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cette dernière réponse, comme la précédente ne résout pas la question.

D'un autre côté, ses apôtres enseignent qu'il faut obéir aux puissances, et que c'est résister à Dieu que de leur résister: or, nulle puissance n'étant au-dessus de la loi, il est clair qu'on ne peut se conformer à ce précepte qu'en obéissant aux lois. Les détracteurs du christianisme ont prétendu que par ce précepte Saint Paul avait sanctionné la violence ou le despotisme; mais c'est une erreur dans un Etat despotique comme dans un état sauvage., il n'y a point de lois; et d'apres Saint Paul, là où il n'est pas de lois, il ne peut exister de délit : ubi non est lex nec prevaricatio.

Les lois, la morale et la religion n'ont donc rien d'incompatible; cependant si la morale et les lois peuvent être fondues ensemble, il n'en est pas de même de la religion, surtout dans un Etat où les lumières ont fait de grands progrès, et où plusieurs sectes sont reconnues et protégées. On ne saurait donc plus tenter aujourd'hui les moyens employés par Licurgue ou par Numa pour donner de la stabilité à leurs institutions; mais il est un moyen qui ne serait peut être pas moins efficace et qu'il ne serait pas très-difficile d'employer. Ce serait de faire un Code de morale et de législation, dans lequel on ferait entrer toutes les dispositions qui peuvent avoir quelqu'influence sur la conduite publique ou privée. des citoyens.

Il faudrait avoir soin de mettre en première ligne

les peines les moins sujettes à contestation; parce qu'une fois qu'on serait bien convaincu de la réalité des unfes, on trouverait qu'on n'a si peu d'intérêt à ne pas croire à la réalité des autres, qu'on ne songerait plus à discuter sur ce point. Ainsi, l'on ferait connaître tous les maux qui résultent immédiatement d'une mauvaise action ou même qui la précèdent; tels, par exemple, que le danger auquel il faut s'exposer pour la commettre, et le mépris ou l'aversion dont elle charge celui qui en est l'auteur. Viendraient ensuite les peines prononcées par les lois; enfin on exposerait les dogmes des peines et des récompenses d'une autre vie. Je dis qu'on exposerait les dogmes des peines et des récompenses d'une autre vie, parce que toutes les sectes s'accordent à reconnaître Pexistence de Dieu, l'immortalité de l'ame, la récompense des bons et la punition des méchans.

Il importerait surtout de bien proportionner l'ins truction à l'âge et à l'état de chaque personne. Il ne faudrait pas, par exemple,que les ministres de la religion vinssent annoncer gravement à des enfans de huit ans, qu'ils doivent s'abstenir de la séduction et de l'adultère, et qu'il ne leur est permis de désirer l'œuvre de la chair qu'en mariage seulement. Il ne faudraît pas leur apprendre que l'ignorance et l'imbécillité sont des titres pour le royaume des cieux, lorsqu'on les destine à des emplois qui ne peuvent être remplis que par des hommes éclairés, ou lorsqu'on ne veut pas leur faire mépriser les hommes instruits

qui les gouvernent. Enfin il ne faudrait pas leur ap prendre à mépriser les dignités et les honneurs, lorsque la patrie ne peut donner aux citoyens vertueux qui la servent, que des honneurs ou des dignités.

Et qu'on ne pense pas que j'ai l'intention de déprécier certains préceptes de la morale évangélique ; car je crois, au contraire, qu'ils étaient tous excellens pour le siècle où ils furent enseignés. Dans les temps où les esprits n'étaient occupés que de vaines disputes, et où les systèmes les plus absurdes étaient ceux qui avaient le plus de partisans, ou devait donner un certain prix à l'ignorance, parce que l'ignorance est préférable à l'erreur; mais il serait insensé de déprécier les sciences, lorsqu'elles n'ont pour but que l'utilité des hommes, et qu'elles ne prennent que l'expérience pour guide. On devait également inspirer du mépris pour les honneurs ou pour les dignités, dans un temps où l'on ne pouvait les acquérir que par la faveur, et où la faveur ne s'acquérait que par le crime: Ad quem (consulatum) non nisi per Sejanum aditus: neque Sejani voluntas, nisi scelere quærebatur; mais ce serait une folie d'assimiler les actes de tous les Gouvernemens aux actes des Séjan et des Tibère. En un mot, les préceptes de la morale ni les lois ne sauraient être invariables; on doit les changer toutes les fois que les circonstances pour lesquelles ils ont été faits, changent; agir autrement, c'est se conduire comme si les hommes étaient faits pour la règle, et non la règle pour les hommes.

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Si le système que je propose était adopté, j'ose croire qu'on verrait un changement total dans les mœurs nos institutions si faibles en elles-mêmes prendraient de la force et de la stabilité; le Gouvernement se voyant établi sur des bases solides n'aurait plus à craindre les suites de cette inquiétude et de cette terreur qu'inspire toujours un pouvoir dont on n'aperçoit pas les limites : les citoyens voyant qu'ils n'ont plus rien à craindre du Gouvernement ne l'en serviraient qu'avec plus de zèle ; on n'aurait qu'une règle commune pour juger de la moralité des actions des hommes, et cette règle ne serait autre chose que l'utilité publique ; la loi ne serait jamais violée qu'avec connaissance de cause; et nous ne verrions pas punir des personnes qui le plus souvent n'ont failli que par ignorance; les citoyens vertueux voyant toujours des lois qui les protégeraient, en seraient plus attachés à leur patrie; les méchans s'exileraient ou s'abstiendraient de mal faire, parce qu'ils verraient sans cesse des lois prêtes à les punir, et que l'animadversion publique et la religion les poursuivraient quand le magistrat ne pourrait pas les atteindre; la religion, respectée par les meilleurs citoyens, ne serait plus un objet de dérision; et l'on oserait être religieux, parce qu'on pourrait l'être sans craindre de passer aux yeux de certaines gens pour un sot, pour un ignorant ou pour un hypocrite. Mais, pour arriver à ce résultat, il faudrait un Gouvernement qui voulût rendre les hommes meilleurs; un ouvrage de morale et de législation

exempt d'erreurs, et des hommes capables de l'enseigner ; et cela n'est et cela n'est pas facile à trouver.

DES GARANTIES.

que

leurs

LE Gouvernement a garanti la liberté de la presse, et il a établi une censure destinée à détruire cette liberté; il a garanti le libre exercice des cultes, et il oblige des citoyens à observer des fêtes cultes ne connaissent pas; il a garanti que tous les Français seraient également admissibles aux emplois civils et militaires, et il a établi des écoles mi litaires où il n'admet que des nobles, et où il prendra les officiers qui doivent commander les armées ; il a garanti l'oubli des votes et des opinions émis pendant la révolution, et les journaux, soumis à la censure de ses agens, traitent d'assassins et de brigands ceux qui ont émis des votes ou des opinions pendant la révolution; il a garanti que le pouvoir législatif serait exercé collectivement par le Roi, la chambre des pairs, et la chambre des députés, et tous les jours on publie des actes auxquels on donne la force des lois, quoiqu'aucune des deux chambres ni ait concouru; il a garanti l'indépendance du pou voir judiciaire, et il a arbitrairement annullé des jugemens inattaquables, et ses journalistes nous prouvent l'inutilité de la Cour de cassation; il a garanti......... mais que n'a-t-il pas garanti!

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