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Marguerites demandait que le roi vint dans l'Assemblée on arrêta enfin de faire sur-le-champ 'une députation au roi pour demander le renvoi des troupes, la libre circulation des approvisionnemens de Paris, l'autorisation de l'établissement de la garde bourgeoise, enfin une décision qui permit d'aller à Paris porter la nouvelle de l'éloignement des forces militaires, y rappeler l'ordre, tranquilliser et consoler les habitans. La députation allait partir (1), lorsque M. de Liancourt a

qualifiés de pestes publiques, et le rappel de Necker dont Sillery faisait le plus grand éloge. Elle se terminait ainsi :

«< Daignez, Sire, écouter les vœux que nous formons. Par quelle fatalité Votre Majesté ne serait-elle inflexible qu'à la voix de la nation fidèle? Les flots de sang qui ont coulé empoisonneront la vie du meilleur des rois; et la nation, Sire, va prononcer l'anathème contre ceux qui vous ont donné ces conseils sanguinaires. »

Un nouvel historien de l'Assemblée constituante (M. Lacretelle jeune) assure que le but évident de l'adresse proposée par Sillery était de porter à de nouveaux excès le peuple de Paris. Il est permis de croire que cette opinion n'est pas exempte de prévention et même de légèreté. (Note des nouv. édit.)

(1) Au moment où cette députation allait partir, Mirabeau prit la parole, et lui adressa cette harangue trop remarquable sous plus d'un rappor tpour ne pas trouver ici sa place.

« Dites-lui bien (au roi), dites-lui que les hordes étrangères dont nous sommes investis ont reçu hier la visite des princes, des princesses, des favoris, des favorites, et leurs caresses, et leurs exhortations, et leurs présens; dites-lui que toute la nuit ces satellites étrangers ont prédit dans leurs chants impies l'asservissement de la France, et que leurs vœux brutaux invoquaient la destruction de l'Assemblée nationale; dites-lui que, dans son palais même, les courtisans ont mêlé leurs danses au son de cette

annoncé qu'il était autorisé à dire que le roi allait paraître à l'Assemblée. Ce que M. de Liancourt ne dit pas, et ce que nous devons dire pour lui, c'est qu'on a assuré que c'était lui qui avait proposé au roi cette démarche si importante, et qui avait eu grande part à le déterminer (1). En effet, peu de temps après, le grand-maître des cérémonies est entré et a dit : « Messieurs, Sa Majesté » m'a chargé de vous dire qu'elle allait venir au >> milieu de vous. » Cette nouvelle si heureuse, si inattendue, a causé une joie inexprimable, et a fait une révolution dans les esprits, comme elle en devait faire une dans les choses. L'Assemblée, à qui le danger, l'effroi ou la douleur n'avaient rien ôté de sa dignité, a semblé la perdre dans la joie; cependant elle y est facilement revenue. On a d'abord chargé la députation déjà nommée d'aller au-devant du roi; ensuite on a représenté qu'on ignorait quelles étaient les dispositions du roi, et

musique barbare, et que telle fut l'avant-scène de la Saint-Barthélemy.

>> Dites-lui que ce Henri dont l'univers bénit la mémoire, celui de ses aïeux qu'il voulait prendre pour modèle, faisait passer des vivres dans Paris révolté, qu'il assiégeait en personne; et que ses conseillers féroces font rebrousser les farines que le commerce ap(Note des nouv. édit.)

porte dans Paris fidèle et affamé. »

(1) Le nouvel historien de l'Assemblée constituante (M. Lacretelle jeune ) rapporte comme un fait certain ce que Bailly ne donne ici que sous une forme dubitative. Rabaut-de-Saint-Etienne, torité plus sûre, confirme également cette assertion.

au

(Note des nouv. édit.)

