Page images
PDF
EPUB

que sorte, le pays, chacun se donnera sa province, s'évertuera de son mieux pour la remplir de ses lois, et on aura cette maladie qui a été bien nuisible dans un temps à la plus sainte des causes, à la cause de la liberté, l'excessive multitude, la variabilité, l'inconstance des lois.

Aussi, nulle part, si ce n'est dans quelques Républiques de la Suisse, où on a suppléé au veto en donnant au pouvoir exécutif l'initiative exclusive, nulle part on n'a refusé le veto au pouvoir exécutif. La question a été plutôt de savoir si le veto devait être suspensif ou absolu. On appelle veto suspensif le droit accordé au pouvoir de refuser un projet de loi, mais de le refuser temporairement seulement, c'està-dire que si deux ou trois législatures successives persistent à lui présenter un projet de loi, le projet de loi devient loi sans la sanction du pouvoir exécutif. C'est ainsi que l'avait établi la Constitution de 1791. Or, il faut le dire, le veto suspensif est un assez mauvais palliatif, car que fait-il? il ne fait qu'éloigner un peu le but que l'auteur de la loi voulait atteindre; il ne désespère pas, il s'irrite de l'obstacle temporaire qu'on lui oppose. Le veto absolu peut prévenir une mauvaise proposition, le veto suspensif ne le peut pas. « Le veto suspensif, a dit Benjamin >> Constant, qui ajourne à un temps éloigné une loi » que ses auteurs disent urgente, paraît une vérita» ble dérision: la question se dénature, on ne dis» cute plus la loi, on dispute sur les circonstan

» ces. >>

Le veto suspensif ne produit donc pas les effets que

le veto est appelé à produire ; il ne sert pas de moyen préventif contre les projets inadmissibles. Mais, je le répète, dans l'ensemble de nos institutions, le veto n'est guère appelé à jouer d'autre rôle que celui de faire sentir aux auteurs des propositions que leurs propositions doivent être plus réfléchies, parce qu'elles pourraient être rejetées si elles n'étaient pas raisonnables, mais il n'est presque pas mis en usage.

QUATRE-VINGT-TREIZIÈME LEÇON

SOMMAIRE

Sanction, promulgation et publication des lois. Distinction nécessaire entre les actes du pouvoir législatif, du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire. Réfutation de l'opinion que le pouvoir judiciaire serait une branche de l'administration générale du pays confiée au pouvoir exécutif, Véritable sens de la phrase: «Toute justice émane du Roi. »>

MESSIEURS,

La loi n'est parfaite que par la sanction royale ; c'est un principe auquel la Charte ne fait pas d'exception. « Le Roi seul, dit l'article 18, sanctionne et promulgue les lois. » En 1791, il y avait quelques décrets portant le nom de lois qui étaient dispensés de la sanction royale. « Les décrets du Corps législa>> tif concernant l'établissement, la prorogation et la » perception des contributions publiques, porteront >> le nom et l'intitulé de lois. Ils seront promulgués » et exécutés sans être sujets à la sanction, si ce » n'est pour les dispositions qui établiraient des pei» nes autres que des amendes et contraintes pécu»> niaires. » (Chapitre II, section III, article 8.) Pour les lois soumises à la sanction, le Roi était tenu d'exprimer son consentement ou son refus dans les deux

mois de la présentation du décret. Aujourd'hui, il n'existe aucune restriction, aucune règle particulière à cet égard. La sanction royale est nécessaire pour tout projet, quel qu'il soit, et aucune limite de temps n'est fixée pour l'accomplissement de cet acte. Cette pleine liberté s'applique aux résolutions qui ont pris naissance dans les Chambres aussi bien qu'à celles qui viennent du gouvernement.

Les formes à suivre pour la sanction et la promulgation des lois avaient été réglées par le titre IV de la loi organique du 13 août 1814. « Le Roi refuse sa >> sanction par cette formule: Le Roi s'avisera; et » s'il n'adopte point les propositions et suppliques >> qui lui sont faites, il dit : Le Roi veut en délibérer. Cette déclaration des volontés du Roi est noti» fiée à la Chambre des Pairs par le chancelier, et » à celle des Députés par une lettre des ministres >> adressée au président. - Le Roi sanctionne la loi » qu'il a proposée en faisant inscrire sur la minute >> que ladite loi discutée, délibérée et adoptée par les >> deux Chambres, sera publiée et enregistrée pour >> être exécutée comme loi de l'État. Les lois pro

[ocr errors]

posées par le Roi, sur la demande des deux Cham»bres, sont publiées et sanctionnées dans la même >> forme que celles proposées de son propre mouve>>ment. » Ces formes, empruntées aux usages anglais, ont été modifiées par les usages français. Voici comment les choses se passent, et il importe de se faire une idée nette des trois opérations qui suivent le vote de la loi : 1° sanction, 2° promulgation, 3° publication.

La sanction est un acte du pouvoir législatif. Une fois sanctionnée, la loi existe, quoi qu'elle puisse n'être ni promulguée, ni exécutée, car la loi en soi est l'acte des trois volontés qui constituent le pouvoir législatif; il y a loi en ce sens que les trois volontés coopérant à la même œuvre se sont trouvées d'accord; mais, il faut quelque chose de plus, il faut la promulgation, qui est un acte de la puissance exécutive seule. La Constitution de 1791, rédigée dans un temps où les idées théoriques dominaient les esprits, établit nettement la distinction. C'est au chapitre III, sous le chef du pouvoir législatif, que se trouvent les dispositions relatives à la sanction, et c'est au chapitre IV, sous le chef du pouvoir exécutif, que se trouvent les dispositions relatives à la promulgation de la loi. « Le pouvoir exécutif est chargé de faire scel>>ler les lois du sceau de l'État et de les faire pro>> mulguer. Il est chargé également de faire >> promulguer et exécuter les actes du Corps légis>> latif qui n'ont pas besoin de la sanction du Roi. » (Chapitre Iv, section Ire, article 1er.)

Publier, c'est encore autre chose; c'est prendre en fait les mesures nécessaires pour que la loi et sa promulgation puissent être raisonnablement censées connues de tout le monde, pour que nul ne puisse prétexter ignorance. Voilà le but de la publication.

Les divers actes constitutifs de la loi sont mentionnés dans la formule même de promulgation : « La » présente loi discutée, délibérée et adoptée par la >> Chambre des Pairs et par celle des Députés, et

« PreviousContinue »