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HISTORIQUE

SUR LE CODE CIVIL.

« De bonnes lois civiles sont le plus grand << bien que les hommes puissent donner et « recevoir. >>

(Discours préliminaire prononcé lors de la présentation du projet de la commission du gouvernement; an 8).

Ce fut une pensée grande et féconde que celle d'établir, au milieu d'une nation jusques-là soumise à des lois et coutumes diverses, une législation uniforme, un Code commun à tous, une règle générale du droit.

Il appartenait à un peuple, qui avait tant fait pour la conquête et l'affermissement de sa liberté, d'ajouter à l'éclat de ses armes, à l'honneur de son indépendance, une conquête plus glorieuse encore, et qui pût résister aux revers, aux vicissicitudes politiques.

Pendant que nos exploits militaires étendaient au loin la puissance de la république française, des hommes, d'un mérité supérieur, d'une vaste capacité, secondés par le génie de Napoléon, élaboraient le

Code de nos lois, et préparaient les immenses matériaux de ce monument le plus complet, le plus parfait qu'ait conçu la raison humaine.

Les lois romaines avaient puissamment servi à la civilisation de l'Europe; la France en avait adopté les préceptes; tout le Midi en était imbu. Mais la coutume était venue se placer à côté du droit écrit ; il n'y avait de commun que la patrie; les États restaient excentriques. Quelques ordonnances royales exerçaient leur empire sur tout le territoire, et ramenaient, pour quelques cas seulement, à cette unité, dont la nécessité était depuis long-temps sentie.

Déjà, sous Charles VII, l'on avait cherché à réunir toutes les coutumes en une seule; mais ce règne, qui vit établir pour la première fois les libertés de l'Eglise gallicane par la pragmatique sanction donnée à Bourges en 1438, et qui opéra cette salutaire réforme de l'université de Paris en 1453, ne put réaliser l'œuvre ; les coutumes furent écrites comme elles l'avaient été dans les établissements de Saint-Louis, publiés en 1270; on n'alla pas plus loin.

Le président Brisson, qui périt si malheureusement au milieu des horreurs de la ligue, Lamoignon, d'Aguesseau, avaient cherché à reproduire cette penséc d'un Code uniforme.

Mais les abus s'étaient maintenus, l'usage s'appuyait sur la possession, les mœurs sur l'habitude; et peut-être ne fallait-il pas moins que cette immense révolution politique, qui remua la société jusques dans ses fondements, pour opérer cette révolution législative, dont la France a recueilli des fruits si précieux.

L'histoire du Code civil, c'est l'histoire de nos libertés; les coutumes avaient été imposées au peuple par les grands vassaux de la Couronne; elles ne pouvaient survivre à la féodalité, résister au mouvement du progrès politique.

L'assemblée constituante, qui commença d'une manière si large l'oeuvre de la réforme, décréta, dans sa séance du 5 juillet 1790, que «les lois civiles seraient revues et réformées par les législateurs, et qu'il serait fait un Code général de lois simples, claires et appropriées à la constitution. » Et l'on écrivit dans la Constitution de 1791, « qu'il serait fait un Code de lois civiles, communes à tout le royaume. »

L'Assemblée législative, qui lui succéda, invita, par une adresse, tous les citoyens, et même les étrangers, à lui communiquer leurs vues sur la formation d'un nouveau Code, et la Convention répéta, dans son acte constitutionnel, que « le Gode des lois ci

viles et criminelles serait uniforme pour toute la république. » Mais le peu de temps accordé au Comité chargé de sa rédaction, fut un obstacle que l'intelligence, le génie, la capacité, ne purent vaincre ; la hâte exclut la réflexion. Justinien avait donné dix ans pour une simple compilation, la Convention fixa le terme à un mois; et c'est ici que se placent les deux premiers projets de Cambacérès, le plus didactique des législateurs, suivant l'expression d'un de nos grands écrivains. Une trentaine de séances furent consacrées à la discussion de ces projets, dont le premier fut reconnu trop compliqué, et le second trop concis ; mais, soit par les embarras politiques de l'époque, soit à cause de l'influence du temps et des opinions exaltées de la plupart des membres de cette Assemblée, le Code civil ne put se faire jour au milieu de ce mouvement extraordinaire, de cette crise nationale.

Le Directoire exécutif poursuivit l'œuvre, et, devant le Conseil des Cinq-Cents, s'engagea la discussion sur un troisième projet de Cambacérès, travail méthodique et précis dans lequel fut posée une partie de ces grands principes que l'on introduisit plus tard dans le Code.

Tout cesse au 18 brumaire, ou plutôt tout se ranime; une nouvelle vie politique commence, d'au

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