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C'est le vœu de la loi que du sein de notre garde nationale s'élancent au besoin des bataillons de jeunes gens pour voler à la défense du sol de la patrie. Cette organisation d'une garde nationale mobile qui s'improviserait à la hâte, si l'heure périlleuse venait à sonner, M. le général Lamarque, qui croit sans doute que nos ambassadeurs peuvent se tromper et être trompés, propose de la préparer à l'avance dans le calme de la paix. Le ministère lui répond que la proposition n'est pas légitimée par l'imminence du danger, et que l'Europe, grâce à la prépondérance que s'est acquise en se croisant les bras la France qui veut la paix, doit continuer à reposer tranquillement sur le lit de roses que la diplomatie lui a fait. Mais quand nous pourrions admettre l'hypothèse ministérielle, nous n'en aurions pas moins honte de subordonner l'organisation de notre garde nationale mobile à ce que le moment présent exige ou n'exige pas encore, et nous ne voudrions pas enfermer une immense question dans le cercle étroit d'une considération accidentelle. M. le général Lamarque décèle un esprit prévoyant lorsqu'il voudrait préluder à la diminution de notre armée de ligne en renforçant l'institution de notre armée citoyenne par l'organisation d'une garde nationale mobile, qui serait notre landwher, tandis que le reste de la nation sous les armes est notre landsturm. C'est donc d'une garde nationale mobile permanente que M. le général Lamarque provoque la création afin d'arriver progressivement à une grande réduction, et nous, nous ajoutons à la suppression de notre armée de ligne. Cette diminution des corps de ligne remplacés par une force nationale mobile, pour ne pas parler de leur extinction totale, dont l'utilité et la nécessité ne sont pas encore assez généralement senties, est appelée par le cri unanime de tous les hommes sincèrement jaloux de notre indépendance intérieure et extérieure. Mais comment y arriver autrement que par la seule voie qui y conduise? D'accord sur la fin, force sera donc qu'avec le temps on finisse par s'entendre aussi sur les moyens, et c'est à l'expérience que nous en appelons des décisions tranchantes de la majorité des députés. C'est un puissant argument de M. le général Lamarque en faveur de l'organisation qu'il proposait,

qu'elle offrirait le double avantage d'être l'égide de l'indépendance nationale et une garantie de plus de la liberté publique. La garde nationale mobile serait toujours là pour protester sous les armes, en cas d'attentat liberticide, contre une armée qu'un conquérant aurait enivrée de gloire. Il est vrai qu'avec des soldats citoyens il faudrait renoncer à tout exploit contre nos libertés civiles et contre les libertés publiques; mais nous ne voyons pas quel grand dommage s'ensuivrait pour la nation. Il n'est pas un Français qui n'abrège de tous ses vœux les temps que nous devons encore traverser avant d'arriver au jour où le despotisme ministériel ne trouvera plus chez nous d'exécuteur armé de ses hautes œuvres.

La séance du 25 octobre a prouvé que quelques députés nourrissent avec nous le désir et l'espérance de voir réduire progressivement, jusqu'à leur extinction complète, les armées permanentes qui campent aujourd'hui au milieu de l'Europe. M. de Ludre pense que l'organisation des milices nationales mettra un jour les nations à même de réduire les armées permanentes qui dévorent la substance des sociétés. M. Barbet appelle de ses vœux la pratique d'un système militaire en harmonie avec nos besoins et nos mœurs, et qui nous délivrerait de la charge des armées permanentes. M. Larabit a vu dans la proposition de M. le général Lamarque un moyen d'arriver, par un véritable désarmement, à la réduction des impôts les plus onéreux. M. Delaborde a fait valoir la supériorité d'une garde nationale mobile sur l'armée la mieux disciplinée. N'étaient-ce pas des gardes nationales mobiles, s'est-il écrié, ces paysans suisses, si redoutables aux oppresseurs de leurs pays, ces Hollandais, ces Belges, ces Américains, fondateurs de leur liberté ? Ces levées en masses de notre première révolution, qui ont débordé sur l'Europe, n'étaient-ce pas aussi des gardes nationales mobiles? Et quand la victoire leur devint infidèle, par qui furent-elles réfoulées sur nos frontières? Par les gardes nationales mobiles de toute l'Europe. M. le maréchal Clausel s'est servi d'un exemple pris dans l'histoire de nos jours pour rendre évidente la nécessité des réserves, et c'est dans les rangs de la garde nationale qu'il voudrait puiser une inépuisable

réserve. Enfin M. le général Lamarque, en développant sa proposition, avait signalé l'importance d'une défensive organisée sur tous les points dans une nation qui n'est pas protégée par des obstacles naturels. Si nous étions tentés de trouver petit le nombre des députés qui ont compris la proposition, souvenons-nous que nous ne sommes qu'à l'aurore du jour de la liberté, et qu'il fait encore nuit pour la plupart de nos hommes politiques.

La discussion provoquée par cette proposition a au moins montré à la France que quelques esprits commencent, au sein de la Chambre des députés, à reconnaître la nécessité et à concevoir la possibilité de répudier l'institution despotique des armées permanentes. Une minorité, faible de nombre, mais riche d'avenir, s'aperçoit que c'est ailleurs qu'il faut chercher désormais un point d'appui à la force publique. Des paroles ont été prononcées qui seront fructueuses plus tard. Ce n'est pas du développement de nos moyens défensifs que l'Europe s'alarmera jamais. L'augmentation de l'effectif de nos bataillons réguliers lui serait plutôt suspecte. La mobilisation de notre garde nationale et la diminution de l'effectif de notre armée de ligne serait la meilleure garantie que nous pourrions offrir de notre amour de la paix, qui, pour être mal entendu de la part des ministres, n'en est pas moins sincère.

