçu la mission d'apprécier souverainement ces sortes de délits. Tel est le principe de la loi : l'application doit en être rigoureuse.

Or, ce principe est-il observé dans le système de la loi de 1819? Le prévenu peut, à son gré, accepter pour juges le jury ou se soustraire à cette juridiction. En effet, dès qu'il fera défaut, les juges seuls statueront sur la prévention, et il dépendra ensuite de lui seul de donner, par son silence, une sanction à cet arrêt, ou de l'anéantir par son opposition. Voilà donc le prévenu investi en réalité du choix des juridictions, libre de répudier ou la Cour ou les jurés, suivant qu'il croira trouver dans la magistrature ou dans ses concitoyens quelque sympathie avec ses opinions, armé enfin du pouvoir étrange de ressusciter, quand il le croira utile à son intérêt, une juridiction abolie.

Mais une telle faculté est-elle en harmonie avec la loi du 8 octobre? Pourrait-elle surtout être soutenue en présence de celle du 4 mars 1831, qui vient commencer le nouvel édifice de notre législation criminelle? Est-ce lorsque la séparation des juges du fait et des juges du droit est plus largement tracée, qu'on doit attribuer à ceux-ci toutes les questions de fait que présentent les procès où.

le prévenu fait défaut? Est-ce lorsque la puissance des juges des assises est évidemment restreinte qu'il est conséquent de leur conférer une attribution nouvelle?

Car, quoique l'art. 17 de la loi du 26 mai ait été calqué sur l'art. 470 du Code d'inst. crim. relatif aux contumaces, il existe entre ces deux cas une différence telle, qu'elle empêche toute analogie. En effet, quand il y a simple délit politique, le prévenu est libre de comparaître ou de ne pas se présenter, d'accepter ou de répudier le jugement; enfin, de lui conférer un caractère ou provisoire ou définitif. Mais quand il y a crime, ce prévenu, incarcéré ou fugitif, n'est plus le maître de ses juges; le sort de l'arrêt qu'il a encouru, s'il est contumace, est fixé par la loi, sa présence l'anéantit nécessairement, et il ne dépend point de lui de lui donner vie et puissance. Ainsi, dans ces deux cas, il y a différence dans la position des prévenus, dans le pouvoir conféré aux actes et par suite, dans celui des juges. L'assimilation donnée à des procédures si diverses est donc sans fondement.

:

L'inconvénient que nous venons de signaler est tellement grave qu'on peut hésiter à croire que l'art. 17 de la loi du 26 mai soit encore en pleine vigueur suivant nous, il y a plutôt lacune sur ce point dans la loi nouvelle, que consécration de cet article de l'ancienne loi. Cependant, comme cette disposition n'a point été expressément abrogée, et que d'ailleurs aucune forme nouvelle n'y a été substituée, force sera sans doute de s'y conformer jusqu'à ce qu'un nouveau mode de procédure ait été établi.

Mais en signalant un vice de la loi, un oubli du législateur, nos observations n'en seront pas moins utiles, si elles appellent sur ce point les méditations des criminalistes; car ce serait une grave question de savoir par quelle procédure on pourrait remplacer la procédure actuelle des procès par défaut. Il paraît que quelques esprits avaient pensé à attribuer le jugement de ces procès, en matière de presse, au jury, juge souverain de toutes les questions de fait. Mais cette attribution est-elle en harmonie avec le principe fondamental de l'institution du jury, qui est que ses décisions ne puissent s'asseoir que sur un débat oral? Toutefois il est à remarquer qu'une exception à ce principe serait peut-être ici justifiée par le motif que le jury en matière de presse peut juger en pleine connaissance de cause, même en l'absence du prévenu, puisque le corps du délit est toujours présent (1).

ART. 543.

RÉCUSATION. TIRAGE AU SORT.

L'accusé doit exercer personnellement le droit de récusation.
S'il l'exerce par l'organe de son défenseur, il y a nullité.

(1) Ces pages étaient livrées à l'impression lorsque nous avons en connaissance de l'amendement adopté dans la séance du 12 mars dernier, dans la discussion du projet de loi sur la procédure en matière de délits de la presse, et par lequel cette question se trouve résolue dans le sens que nous avions indiqué.

[ocr errors]

Néanmoins ce défenseur peut assister au tirage au sort des jurés. (Art. 399 du Code d'inst. crim. )

Perrin et Louillet avaient été condamnés à la peine de mort pour assassinat. Le procès-verbal des débats constatait que les accusés, après s'être concertés entre eux, avaient expressément conféré à deux de leurs défenseurs le pouvoir d'exercer les récusations autorisées par la loi, et que ce droit, ainsi délégué, avait été exercé par ces défenseurs, sans aucune opposition. Mais les accusés ont voulu se prévaloir ensuite de cette circonstance, et ils ont présenté, comme moyen de le droit de récusation est personcassation, que nel et ne peut être l'objet d'aucune délégation. M. de Gartempe, avocat-général, a pensé que les demandeurs en cassation ne pouvaient présenter comme moyen un fait qui était leur propre ouvrage; mais au fond il a exprimé l'opinion que le pouvoir par eux donné à leurs défenseurs donnait à cette cause un caractère particulier et modifiait la question; que les défenseurs agissaient en vertu d'un mandat spécial, et n'avaient fait par conséquent qu'exprimer la volonté des accusés; qu'ainsi, le but de la loi avait été rempli.

