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progression régulière à laquelle les prêtres obéissent aussi bien que les tribus qu'ils dominent. Cette progression est plus mystérieuse dans les doctrines sacerdotales, parce que sous le joug sacerdotal tout est mystérieux. Quelquefois aussi elle est plus lente, parce que les prêtres font tous leurs efforts pour la retarder. Mais elle n'en est pas moins inévitable et déterminée par des lois fixes, qui ont leur origine dans le coeur humain. On s'égare donc, lorsqu'au lieu de regarder la doctrinc la plus pure comme le résultat des travaux, des progrès, en un mot, de l'amélioration morale et intellectuelle de l'espèce humaine, on suppose que cette doctrine a précédé, on ne sait comment, toutes les autres doctrines, et lorsqu'on la place à une époque où l'homme était incapable de la concevoir, pour en faire honneur à des colléges de prêtres; ces prêtres, plus savants, et surtout plus rusés que la masse du peuple, étaient bien éloignés toutefois d'avoir pu s'élever à des conceptions qui ne sauraient être que le résultat lent et graduel d'une série d'efforts assidus, de découvertes accumulées, et de méditations non interrompues.

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Vouloir faire de la religion une unité immuable et seulement voilée aux regards profanes, se flatter qu'on découvrira cette langue unique, et qu'alors les cultes, les dogmes, les symboles de toutes les nations se révéleront à nos yeux comme une portion de cette langue sacrée, c'est se bercer d'un espoir chimérique. Ce n'est ni dans les symboles, ni dans les doctrines que cette unité peut se trouver. Mais pénétrez dans la nature de l'homme, vous y apercevrez, si vous l'étudiez bien, la source unique de toutes les religions et le de toutes les modifications qu'elles subissent.

germe

CHAPITRE VII.

Plan de notre ouvrage.

Le tableau que nous venons de tracer des diverses manières dont on a jusqu'ici considéré la religion, nous paraît prouver qu'il existe encore sur ce point important une lacune. Nous avons essayé de la remplir autant que nous l'ont permis nos forces.

Nous n'avons déclaré la guerre à aucun dogme: nous n'avons attaqué la divinité d'aucune des croyances qu'entoure la vénération publique. Mais nous avons pensé qu'on pouvait écarter avec respect, car tout ce qui touche à la religion mérite du respect, nous avons pensé, disons-nous, qu'on pouvait écarter avec respect des questions épincuses, et partir d'un fait qui nous semble évident.

Cc fait, c'est que le sentiment religieux (1) est un attribut essentiel, une qualité inhérente à notre nature.

Nous avons observé les formes que ce sentiment pouvait revêtir. Nous les avons

(1) Nous avons tâché de définir le sentiment religieux dans un chapitre précédent. Mais pendant l'impression de cet ouvrage, le premier des poètes anglais en a donné une définition tellement d'accord avec la nôtre, que nous ne pouvons nous empêcher de la rapporter ici.

How often we forget all time, when lone,
Admiring nature's universal throne,

Her woods, her wilds, her waters, the intense

Reply of hers to our intelligence!

Live not the stars and mountains? Are the waves
Without a spirit? Are the drooping caves

Without a feeling in their silent tears?

No, no. They woo and clasp us to their spheres,
Dissolve this clog and clod of clay before

Its hour, and merge our soul in the great shore,
Strip off this fond and false identity!

Who thinks of self, when gazing on the sky?

Lord BYRON's Island.

On nous assure que certains hommes accusent lord Byron d'athéisme et d'impiété. Il y a plus de religion dans. ces douze vers que dans les écrits passés, présents et futurs de tous ces dénonciateurs mis ensemble.

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trouvées proportionnées nécessairement à la situation des individus ou des peuples qui professent une religion.

N'est-il pas clair, en effet, que le sauvage qui ne subvient à sa subsistance que comme les habitants des forêts, ne saurait avoir les mêmes notions religieuses que l'homme civilisé? Quand la société est constituée, mais que les lois physiques du monde sont encore ignorées, n'est-il pas simple que les forces physiques soient les objets de l'adoration? A une époque plus avancée, les lois de la nature physique étant dévoilées, l'adoration se retire sur le terrain de la morale. Plus tard, l'enchaînement des causes et des effets en morale étant découvert, la religion se retranche dans la métaphysique, et la spiritualité. Plus tard encore, lorsque les subtilités de la métaphysique sont abandonnées, comme impuissantes à rien expliquer, c'est dans le sanctaire de notre ame que la religion trouve heureusement son inexpugnable asyle.

Tel a donc été notre premier principe. Nous avons dit la civilisation étant progressive, les formes religieuses doivent se ressentir de cette progression et l'histoire nous a con

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