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le bonheur que son peuple attendoit de sa sollicitude paternelle. En remplissant avec la fidélité la plus scrupuleuse les obligations que lui avoient imposées le traité de Tilsit et tant de conventions qui l'avoient suivi, il ne négligea aucune occasion et n'épargna aucun sacrifice pour plaire au gouvernement françois et le convaincre de la sincérité de ses efforts. Mais il s'en fallut de beaucoup que l'Empereur des François se proposât de rendre la pareille, que ce monarque, qui par sa puissance se croyoit au-dessus de ses propres devoirs, tint sa parole envers la Prusse dans plusieurs circonstances essentielles, et qu'enfin il cessât de faire du mal à une nation qui ayoit essayé sans succès de s'opposer aux vastes desseins de son ambition.

Entre tant d'actes arbitraires et violens dont la Prusse a eu à se plaindre, elle ne peut oublier la convention de Bayonne, malheureusement trop fameuse (1), qui avoit été conclue entre la France et le gouvernement du grand-duché de Varsovie, après une négociation conduite avec le plus grand secret, pendant même que le Prince Guillaume en suivoit ouvertement une pour rétablir l'harmonie entre la France et la Prusse. La convention

(1) Cette convention n'a jamais été publiée en France.

de Bayonne avoit pour but de ravir à la Prusse, sans sa participation, et en opposition complète avec tous les principes de la morale, du droit public, et du traité de Tilsit, ses propriétés dans le grand-duché de Varsovie.

Le traité de Tilsit avoit très-expressément stipulé par l'art. 25 : « Les fonds et capitaux ap«< partenant, soit à des particuliers, soit à des « établissemens publics, religieux, civils ou mili<< taires des pays que S. M. le Roi de Prusse cède <«< ou auxquels elle renonce par le présent traité, <«<et qui auroient été placés, soit à la banque de << Berlin, soit à la caisse de la société maritime, soit << de toute autre manière quelconque dans les états «de S. M. le Roi de Prusse, ne pourront être << ni confisqués ni saisis; mais les propriétaires des<< dits fonds et capitaux seront libres d'en disposer, «<et continueront d'en jouir, ainsi que des intérêts «échus ou à échoir aux termes des contrats ou « obligations passés à cet effet. » L'article 5 de la convention que le Prince Guillaume avoit été forcé de signer le 8 septembre 1808 contenoit à la vérité cette modification : « Que les créances « de S. M. le Roi de Prusse sur les particuliers «< du grand-duché de Varsovie seroient, confor«<mément aux stipulations du traité de Tilsit, <«< cédées sans aucune retenue. » Quelque insi

et

dieuse que fût cette modification, cependant, comme elle se rapportoit expressément aux clauses du traité de Tilsit, elle laissoit au moins intacte la garantie solennellement assurée par ce traité aux propriétés des particuliers et des établissemens prussiens dans le grand-duché de Varsovie; elle ne pouvoit donc concerner que les créances du Roi, c'est-à-dire, des caisses d'état, qui administrent les biens de la couronne, mais nullement celles des établissemens publics qui n'administrent que les biens des particuliers.

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Malgré cette garantie du traité de paix et même avant la convention du 8 septembre, le Roi de Saxe, grand-duc de Varsovie, avoit fait mettre sous le séquestre, comme biens échus à la couronne, tous les capitaux des sujets prussiens et des établissemens publics existans dans le grandduché, c'est-à-dire, non-seulement les capitaux de la banque, de la société du commerce maritime, de la caisse générale des veuves, de la caisse des veuves des militaires, du grand hôpital des orphelins de Potsdam, des hôpitaux, des maisons de correction, des caisses des droits judiciaires, des églises, des fondations pieuses, des universités, des écoles, etc.; mais encore beaucoup de capitaux, appartenans à des particuliers, sur le simple soupçon qu'ils étoient les agens ou

TOME II.

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les prête-noms de la banque de Berlin. Quelques e violente et hostile que fût cette mesure, on l'appuyoit sur la convention particulière conclue à Bayonne le 10 mai 1808 entre le Roi de Saxe et l'Empereur des François. Cet acte n'a jamais été communiqué officiellement au gouvernement prussien. On a cependant appris qu'en vertu de l'article 2, << Tout ce qu'on appeloit les créances «< réservées (ou prussiennes) et qui suivant la note «< de l'intendant général de l'armée françoise, se << montoient à 43,466,200 francs 51 centimes de «< capital et quatre millions d'intérêts arriérés, <«< ainsi que celles qu'on pourroit découvrir par << la suite, étoient cédées par l'Empereur des Fran«çois au Roi de Saxe, comme Grand-Duc de << Varsovie, pour améliorer les finances du grand« duché, et qu'en échange le Roi de Saxe pro<< mettoit de verser dans les caisses de l'Empereur « la somme de vingt millions de francs. >>

Deux monarques procédoient ainsi à la vente et à l'achat de la propriété d'un troisième souverain voisin et ami; et les employés du gouvernement du grand-duché recurent ordre de rechercher soigneusement cette propriété, comme si elle eût été sans maître ou eût appartenu à un malheureux proscrit. Ces employés s'acquit tèrent de leur commission avec un acharnement

sans exemple. On publia à Varsovie, le 13 dé

cembre 1808, une liste de

capitaux prussiens confis

écus.

gros.

qués qui se montoit à. . . . 11,314,769 `_5 Le 28 mars 1811, une se

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Il restoit par conséquent. 17,018,956 20 (1)

A

Cette somme de capitaux prussiens existans dans le grand-duché de Varsovie, dont la portion la moins considérable étoit réellement la propriété du Roi de Prusse, et dont le reste étoit incontestablement celle d'établissemens publics et de sujets prussiens, fut donc mise sous le séquestre et confisquée, ou menacée de l'être (2).

(1) Environ 64 millions de francs.

(2) Le gouvernement du grand-duché de Varsovie, fort de l'appui de la France, et irrité par quelques me

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