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Grande serait l'illusion et prochain le désappointement des libéraux d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande s'ils croyaient le ministère Grey et Brougham moins aristocratique que l'administration Wellington et Peel. La part active que le cabinet britannique actuel a prise à la protocolisation des Belges, et l'indifférence, pour ne rien dire de plus, dont il a fait preuve envers les héroïques Po

lonais, ne nous permettent pas de douter un instant que sa participation au bill de réforme ne soit autre chose qu'un sacrifice à la nécessité. Céder à point est la règle qui de tout temps a dirigé le gouvernement anglais, et l'explication du maintien prolongé, en dépit des lumières modernes, de cet établissement vermoulu de l'Eglise et de l'Etat qui contraste d'une manière si révoltante avec les idées et les intérêts populaires. A chaque crise politique, n'avons-nous pas vu les habiles du tory sme prendre l'initiative de modifications trop généralement voulues pour être évitées, et dont ils savaient bientôt neutraliser les conséquences à l'aide de leur propre parti, qui, pris en masse, ne cessait de repousser le principe des changemens que les chefs réalisaient de fait. C'est ainsi que, pour avoir été octroyée par Wellington, l'émancipation catholique, droit incomplet, accepté comme un bienfait par l'Irlande, n'a remédié en rien aux maux de cette terre classique de la misère. Il comprenait bien l'état des choses, ce radical William Cobbett, auquel le bill soi-disant libérateur faisait hausser les épaules, au risque d'être traité, comme il l'a été par ses amis eux-mêmes, de transfuge de la plus sainte cause.

Qu'est-ce que le bill de réforme? La suppression de l'aristocratie nobiliaire au profit de l'aristocratie marchande, plus puissante parce qu'elle est plus nombreuse, plus immorale. Ce n'est pas à Paris que nous devons nous étendre en commentaires pour le prouver. Aussi voyons-nous le ministérialisme provoquer la création d'une garde nationale pour comprimer les classes inférieures qui réclament un légitime adoucissement à leurs souffrances et demandent compte des richesses d'une église sans croyans, milice consacrée de tons les priviléges, parce qu'elle ne vit que d'abus et de rapines.

Nous comprenons la perfidie du Courier et des autres organes ministériels, qui, très-sérieusement, racontent à John Bull comme quoi ce serait compromettre son bien-être que de pousser à bout one pairie décrépite, et lui promettent qu'il se trouvera bien de s'en rapporter à la sagesse du roi et de ses conseils pour l'accomplissement d'une réforme déjà incomplète, et que l'aristocratie aura bientôt rendue nulle, si on la laisse faire, en l'amendant de manière à ce que les lords puissent l'accepter sans se suicider. C'est

aussi chapeau bas que la diplomatie a débuté auprès des Belges et des Polonais. Il n'y avait que des ennemis qui pussent leur conseiller d'envahir la Hollande et la Lithuanie, tandis que l'enthou siasme patriotique rendait possibles les plus hardies résolutions; ils devaient être sages pour ne pas fâcher outre mesure les maîtres dont ils avaient secoué l'oppression! Où est la Belgique ? où est la Pologne?

Et ce serait aussi, pour les Irlandais, servir la cause de leurs ennemis que de profiter de leurs embarras pour revendiquer la rupture de l'Union; évidemment ils se compromettraient en troublant par des menaces inopportunes les méditations du gouvernement le plus sensible aux maux du peuple et le plus soucieux de remédier à sa détresse! Par malheur, tel n'est pas l'avis d'O'Connell. On lit dans le Dublin Morning Register la relation suivante d'un dîner de deux cents couverts que présidait le grand agitateur.

« Après le toast à la verte Erin, M. O'Connell se leva et prit la parole en ces termes :

<< Il est manifeste que jusqu'à ce jour nous n'avons eu aucune administration qui ait pu ou puisse raisonnablement prétendre qu'elle gouvernât l'Irlande pour l'Irlande même. Vous comprenez que je suis loin de faire une exception en faveur du cabinet actuel. (Ecoutez! écoutez!) Depuis un an que les wighs sont aux affaires, qu'ontils fait pour l'Irlande ? Rien. Mais non, le ministère wigh a nommé les Enniskillen, les Lorton, les Fitz-Gerald, les Forbes, lordslieutenans de nos comtés; et quand je dis qu'il n'a rien fait, j'entends rien qui ne soit à notre désavantage. Oublierons-nous que nous lui devons l'armement de la néfaste yeomanry? Ne sauronsnous jamais réclamer l'accomplissement des plus solennelles promesses? Exigeons le désarmement de ces bandes ennemies d'orangistes; que le vestry bill soit modifié au point d'être une première brêche aux temporalités de l'Eglise établie par la loi; que catholiques et dissidens de la foi officielle soient exemptés du paiement des dîmes, c'est-à-dire, qu'on enlève à l'établissement son dernier fidèle (rires); que le bill si long-temps promis du grand-jury soit enfin réalisé; que les fonctions de la magistrature soient retirées aux hommes qui, payés par le peuple, exploitent le peuple pour compte du gouvernement; qu'un juge ne puisse impunément trai

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