ARRÊT.

LA COUR, vu l'art. 399 du Code d'inst. crim.; attendu qu'aux termes de cet article, l'accusé doit exercer personnellement le droit de récusation; - Que la présence du défenseur de l'accusé lors du tirage du jury ne doit servir qu'à guider cet accusé dans l'exercice de son droit personnel de récusation; Que, dans l'espèce, les accusés n'ont point exercé par eux mêmes le droit de récusation, mais bien par l'organe de leurs défenseurs ; · Qué le président de la Cour d'assises, en ne s'opposant pas à ce mode de récusation, a violé ledit art. 399 du Codé d'inst. crim.; Que dès-lors le jury de jugement a été vicié dans sa composition, et que par suite les débats et l'arrêt de condamnation ont été entachés de nullité ;-Casse l'arrêt de la Cour d'assises des Vosges, et pour être fait droit sur l'arrêt de renvoi devant la Cour d'assises, renvoie, etc.

Du 4 février 1831.—Cour de cass. —M. de Chantereyne, rapp; Nota. Cet arrêt achève de confirmer la jurisprudence de la Cour qui refuse aux défenseurs la faculté de prendre aucune part aux récusasions, et qui leur permet seulement d'être présens au tirage au sort du jury. Nous avons combattu cette restriction du droit de la défense dans notre art. 5.18. V. aussi les art. 435 et 514 de la Jurisprudence.

[blocks in formation]

Lorsque les conseils de guerre appliquent les peines fixées par le Code pénal ordinaire aux crimes commis par des militaires, cette application doit se borner à la peine proprement dite et non à l'accessoire relatif à l'exécution.

L'exposition et le carcan doivent, dans ce cas, étre remplacés par la dégradation.

Ainsi, le militaire déclaré coupable d'un vol qualifié doit être condamné aux travaux forcés et à la dégradation.

ARRÊT. (Bonnefoi, Vernouillet, etc.)

LA COUR, vu le réquisitoire du procureur-général en la Cour, sous la date du 4 de ce mois; vu la lettre de S. Exc. le garde-des-sceaux, ministre de la justice, sous la date du 1er de ce mois, adressée au procureurgénéral en la Cour, et contenant, aux termes de l'art. 441 du Code d'inst. crim. l'ordre formel de requérir la cassation, en ce qui concerne l'application de l'art. 22 du Code pénal, du jugement rendu le 22 décembre 1829, par le 1er conseil de guerre permanent de la 16° division militaire, contre les nommés Bonnefoi, Vernouillet et Hénault, soldats au 12o régiment d'infanterie de ligne, par lequel ces trois militaires ont été condamnés en cinq ans de travaux forcés, à l'exposition au carcan pendant une heure, par application des art. 385, 19 et 22 du Code pénal de 1810, pour crime de vol commis avec violence et de complicité envers un autre soldat, et pareillement la cassation au même chef de la décision du conseil de révision du 7 janvier suivant, confirmatif dudit jugement;

Vu lesdits jugement et décision sus-mentionnés; vu les art. 441 du Code d'inst. crim., 22 du Code pénal de 1810, 21, titre 8 du Code militaire des délits et des peines, du 21 brumaire an 5;

Attendu que, si les conseils de guerre permanens doivent appliquer les peines fixées par le Code pénal ordinaire aux crimes commis par des militaires, cela ne peut s'entendre que de la peine, proprement dite, et non de l'accessoire relatif à l'exécution déterminée par les lois militaires ; que la dégradation est, à l'égard d'un militaire, le préalable obligé de l'exécution de toute condamnation à une peine afflictive et infamante; que si l'art. 21 de la loi du 21 brumaire an 5, ne fait mention que de la peine des fers, c'est parce qu'à cette époque cette peine était commune au Code pénal ordinaire, et la même, quant à ses effets, que celle des travauz forcés, substituée nominativement dans le Code pénal de 1810; que, dès lors, en prononçant contre les soldats susnommés, la peine principale des travaux forcés à temps, le conseil de guerre permanent devait ordonner seulement leur dégradation préalable, peine accessoire prévue par le Code militaire, et parfaitement conciliable avec la peine principale des travaux forcés à temps;

Attendu que si tout militaire condamné à une peine afflictive et infamante d'après le Code pénal ordinaire, pouvait l'être accessoirement à l'exposition et au carcan, il devrait, et en conformité de l'art. 21 ci-dessus cité, subir la dégradation avant que d'être livré à l'exécuteur des jugemens criminels pour l'exposition, et qu'il résulterait de ce cumul une aggravation de peine non autorisée par la loi; - D'où il suit que le 1er conseil de guerre permanent, en appliquant, par le jugement dénoncé, l'art. 22 du Code pénal de 1810, et le conseil de révision en confirmant ce jugement dans toutes ses dispositions, ont fait une fausse application dudit article et violé l'art. 21, titre 8 du Code militaire des délits et des peines du 21 brumaire an 5: En conséquence statuant sur le réquisitoire du procureur

« PreviousContinue »