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ce ne sera certainement pas l'Autriche qu'on accusera d'inquiéter et de troubler la paix du

continent.

L'Empereur d'Autriche vient d'exposer avec franchise et bonne foi les principes qui ont guidé sa conduite, ainsi que les faits et les circonstances qui ont motivé ses déterminations. Le juste sentiment de sa dignité et de l'indépendance de sa monarchie a rendu toutes ses mesures indispensables; le danger le plus imminent les a toutes justifiées. Ce n'est pas sans un profond regret, mais ce n'en est pas moins avec la conviction la plus intime de la justice de sa cause, qu'il a recours aux seuls moyens qui puissent repousser l'injure et la menace, et éloigner de ses provinces cet état permanent d'agression dont il courroit seul le danger, s'il permettoit aux armées étrangères d'en choisir le moment. Sa satisfaction cependant sera entière, s'il est assez heureux de voir S. M. l'Empereur Napoléon se résoudre à n'user désormais de sa puissance que dans des bornes compatibles avec le repos et la sécurité de l'Autriche.

No II.

Ordre du jour du généralissime, Archiduc Charles, du 6 avril 1809.

La défense de la patrie nous appelle à de nouveaux exploits.

Aussi long-temps qu'il a été possible de conserver la paix par des sacrifices compatibles avec l'honneur du trône, la sûreté de l'état, et avec le bien-être des peuples, notre bon monarque fit taire la voix de la douleur qui s'élevoit en son cœur. Mais lorsque tous les efforts pour garantir notre indépendance contre l'insatiable ambition d'un conquérant étranger sont devenus inutiles; lorsque les nations qui nous entourent tombent et que des souverains légitimes sont arrachés du milieu de leurs sujets; lorsque le danger de l'asservissement menace aussi les heureux états de l'Autriche et ses paisibles habitans, la patrie réclame de nous son salut, et nous nous présentons pour la défendre.

Les yeux de l'univers et de tous les hommes qui n'ont pas renoncé au sentiment de l'honneur national et de la propriété sont fixés sur vous, mes_chers compagnons d'armes. Vous ne partagerez pas la honte de devenir les instrumens de

TOME II.

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l'oppression; vous ne ferez pas, dans des climats éloignés, une guerre exterminable pour satisfaire l'ambition d'un génie destructeur; vous ne verserez pas votre sang pour un intérêt étranger et pour l'avidité d'un étranger; vous ne serez pas condamnés à détruire des peuples innocens et de frayer à un étranger le chemin d'un trône usurpé, en accumulant les cadavres des défenseurs de leur patrie. Un sort plus beau vous est destiné; la liberté de l'Europe s'est réfugiée sous vos bannières; vos victoires briseront ses fers, et vos frères, les Allemands, qui sont forcés maintenant de se placer dans les rangs de leur ennemi, attendent de vous leur délivrance. Votre cause est juste; si elle ne l'étoit pas, vous ne me verriez pas à votre tête.

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Sur les mêmes champs d'Ulm et de Marengo, dont la jactance de l'ennemi nous rappelle si souvent le souvenir, nous renouvellerons les glorieuses journées de Wurzbourg et d'Ostrach, de Liptingen et de Zurich, de Vérone, de la Trebbia et de Novi. Nous conquerrons pour notre patrie une paix durable; mais nous ne pouvons atteindre à un si noble but que par de grandes vertus; une obéissance sans bornes, une discipline sévère, un courage à toute épreuve et une cons

tance inébranlable dans le danger, sont les compagnes de la véritable bravoure

Sa Majesté, mon souverain et mon frère, m'a donné des pouvoirs étendus pour récompenser et pour punir. Partout je serai au milieu de vous; les premières actions de grâces vous seront rendues sur le champ de bataille, au nom de la patrie, par votre général. Le patriotisme de beaucoup d'excellens Autrichiens a prévenu vos besoins; il vous est garant de la reconnoissance publique la plus étendue. Mais les punitions les plus sévères seront aussi la suite de chaque oubli de votre devoir. Sans distinction de rang ni de personnes, le mérite sera récompensé, le délit sera puni. Il sera livré à la honte et chassé de nos pays le lâche auquel la vie seroit plus chère que son honneur et le nôtre; mais, décorés des marques de l'estime publique, les braves qui auront bien mérité de la patrie seront présentés à notre souverain et au monde entier. Leurs noms ne s'effaceront pas de mon cœur.

J'ai encore une observation à vous faire. Le véritable soldat n'est terrible qu'à l'ennemi en armes : les vertus civiques ne doivent pas lui être étrangères. Hors du champ de bataille, il est modeste, miséricordieux et humain envers le citoyen sans armes et le laboureur pai

sible. Il connoît les maux de la guerre et tâche de les diminuer. Je punirai d'autant plus sévèrement toute vexation inutile, que notre monarque ne veut pas opprimer les peuples voisins, mais que son vœu le porte à les délivrer de leurs oppresseurs et à conclure avec leurs Princes une union durable, dont le lien rétablisse la tranquillité et maintienne le bien-être et la sûreté universelle.

Bientôt des troupes étrangères, étroitement alliées avec nous, combattront avec nous l'ennemi commun. Alors, braves compagnons d'armes, vous les honorerez et les soutiendrez comme vos frères. Ce n'est pas la jactance qui honore le guerrier, il faut des faits glorieux. C'est par le courage que vous déploierez devant l'ennemi, que vous montrerez que vous êtes les premiers soldats.

Un jour, je l'espère, après une paix glorieuse, je vous ramènerai dans la patrie, accompagnés de l'estime des ennemis et de la reconnoissance des peuples étrangers. La satisfaction de notre monarque, l'approbation du monde, les récompenses de la bravoure et le sentiment d'avoir mérité le repos, vous y attendent.

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