*

ce qu'il devait annoncer; que le sang coulait dans Paris, et que la ville était encore agitée des convulsions qui nous donnaient la liberté. On a demandé que le respect silencieux des représentans du peuple frappât le monarque à son entrée, et on a dit cette vérité de tous les temps et de tous les pays, « que le silence du peuple est la leçon >> des rois (1). »

Le roi est entré sans gardes, sans autre cortége que ses frères, et sans faire usage d'un fauteuil qui lui avait été élevé sur une estrade debout et découvert, il a dit : « Messieurs, je vous ai assem» blés pour vous consulter sur les affaires les plus >> importantes de l'État. Il n'en est pas de plus » instante, et qui affecte plus spécialement mon » cœur, que les désordres affreux qui règnent dans » la capitale. Le chef de la nation vient avec con>> fiance au milieu de ses représentans leur témoi>>gner sa peine, et les inviter à trouver les moyens >> de ramener l'ordre et le calme.

>> Je sais qu'on a donné d'injustes préventions; » je sais qu'on a osé publier que vos personnes

(1) Cette observation sur l'attitude convenable aux représentans du peuple, lors de l'arrivée du roi dans l'Assemblée, fut faite par Mirabeau. Quant à la phrase qui la termine, elle est empruntée à Beauvais, évêque de Senez, elle se trouve dans l'oraison funèbre de Louis XV. L'évêque de Senez était membre de l'Assemblée constituante; mais il n'y prit jamais la parole. Cependant, il était regardé comme le premier des orateurs modernes dans l'éloquence de la chaire.

(Note des nouv. édit.)

» n'étaient pas en sûreté. Serait-il donc nécessaire » de rassurer sur des récits aussi coupables, dé›› mentis d'avance par mon caractère connu?

>>

» Eh bien, c'est moi qui ne suis qu'un avec la ›› nation, c'est moi qui me fie à vous. Aidez-moi » dans cette circonstance à assurer le salut de l'État. Je l'attends de l'Assemblée nationale; le » zèle des représentans de mon peuple, réunis >> pour le salut commun, m'en est un sûr garant; » et, comptant sur l'amour et la fidélité de mes » sujets, j'ai donné ordre aux troupes de s'éloi»gner de Paris et de Versailles. Je vous autorise » et vous invite même à faire connaître mes dispositions à la capitale. »

>>

Ce discours n'était pas celui que j'avais fait; je m'en souviens peu, mais je crois que celui-ci vaut mieux. Il me semble que le début avait quelque chose de plus noble: on fut un peu choqué des représentans assemblés pour étre consultés sur les affaires de l'État ; mais le reste enleva tous les suffrages et tous les cœurs. On vit avec plaisir bannir l'expression d'états-généraux, et le roi nommer l'Assemblée nationale. Ce discours fut interrompu plusieurs fois par les plus vifs applaudissemens; mais surtout l'assertion je ne fais qu'un avec la nation et le beau mouvement, on vous a donné contre moi d'injustes préventions; eh bien, c'est moi qui ne fais qu'un avec la nation, c'est moi qui me fie à vous, causa des transports de joie : jamais souverain et despote n'a eu une pareille jouissance

à celle du monarque dans ce moment, et déjà constitutionnel. Ah! bon et digne roi, voilà la ligne que votre heureux naturel et votre cœur vous avaient tracée, pourquoi vous en a-t-on quelquefois écarté ?

M. le président (1), au milieu des nombreux et bruyans applaudissemens qui ont interrompu et suivi le discours du roi, a dit : « Sire, l'amour de » vos sujets pour votre personne sacrée semble » contredire dans ce moment le profond respect » dû à votre présence, si pourtant un souverain » peut être mieux respecté que par l'amour de » ses peuples. L'Assemblée nationale reçoit avec » la plus respectueuse sensibilité les assurances que » Votre Majesté lui donne de l'éloignement des » troupes rassemblées par ses ordres dans les murs » et autour de la capitale, et dans le voisinage de » Versailles; elle suppose que ce n'est pas simple»ment un éloignement à quelque distance, mais » un renvoi dans les garnisons et quartiers d'où » elles étaient sorties, que Votre Majesté accorde » à ses désirs.

» L'Assemblée nationale m'a ordonné de rap»peler, dans ce moment, quelques-uns de ses » derniers arrêtés, auxquels elle attache la plus » grande importance. Elle supplie Votre Majesté » de rétablir dans ce moment la communication

(1) M. Le Franc de Pompignan, archevêque de Vienne.

(Note des nouv. édit.)

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